• Tidak ada hasil yang ditemukan

silesr2017 012 Paloor au Sénégal, sa vitalité estelle en déclin ? | SIL International

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2018

Membagikan "silesr2017 012 Paloor au Sénégal, sa vitalité estelle en déclin ? | SIL International"

Copied!
67
0
0

Teks penuh

(1)

Paloor au Sénégal,

sa vitalité est-elle en déclin ?

(2)

sa vitalité est-elle en déclin ?

Christina Thornell

en collaboration avec

Marie Diouf

Mamadou Diouf

Ibrahima Ciss

Abdoulaye Diouf

Fatou Diouf

SIL International

®

2017

SIL Electronic Survey Report 2017-012, Décembre 2017 © 2017 SIL International®

(3)

The present study focuses on the vitality of Senegalese language Paloor (ISO 639-3, [fap]). It is spoken by the ethnic group having the same name, composed of about 20,000 people. It is traditionally an oral language. L’Association des Paloor pour le Développement thinks that it is probable that the language is among the languages spoken in a multilingual environment in Senegal that will disappear. One reason for this is that French is the official language and the lingua franca Wolof penetrates everywhere. Lewis, Simons and Fenning (2016) agree, maintaining that the Paloor language is a threatened language. However, this view is not based on a study in the field. There is no such study, which justifies the present study. The results will indicate if the Paloor language needs to be revitalized and, if so, in what way.

The study is carried out within the framework of the “Language Vitality and Endangerment Scale” elaborated by UNESCO (2003). This framework proposes nine factors that influence the vitality of a language. All nine factors are taken into account. However, their influence varies. The first factor, the intergenerational transmission of the language, is the strongest one. Without transmission, there will be no speakers in the younger generation. Without speakers, there will be no Paloor language. The results will show to what degree and in what domains the vitality of the Paloor language has decreased.

Moreover, based on the results, it will be possible to develop an action plan for its revitalization, using a number of measures suggested by UNESCO.

The data were collected by means of a sociolinguistic survey carried out in the Paloor region in 2009. They have been gradually updated as the analysis has evolved. The analysis was completed in 2014.

The results indicate that the vitality of the Paloor language is in danger (according to the UNESCO scale), meaning that its vitality is at an even lower level than Lewis, Simons and Fenning (2016) suggest. Nonetheless, it is not too late to revitalize the language according to the UNESCO framework.

Résumé

Cette étude est centrée sur la langue paloor au Sénégal (ISO 639-3, [fap]), plus précisément sur sa vitalité. La langue est à tradition orale et elle est parlée par le groupe ethnique avec le même nom, qui compte environ 20 000 personnes.1 L’Association des Paloor pour le Développement estime que cette

langue risque de faire partie des langues au Sénégal qui ont tendance à disparaître dans leur situation multilingue, une des raisons étant que le français est la langue officielle et que la lingua franca wolof pénètre partout. Lewis, Simons, et Fenning (2016) maintiennent que le paloor est une langue menacée (threatened) bien que ce point de vue ne soit pas basé sur une étude approfondie. Étant donné qu’il n’y a pas de telle étude effectuée, cette initiative ici se trouve motivée. Le résultat de cette étude indiquera si le paloor aura besoin d’être revitalisé et dans ce cas de quelle manière

Cette étude approfondie est réalisée dans le cadre du modèle de l’UNESCO (2003),2 qui propose neuf

facteurs influençant la vitalité d’une langue. Leur influence varie. Le premier facteur sur la transmission de la langue d’une génération à une autre est cependant le plus fort. Sans transmission, il n’y aura pas de locuteurs de la jeune génération. Sans locuteurs, il n’y aura pas de langue paloor. Tous les neuf facteurs sont étudiés. Ainsi, le résultat montrera à quel degré et dans quels domaines la vitalité du paloor a diminué. À compter de ce résultat, il sera également possible d’élaborer un plan d’action pour sa revitalisation à travers un nombre de mesures suggérées par l’UNESCO.

1 L’étude est réalisée dans le cadre de la coopération entre l’association locale l’Association des Paloor du

Développement (ASPAD) au Sénégal et Folk & Språk (Wycliffe en Suède). Nous sommes très reconnaissants envers les bailleurs de fonds Swedish International Development Cooperation Agency (Sida) à travers Swedish Mission Council, et Pingstkyrkan (l’Assemblée de Dieu) à Lund en Suède et SIL-Sénégal.

(4)

L’étude est basée sur une enquête sociolinguistique effectuée en 2009 et les données collectées ont été mises à jour au fur et à mesure que l’analyse a évolué. Cette analyse a été achevée en 2014.

Le résultat indique que la vitalité de cette langue se trouve en danger (selon le modèle de

(5)

iv

1 Introduction

2 Arrière-plan

2.1 Le territoire paloor, ses villages et ses populations 2.2 Ressources naturelles et activités économiques 2.3 Le nombre des Paloor

2.4 L’âge de la population 2.5 La situation sociolinguistique 2.6 Les dialectes paloors

3 Modèles d’analyse de la vitalité des langues

3.1 Introduction

3.2 Les degrés de vitalité d’une langue 3.3 La revitalisation d’une langue

4 Les données de l’étude

5 La vitalité du paloor

5.1 Facteur 1 : La transmission du paloor d’une génération à une autre 5.1.1 L’échelle sur le facteur 1

5.1.2 La compétence du paloor et la transmission de cette langue 5.1.3 Conclusion : La transmission intergénérationnelle du paloor 5.2 Facteur 2 : Le nombre absolu de locuteurs paloor

5.3 Facteur 3 : Le taux de locuteurs sur l’ensemble de la population 5.4 Facteur 4 : L’utilisation du paloor dans les domaines publics et privés

5.4.1 L’échelle du facteur 4

5.4.2 L’utilisation des langues dans les domaines publics paloor 5.4.3 Les domaines sociaux

5.4.4 Les domaines familiaux

5.4.5 Conclusion de l’utilisation du paloor

5.5 Facteur 5 : Les réactions face aux nouveaux domaines et médias 5.5.1 L’échelle du facteur 5

5.5.2 L’utilisation du paloor dans les nouveaux domaines 5.5.3 La modernisation du vocabulaire ; exemples 5.5.4 La modernisation du vocabulaire paloor

5.5.5 La revitalisation du paloor par rapport au vocabulaire

5.6 Facteur 6 : Les matériels d’apprentissage et d’enseignement du paloor

5.7 Facteur 7 : Les attitudes et les politiques linguistiques au niveau du gouvernement et des institutions – l’usage et le statut officiels

5.7.1 L’échelle du soutien du gouvernement et des institutions 5.7.2 Le soutien linguistique du gouvernement sénégalais au paloor

5.8 Facteur 8 : L’attitude des membres de la communauté paloor vis-à-vis de leur propre langue 5.8.1 L’échelle d’évaluation des attitudes des locuteurs envers leur propre langue

5.8.2 Les attitudes des Paloors envers leur propre langue 5.8.3 Conclusion

5.9 Facteur 9 : Le type et la qualité de la documentation

5.9.1 L’échelle sur la nature de la documentation linguistique 5.9.2 L’évaluation de la documentation sur le paloor

5.9.3 Conclusion de la documentation sur le paloor

6 Conclusion et discussion

(6)

Appendice A : Carte sur la commune rurale de Keur Moussa et la commune de Pout Appendice B : Enquête sociolinguistique sur le paloor

Appendice C : Enquête de l’étude de base

(7)

1

L’étude est centrée sur la vitalité de la langue sénégalaise paloor pour déterminer si elle est menacée ou pas.3 La langue est à tradition orale. Sa vitalité est menacée selon Lewis, Simons et Fennig (2016) et elle

est vulnérable selon Moseley (2010). Déjà D’Alton (1987, 20) a trouvé que « ce parler est menacé de disparition à plus ou moins brève échéance … ». Pourtant, à notre connaissance, une étude approfondie sur la vitalité de cette langue n’a pas été effectuée. Une telle étude est donc motivée, car elle va donner des suggestions sur les possibilités de revitalisation de la langue.

Le paloor est surtout parlé dans la commune rurale de Keur Moussa autour de la ville Pout dans le nord-ouest de la République du Sénégal et par le groupe ethnique portant le même nom. Voir la carte 1 sur laquelle la commune de Keur Moussa est marquée par un point rouge.

Carte 1. Le Sénégal et la commune rurale de Keur Moussa*

*Source : Article Sénégal de Wikipédia en français :

http://fr.wikipedia.org/wiki/ S%C3%A9n%C3%A9gal. Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 3.0.

Le groupe paloor comprend 12 000 personnes selon Lewis, Simons et Fennig (2016) et environ 22 000 selon notre étude basée sur le recensement de la commune rurale de Keur Moussa en 2007.4

Donc, la langue est minoritaire. Le nombre est discuté plus en détail dans le paragraphe 2.3. Les Paloor s’aperçoivent que leur langue est en train de disparaître en faveur du wolof et le résultat de notre étude le montre également. Il y a déjà des villages paloor wolofisés.

3

Le nom est souvent écrit avec un seul < o > alors que les Paloor prononcent la voyelle longue [ palo:r ]. La

décision d’écrire < paloor > avec une longue voyelle a été prise dans un atelier où l’Association des Paloor pour le Développement (ASPAD) avec leur équipe linguistique et la Direction de l’Alphabétisation et des Langues Nationales (DALN) qui ont préparé le dossier de la codification de la langue paloor, le 13 septembre 2012. Désormais, le nom doit être écrit < paloor >.

(8)

Le paloor est l’une des 38 langues du Sénégal, parmi lesquelles le wolof est plus dominant et la lingua franca la plus répandue (Lewis et al.). La majorité de Sénégalais parle cette langue soit en tant que première langue soit en tant que deuxième langue. Le wolof a été la première langue codifiée en 2001. Cela signifie que l’orthographe du wolof a été reconnue par la Direction de l’Alphabétisation et des Langues Nationales et qu’également le wolof a depuis lors la fonction de langue nationale. Comme langue nationale, hormis d’être employée dans des interactions quotidiennes, le wolof est employé dans les médias, les tribunaux, et l’éducation et par le gouvernement. Par contre, le paloor a été reconnu comme langue nationale en devenant codifié récemment, à savoir le 13 septembre 2012.5 Pourtant en ce

qui concerne la codification, cette langue n’est pas encore ratifiée par un décret. C’est seulement quand le décret est sorti que l’orthographe est fixée. Actuellement, l’orthographe suggérée lors de la codification est utilisée. Voir les paragraphes 2.5 et 5.4.

Linguistiquement, le paloor est classé parmi les langues atlantiques de la famille Niger-Congo, plus précisément, la branche sénégambienne et son sous-groupe cangin. Voir par exemple Wilson (1989 : 88). En plus du paloor, les langues cangin comprennent le ndut, le saafi-saafi, le laalaa et le noon.6 Pour les

zones géographiques de ces langues, voir la carte du Sénégal dans l’Ethnologue.7 Le groupe ethnique

paloor lui-même se nomme souvent siili, et il se dit parler le siili.8 D’autres emploient les noms waro,

falor et sili-sili.

Parmi les langues cangin, le paloor et le ndut sont les langues les plus proches linguistiquement (Williams et al., 1987). La proximité géographique avec le saafi-saafi produit une certaine influence lexicale. Le paloor comprend les deux dialectes kajoor et ba’ol, dont le kajoor domine en termes de population. Les différences entre les deux dialectes sont mineures et se situent particulièrement au niveau de certains sons. Il y a des mots dans lesquels le kajoor utilise [d] à l’initiale du mot mais le ba’ol utilise [r]. Le kajoor emploie [o] dans quelques mots où le ba’ol emploie [a]. Pour plus de détails, voir le paragraphe 2.6.

L’UNESCO (2003) sert de modèle pour cette étude. Il présente neuf facteurs fondamentaux pour déterminer le degré de vitalité d’une langue. Il donne également des suggestions pour revitaliser une langue. Lewis et Simons (2010) ont même élaboré un modèle sur des processus de la revitalisation.

L’étude se base surtout sur des données sociolinguistiques collectées en 2009 par des enquêteurs qui faisaient partie de l’équipe linguistique de l’Association des Paloor pour le Développement (ASPAD).9 Les

données sont mises à jour au fur à mesure que l’étude et l’analyse évoluent. L’étude de base (Diouf, 2013) et celle de D’Alton (1987) sont également prises en considération.

L’étude présente la disposition suivante : un arrière-plan du contexte paloor est présenté pour mieux comprendre les raisons de sa position de vitalité ; le modèle pour l’analyse est discuté et les données collectées sont décrites. Les facteurs essentiels pour la vitalité d’une langue sont appliqués un à un à la situation paloor et l’effet d’influence de chaque facteur est déterminé. En conclusion, une vue d’ensemble de ces neuf facteurs et de leurs effets sur la vitalité du paloor est donnée et ensuite des suggestions sur la revitalisation ont été présentées.

2 Arrière-plan

Pour mieux comprendre les facteurs qui influencent la vitalité de la langue paloor et les processus de sa disparition, il est important de faire connaître le cadre de vie des locuteurs. Parmi les aspects

fondamentaux, il y a la région géographique, les ressources naturelles accessibles, les activités

5 Le paloor est la vingt-et-unième langue sénégalaise à être codifiée.

6 L’orthographe appliquée est celle proposée par le groupe ethnique lui-même.

7 Lewis, M. Paul, Gary F. Simons, and Charles D. Fennig (eds). 2016. Ethnologue: Languages of the world. Senegal and

the Gambia.Nineteenth edition. Dallas, Texas : SIL International. Version en ligne : http://www.ethnologue.com/map/SNGM, téléchargé 21-07-2016.

8 Sérère en français.

9 Nous voulons remercier toutes les personnes qui ont participé à l’enquête en partageant leur environnement privé

(9)

économiques et l’information sur le peuple aussi bien en termes de tranches d’âge que de situation sociolinguistique.

2.1 Le territoire paloor, ses villages et ses populations

Le peuple paloor habite surtout dans la commune rurale de Keur Moussa qui fait partie du département de Thiès au nord-ouest du Sénégal. Voir la carte 1 et pour une carte plus détaillée, voir l’appendice A.10 Il

est à noter que la ville de Pout située au centre du pays paloor constitue une commune à part. Le nombre d’habitants est estimé à environ 18 595 personnes en 2007 (Wikipedia 2013),11 dont un faible nombre est

paloor. Cette ville a une influence sur toute la région paloor parce que la commune est en pleine expansion en tant que centre administratif, économique et scolaire où entre autres se trouvent un lycée, trois collèges et un grand nombre d’écoles primaires.

Le territoire paloor est divisé par le chemin de fer et la route nationale no 2 qui traversent la région d’est en ouest. Le chemin de fer n’a pas de grande utilité pour la population paloor. En dehors de la gare de Pout, il n’y a pas de gare dans la région paloor proprement dite. Par contre, la route nationale qui est la liaison de communication la plus importante entre Dakar et le nord du Sénégal est à grande

circulation.

En plus d’une population paloor dominante dans la commune rurale de Keur Moussa, il y a des villages wolofs, peuls et des villages à population mixte, soit paloor et wolof soit paloor et saafi. La population paloor habite surtout au sud de la route nationale et du chemin de fer, alors qu’au nord de cette route et du chemin de fer, les villages sont d’origine wolof ou bien ils sont wolofisés.

Tableau 1. Les villages de la commune rurale de Keur Moussa du point de vue du groupe ethnique

Villagesa Groupes ethniques selon

L’orthographe française L’orthographe paloor L’étude (2009) D’Alton (1987)b

Darah Peulh peul

Gap Gaaɓ paloor (kajoor)c paloor

Gualaned peul

Guer Ger paloor (kajoor) paloor

Kathialick Kéecalik (ba’ol)

Kaacalik (kajoor)

paloor (ba’ol)c

Kayol Kayol paloor (kajoor) paloor

Kessoukhate Kisaaɗ paloor (ba’ol) paloor + saafib

Keur Guilayed wolof

Keur Moussad wolof

Keur Ségad wolof

Keur Yakhamd wolof

Keur Youssoud Faam Youssou paloor (kajoor) +

wolof

Khaye Hay paloor (kajoor) paloor

Khinine Hínin paloor (kajoor) paloor

Khodaba Hodow paloor (kajoor) paloor

Landou Lóoru paloor (ba’ol) paloor

10 La carte à l’appendice A se base sur Google Earth, Paula D’Alton (1987), sur l’information donnée par les assistants

de ce projet et au cours des voyages effectués par Christina Thornell dans la commune. La plupart des

agglomérations mentionnées dans le tableau 1 sont situées dans la carte. Cependant leur emplacements ne sont pas exactement conformes à leurs coordonnées géographiques.

(10)

Villagesa Groupes ethniques selon

L’orthographe française L’orthographe paloor L’étude (2009) D’Alton (1987)b

Lélo Leelu paloor (kajoor) paloor

Lène Leen paloor (ba’ol) paloor

Mbadat Barit/Barat (ba’ol et

kajoor)

paloor (ba’ol) –

Mbirdiam (Km 50) Suluf et Sadok paloor (kajoor) +

saafi4 paloor + saafi

Mboul Bul paloor (kajoor) paloor

Ndeuyed wolof

Ndiakhate Njahat paloor (kajoor) paloor

Ndoyèned peul

Ngomèned wolof

Niakhip Ñeheɓ paloor –

Palal Palal paloor (kajoor) paloor

Sagnafil Seeñfi paloor (kajoor) paloor

Santhiabad Thiekène,

Keur Seydoud, f non-paloor (wolof en majorité) non-paloor

Santhie Sérère Sanca (Tago inclu) paloor (kajoor) paloor

Seune Sérère Sén paloor (kajoor) –

Soune Sérère Súun paloor (ba’ol) paloor

Thiambokh Camwoh paloor (ba’ol) + saafie paloor + saafi

Tougouni Tuguni paloor (kajoor) paloor + saafib

Touly Tuuli paloor (ba’ol) paloor + saafib

Wojad Wojad paloor + wolof paloor

Yade wolof + peul non-paloor

a Les villages sont rangés dans l’ordre alphabétique. b D’Alton (1987) thèse de doctorat défendue en 1983. c Paloor se compose de deux groupes : kajoor et ba’ol.

d Les noms sont wolofs ou peuls. Ce sont de vieux villages. Keur Youssou est d’origine paloor et les Wolofs sont

arrivés plus tard. Les autres villages sont d’origine wolof sauf Darah Peulh qui est un village peul.

e Actuellement environ 600 saafi habitent à Mbirdiam (Km50) et Thiambokh.

f Ces villages faisaient auparavant partie de la commune rurale de Keur Moussa mais aujourd’hui ils sont

incorporés à la commune de Pout.

La population paloor habite dans 26 des 36 villages de la commune selon notre enquête

sociolinguistique en 2009. Parmi ces villages paloor, sept se trouvent au nord du chemin de fer et de la route nationale, et 19 villages sont localisés au sud de ce chemin de fer et de cette route. Une vue générale sur les villages de la commune traditionnellement considérés comme paloor d’un point du vue d’appartenance ethnique est donnée dans le tableau 1. Les noms sont écrits avec l’orthographe de la langue officielle française et en paloor suivant la codification du 13 septembre 2012. Pour chaque village, le groupe ethnique qui est en majorité est indiqué.

En plus de notre enquête sociolinguistique effectuée en 2009, l’étude tient compte de celle de D’Alton (1987). Cependant cette étude de D’Alton est surtout concentrée sur les villages paloor, ce qui rend une comparaison complète impossible du fait que notre étude inclut à la fois les villages paloor et non-paloor de la commune.

(11)

Niakhip, alors que l’étude de D’Alton ne mentionne pas ces villages. Ces villages sont d’origine paloor et ils le sont toujours, sauf Keur Youssou qui a une population mélangée avec des Wolofs aujourd’hui. Selon D’Alton, le village de Wojad est habité par les Paloor, alors que notre étude révèle qu’il est également habité par des Wolofs. De même, la population de Keur Youssou est composée par des Wolofs et des Paloor. La comparaison des deux études sur Wojad indique une certaine influence du wolof sur la région pendant les dernières décennies. Par contre, rien ne peut être conclu en ce qui concerne l’influence wolof sur Keur Youssou étant donné qu’il manque des données dans D’Alton. Ces deux villages sont au nord du chemin de fer et de la route nationale.

Il y a d’autres villages avec une population mixte. Ce sont Mbirdiam et Thiambokh où la population paloor est mélangée avec des Saafi. De plus, D’Alton soutient qu’il y a un groupe saafi dans Tougouni, Touly et Kessoukhate mais notre enquête en 2009 ne comprend pas de telles données. Notre étude a trouvé des populations mélangées avec des Saafi dans les villages Mbirdiam et Thiambokh. Ceci est évident étant donné que ces villages se trouvent près du territoire saafi.

Des villages traditionnellement wolofs et ceux qui restent wolofs sont Ndéuye, Ngomène, Keur Guilaye, Keur Moussa, Keur Séga et Keur Yakham. Tous se trouvent au nord de la route nationale et du chemin de fer. De plus, les Wolofs sont en majorité à Santhiaba, Thiekène et Keur Seydou. Auparavant ces villages faisaient partie de la commune rurale de Keur Moussa mais actuellement ils font partie de la commune de Pout.

Les villages peuls sont Darah Peulh, Gualané et Ndoyéne qui se trouvent également au nord de la route nationale et du chemin de fer.

Il est évident que les Paloor sont plus concentrés au sud du chemin de fer et de la route nationale. La population est beaucoup plus homogène que dans le nord du territoire. À présent ladite situation est en train de changer pour la raison qu’un nouvel aéroport international est en construction. L’aéroport impliquera que des emplois seront offerts et des entreprises vont s’établir dans le territoire ; de ce fait beaucoup de personnes seront amenées à s’y installer. Beaucoup de terrains sont déjà vendus. Il est certain que la grande majorité parmi les nouveaux propriétaires ne sont pas des Paloor. Ce changement de la démographie amène une menace sur la vitalité du groupe paloor ainsi que sur la langue paloor.

2.2 Ressources naturelles et activités économiques

Les ressources naturelles du territoire paloor se composent de leur terre riche en phosphate exploitée industriellement aussi bien sur leur territoire que sur les territoires avoisinants. Leur terre est

extrêmement fertile pour la culture, et elle représente une des meilleures terres du pays. Par tradition, la population est liée à l’agriculture. Pourtant, cette activité économique perd de plus en plus d’importance pour des raisons de changements climatiques. Les précipitations pluvieuses tombent irrégulièrement et, durant les dernières années, les pluies ont été rares. Pourtant, en général il n’y a pas d’accès à

l’irrigation. Par conséquent, les récoltes sont faibles et de ce fait la culture ne peut pas représenter la seule source de revenus pour la plupart des gens. La période de culture se restreint à trois mois par an et la population a donc besoin d’avoir d’autres revenus durant le restant de l’année.

La plupart des hommes adultes vont à Dakar ou dans d’autres villes pour travailler. Les jeunes s’en vont pour étudier ailleurs. Ceux qui travaillent ou qui font leurs études à Pout, à Thiès ou dans d’autres agglomérations près de leur village retournent chaque soir chez eux. Par contre, ceux qui travaillent à Dakar font souvent la navette hebdomadaire. Ce sont les femmes adultes, les personnes âgées, hommes comme femmes, ainsi que les enfants, qui restent au village. Les femmes restent au foyer ou font du commerce. Elles vendent des produits agricoles et viviers. À Soune Sérère la marchandise se compose de certaines feuilles cueillies provenant de la forêt classée de Thiès et à Santhie Sérère.

Les activités économiques qui viennent d’être décrites à grands traits influencent l’utilisation des langues. Voir le paragraphe 5.4 « Facteur 4 : L’utilisation du paloor dans les domaines publics et privés ».

2.3 Le nombre des Paloor

(12)

sénégalais. Lewis et al. (2016) indiquent que le groupe paloor est composé de 12 000 personnes, mais sans préciser si le nombre comprend les personnes d’identité paloor ou s’il se restreint aux locuteurs paloor. Dans notre étude nous considérons l’identité paloor. Cela est effectué sur la base de la

démographie du territoire paloor selon le recensement de la commune rurale de Keur Moussa en 2007. Ce recensement considère l’identité paloor toute personne qui se dit être paloor. Une comparaison est faite avec le nombre suggéré par D’Alton (1987). Voir le tableau 2. Il est à regretter que les données des deux sources ne soient pas complètes. Le nombre d’habitants de Kathialick, Mbadat, Keur Youssou et Wojad manque dans les deux recensements. De plus, le nombre d’habitants à Ndiakhate et à Niakhap manque dans D’Alton, et dans notre enquête il n’y avait pas le nombre d’habitants pour le village Guer.

Les nombres donnés par D’Alton datent du recensement fiscal de 1971 et du recensement national des Nations Unies (D’Alton, 9).12 D’Alton signale qu’il est probable que le nombre du recensement de

1971 est inférieur à la réalité. Lors des recensements fiscaux, les pères de famille ont choisi de dissimuler le nombre exact de leur foyer afin d’avoir à payer moins d’impôts. Selon D’Alton, cela peut compenser pour les 600 Saafi habitant aux villages paloor.13 Nous ne sommes pas d’accord avec D’Alton, puisque

notre enquête révèle qu’il n’y a pas de Saafi aux villages Kessoukhate, Tougouni et Touly. Le chiffre 9 714 semble plus correct comme ordre de grandeur et il correspond assez bien au chiffre 12 000 donné par Lewis et al. (2016).

Tableau 2. Le nombre d’habitants des villages paloors

Villages Nombre d’habitants selon le recensement de

L’orthographe française L’orthographe paloor 1982 2007a

Gap Gaaɓ 271 698

Guer Ger 42 ?

Kathialick Kéecalik (ba’ol)

Kaacalik (kajoor)

? ?

Kayol Kayol 263 833

Kessoukhate Kisaaɗ 961 1 777

Keur Youssou Faam Youssou ? ?

Khaye Hay 345 819

Khinine Hínin 368 1 095

Khodaba Hodow 632 1 362

Landou Lóoru 482 1 302

Lélo Leelu 426 934

Lène Leen 202 440

Mbadat Barit/ Barat (ba’ol et

kajoor)

? ?

Mbirdiam (Km 50) Suluf et Sadok 675 1 473

Mboul Bul 600 1 535 (2 115)b

Ndiakhate Njahat – 183

Niakhip Ñeheɓ ? 784

Palal Palal 444 959

Sagnafil Seeñfi 751 1 436

Santhie Sérère Sanca (Tago inclu) 616 1 705

Seune Sérère Sén 288 185

Soune Sérère Súun 717 1 927

(13)

Villages Nombre d’habitants selon le recensement de

L’orthographe française L’orthographe paloor 1982 2007a

Thiambokh Camwoh 285 620

Tougouni Tuguni 166 506

Touly Tuuli ? 2 142

Wojadc Wojad

Total 9 714 22 715

a Recensement national de l’année 2007 (communication personnelle avec Momar Pouye, 2ème vice-président

de la commune rurale de Keur Moussa).

b 2 115 selon le chef du village (communication personnelle avec Abdourahmane Diouf, avril 2009). c Fait aujourd’hui partie de la commune de Pout.

Nos données proviennent d’un recensement effectué une quarantaine d’années plus tard, à savoir en 2007. Selon ce recensement, il y a au total 38 871 habitants dans la commune rurale de Keur Moussa, où le nombre de la population paloor et saafi compte 22 715 habitants selon le calcul du tableau 2.14 La

majorité des villages paloor qui ont été énumérés ont une population homogène indiquée selon le tableau 1. Les femmes des peuples wolof, saafi et diola qui sont mariées aux hommes paloor sont considérées comme des Paloor aussi bien dans la société que dans le recensement. Les gens de la banlieue y sont compris. Pour obtenir le nombre de Paloor, les 600 Saafi qui habitent dans la commune doivent être enlevés du nombre, ce qui donne un nombre de 22 115 personnes.

Une comparaison entre le nombre de la population paloor comptant 9 714 personnes selon D’Alton (1987) et le nombre du recensement en 2007 montre un accroissement du nombre de la population paloor pendant les dernières décennies. Cela contredit ce que Lewis et al. (2016) indiquent, c-à-d que le nombre de la population n’a augmenté que peu.

Les principales raisons sociales pour l’accroissement du nombre de la population paloor sont les suivantes :

L’intermariage. L’intermariage est à présent très courant, surtout des mariages avec les Wolofs, les Saafis, les Sérères-Sines et les Diolas. Une fois mariées, les femmes deviennent Paloor et apprennent la langue.

L’augmentation du taux de naissance et la baisse de la mortalité infantile. Des campagnes nationales sur la lutte contre la mortalité maternelle et infantile initiées par le gouvernement ont eu lieu dès le début des années 1980. Le résultat montre que le taux de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans (pour 1 000 naissances vivantes) a baissé de 139 enfants en 1990 à 75 enfants en 2010 au Sénégal (PNUD, 2012). Globalement, cette amélioration pour le Sénégal est probablement valable pour les Paloor également. L'espérance de vie à la naissance était exprimée par l’indice 0.431 en 1980 et indique une croissance continuelle jusqu’à 0.625 en 2012 (ibid.).15

L’augmentation de l’espérance de vie. Habituellement, les gens vivent aujourd’hui plus longtemps qu’auparavant. En 1980, l’espérance de vie était de 47.3 ans pour le Sénégal alors que 30 ans plus tard, en 2012, elle était de 59.6 ans (ibid.). Les conditions de vie sont une raison de cette amélioration. Il y a de l’eau potable, un meilleur accès aux soins médicaux et des ressources alimentaires plus favorables. Les connaissances en matière d’organisation de la vie en général ainsi que de la vie familiale se sont accrues et contribuent à l’augmentation de la durée de vie.

Même si le nombre des Paloor a augmenté pendant les dernières décennies, le nombre est faible par rapport au nombre de la population entière du Sénégal qui comprend au total 12 873 601 personnes (ANSD, 2014). Cela signifie que le taux de la population paloor atteint à peine 0,2 % de toute la population sénégalaise. Ainsi, le groupe paloor représente un peuple minoritaire au Sénégal.

Il est à noter que même dans son territoire traditionnellement regardé comme paloor, le groupe paloor n’est pas en grande majorité. Basée sur le recensement de 2007, une estimation indique que le groupe paloor représente 60 % de la population totale de la commune rurale de Keur Moussa ; le restant, soit 40 %, comprend surtout des Wolofs et des Peuls. Voir le tableau 3. Cette position dominante du

14 L’information vient de la Mairie de Keur Moussa en 2009.

(14)

groupe paloor, même si elle n’est pas grande, ne va pas durer très longtemps étant donné la situation socio-économique de la région. La construction actuelle du nouvel aéroport est déjà en train de changer cette situation.

Tableau 3. Le nombre d’habitants de la commune rurale de Keur Moussa*

Population des villages Nombre Pourcentage

Les villages paloor 22 115 60 %

Les villages non-paloor (les 600 Saafi inclus)

14 761 40 %

Commune rurale de Keur Moussa 36 876 100 % * Le recensement de 2007.

2.4 L’âge de la population

Il serait souhaitable d’avoir des statistiques sur les tranches d’âge du groupe paloor, mais, à notre connaissance, de telles statistiques n’existent pas. Nous présumons cependant que les tranches d’âge de ce groupe sont les mêmes que celles de toute la population sénégalaise. La population sénégalaise est caractérisée par son importante jeunesse selon toutes les sources statistiques, par exemple The World Factbook (2013), Perspective Monde (version 7.6 07-2011) et UNSD (2014).16 Les différences entre ces

trois sources sont minimes. Pour notre présentation, nous nous basons sur l’UNSD (2014). La population totale selon cette source est de 12 841 702, ce qui est à peine inférieur au nombre de 12 873 601 personnes indiqué par l’ANSD (2014).

Une vue d’ensemble sur des tranches d’âge est donnée dans le tableau 4. Les tranches d’âge sont regroupées en 0–14, 15–24, 25–49, 50–64 et 65+.17 La tranche d’âge 0–14, c-à-d les enfants, comprend

un peu plus de 40 % de toute la population, et la tranche de la jeunesse (15–24) comprend environ 20 %. Ainsi la tranche d’âge de l’enfance et de la jeunesse constitue plus de 60 % de toute la population et les 40 % restants constituent la population âgée de 25 ans ou plus. Parmi ces 40 %, la majorité est âgée de 25–49 et seulement 3 % pour les 65+.

Tableau 4. Les tranches d’âge de la population sénégalaise selon l’UNSD (2014)

Tranche d’âge Pourcentage

0–14 41.5 %

15–24 20.9 %

25–49 27.6 %

50–64 6.7 %

65 + 3.3 %

Total 100 %

Généralement la différence observée entre le nombre d’hommes et celui de femmes n’est pas importante, à savoir 99.7 hommes pour 100 femmes (ANSD, 2014). Le taux de croissance de la

population est estimé à 2.48 % (CIA, 2014). Statistiquement les tranches d’âge montrent que les enfants et les jeunes (0–14 et 15–24) dans les années à venir vont représenter un plus grand taux relatif aux tranches d’âge 25+ que celles d’aujourd’hui. La forme de la pyramide va donc changer.

Par conséquent, pour la vitalité de la langue paloor, il est extrêmement important que les enfants et la jeunesse paloor apprennent la langue paloor et la maintiennent en tant que première langue durant toute leur vie.

16 UNSD = United Nations Statistics Division.

(15)

2.5 La situation sociolinguistique

La région paloor est multilingue. Comme ailleurs au Sénégal, il y a une situation de diglossie, dans laquelle le français (la langue officielle), l’arabe, le wolof (qui est la langue nationale dominante) et le paloor ont des rôles particuliers. Les personnes ayant d’autres ethnies que le Paloor et habitant dans la zone, par exemple des Peuls et des Saafi-Saafi, parlent leur langue maternelle. Pour plus de détails sur le phénomène de diglossie, voir par exemple Fashold (1987) et Hudson (2002).

La Constitution de la République du Sénégal du 22 janvier 2001 déclare dans l’Article premier : « La langue officielle de la République du Sénégal est le Français [sic].18 Les langues nationales sont le Diola,

le Malinké, le Pular, le Sérère, le Soninké, le Wolof [sic] et toute autre langue nationale qui sera

codifiée ».19 Depuis 2001, le nombre des langues nationales a augmenté jusqu’à 21 langues, y compris le

paloor.

Selon notre étude basée surtout sur des données collectées au sud de la route nationale et le long de ladite route, en grands traits, le français est la langue employée dans des situations officielles et dans des domaines publics, alors que l’arabe est utilisé comme langue de l’Islam, qui est la religion des Paloor. Le Livre Saint, le Coran, est écrit dans cette langue. Le wolof qui est la lingua franca la plus répandue du pays comprenant également la zone paloor, est la langue utilisée dans les situations publiques et sociales multiethniques. Le paloor est considéré comme langue maternelle des Paloor et les enfants paloor l’apprennent comme première langue. Ainsi, les Paloor sont multilingues ; ils maîtrisent le paloor et le wolof. De plus les enfants fréquentant l’école apprennent le français et dans une certaine mesure l’arabe. Pour la plupart d’entre eux, la compétence en français dépend de leur niveau scolaire. Pour des détails, voir le paragraphe 5.4 « Facteur 4 : L’utilisation du paloor dans les domaines publics et privés ».

Les données collectées par D’Alton il y a plus de 30 ans, surtout collectées au nord de la route nationale et tout le long de cette route, présentent une autre répartition d’emploi des langues paloor et wolof. D’Alton constate que « La langue palor [sic] devient de plus en plus réservée aux femmes. Il arrive que les filles de la plus jeune génération apprennent – ou comprennent – le palor, à force de passer leurs journées avec les femmes adultes, pour qui le palor est toujours préféré au wolof. Cependant, en règle générale, c’est la génération la plus âgée et les femmes ayant plus de vingt-cinq ans qui parlent le palor » (D’Alton 1987, 17).

Notre étude et celle de D’Alton indiquent que le paloor est plus utilisé dans le sud, c-à-d, au sud de la route nationale, alors que dans le nord et le long de la route nationale le wolof prend plus

d’importance. Il y a de la rivalité ou de la concurrence entre l’emploi des deux langues. Il y a une certaine tendance qui montre que l’utilisation de la langue paloor devient de plus en plus limitée et que le wolof prend plus de place. Si cette tendance continue, la langue paloor risque de disparaître dans un avenir proche. De facto, l’objet de cette étude est d’examiner plus profondément l’état actuel de la vitalité de cette langue et, dans le cas où la vitalité est faible, comment procéder pour la revitaliser.

2.6 Les dialectes paloors

La langue paloor se compose de deux dialectes : le kajoor et le ba’ol. Le kajoor est le dialecte le plus répandu. Il est parlé dans 16 villages alors que le ba’ol est parlé dans les autres huit villages. Voir le

tableau 1. Le baˈol est parlé dans le sud dans une région enclavée.

Les différences entre les deux dialectes sont mineures. Elles concernent particulièrement certains sons. Le kajoor utilise [d] et le ba’ol [r] surtout à l’intermédiaire du mot. Le kajoor emploie [o] dans quelques mots où ba’ol emploie [a].

Les deux dialectes kajoor et ba’ol se diffèrent également par les influences provenant d’autres langues. Le ba’ol est surtout influencé par le saafi alors que le kajoor est beaucoup plus influencé par le

18

Les noms des langues sont écrits par des majuscules en général à l’initiale dans l’article. Pular dans la phrase

suivante (dans l’article) est écrit pulaar avec un aa long dans Lewis et al. (2016). La dernière écriture est appliquée dans cette étude.

19 http://www.au-senegal.com/IMG/pdf/Constitution-senegal-2008.pdf, téléchargé 22-05-2013. Le texte est en cours

(16)

wolof, d’où le nombre important d’emprunts en saafi dans le ba’ol et en wolof dans le kajoor. Par exemple, sel « oiseau » et kosaay « grippe » en ba’ol sont des emprunts du saafi alors qu’en kajoor, on emploie des mots paloor authentiques ƴak et jér.20 Par contre, añ « déjeuner » et súmeekujoh

« déshabiller » en kajoor viennent du wolof et ces deux mots correspondent en ba’ol aux mots paloor authentiques, à savoir ñamso et wálso.21

Il est probable que les différences entre les deux dialectes vont disparaître dans l’avenir. Une des raisons est la construction du nouvel aéroport international Blaise Diagne dans la zone de ba’ol et dans une partie du territoire saafi. Les trois villages ba’ol Kessoukhate, Mbadat et Kathialick ont été déplacés et ils ont été reconstruits près des villages kajoor. Ultérieurement, un hameau du village de Soune Sérère et le village de Thiambokh seront aussi déplacés.

Le déplacement de ces villages va entrainer d’une part un rapprochement entre des villages ba’ol, d’autre part entre les villages ba’ol et kajoor. Ce mouvement des populations et l’implantation du nouvel aéroport peuvent être à l’origine d’un bouleversement sans précédent sur le plan social, économique et culturel. Le rapprochement géographique des deux dialectes en paloor pourrait à long terme entraîner une mutation de la langue. Les Ba’ol ont tendance à s’adapter au parler dominant, le kajoor. Ils verront leur dialecte subir des transformations surtout du point de vue de la prosodie, de la phonologie et du lexique.

3 Modèles d’analyse de la vitalité des langues

3.1 Introduction

Beaucoup de langues risquent de disparaître. Lewis et al. (2016), par exemple, pensent que 377 langues ont disparu depuis 1950. Cela signifie que six langues disparaissent chaque année. Les perspectives d’avenir sont encore plus drastiques selon le directeur de l’Alaska Native Language Center, Michael Krauss. Dans son hypothèse, il présume que pratiquement 90 % des langues seraient soit moribondes soit éteintes en 2100 (Ostler, 2000). Comme la diversité des langues est un élément essentiel de la diversité culturelle immatérielle de l’humanité, l’extinction des langues est une véritable problématique. C’est la raison pour laquelle l’UNESCO a ajouté cette problématique dans son agenda en 2001. Deux ans plus tard, en 2003, l’organisation a organisé une réunion internationale d’experts sur le programme « Sauvegarde des langues en danger ». Les objectifs principaux de cette réunion ont été :

1 de définir le degré de disparition des langues et d’établir les critères d’évaluation des risques de disparition. Ceci a amené l’adoption d’un document intitulé « Vitalité et disparition des

langues » ;

2 d’étudier la situation des langues à travers le monde ; 3 de définir le rôle de l’UNESCO ;

4 de proposer des stratégies de sauvegarde des langues en danger et des stratégies de la promotion de la diversité linguistique et culturelle de l’humanité (UNESCO 2003).

Ce sont les objectifs (1) et (4) qui nous intéressent dans cette étude pour la langue paloor.

3.2 Les degrés de vitalité d’une langue

L’UNESCO (2003) suggère un modèle pour déterminer le degré de vitalité des langues ce qui est le terme préféré de l’UNESCO au lieu du terme « disparition ». Pourtant, ce sont des aspects du même sujet. La vitalité est vue d’un angle positif, alors que la disparition d’une langue est vue d’un angle négatif.

20

L’accent aigu sur la première voyelle d’un mot marque que les voyelles du mot en question sont prononcées avec

l’avancement de la racine de la langue.

21 L’accent aigu en orthographe paloor signifie que la voyelle est prononcée avec l’avancement de la racine de la

(17)

Dans son modèle, l’UNESCO donne neuf facteurs qui sont fondamentaux pour l’existence d’une langue. Ils sont les suivants :

1. la transmission de la langue d’une génération à une autre ; 2. le nombre absolu de locuteurs ;

3. le taux de locuteurs sur l’ensemble de la population ;

4. l’utilisation de la langue dans les différents domaines publics et privés ; 5. la réaction face aux nouveaux domaines et médias ;

6. les matériels d’apprentissage et d’enseignement des langues ;

7. les attitudes et les politiques linguistiques au niveau du gouvernement et des institutions – l’usage et le statut officiels ;

8. les attitudes des membres de la communauté vis-à-vis de leur propre langue ; 9. le type et la qualité de la documentation.

Les six premiers facteurs énumérés ci-dessus sont suggérés comme les facteurs principaux (ibid.). Le 7ème et le 8ème portent sur les analyses des attitudes et des politiques linguistiques. Le 9ème porte sur

l’urgence de la documentation. L’importance de ces facteurs est déterminée à partir d’échelles. UNESCO (ibid., 6) maintient que « les échelles sont utiles pour évaluer la situation de la langue d’une communauté et le type de soutien nécessaire à son maintien, sa revitalisation, sa perpétuation et sa documentation ». L’échelle de la plupart des facteurs présente six degrés de vitalité (5-0). Dans l’échelle, le degré (5) indique la vitalité la plus forte. Le degré (0) signale la vitalité la moins forte. Voir le

tableau 5. Le facteur 1 est composé d’un degré de plus, à savoir (5-), et le facteur 2 en distingue

seulement deux. Cependant en ce qui concerne ce dernier facteur, trois degrés sont distingués dans notre étude. Le caractère de chaque degré d’un facteur est résumé par une étiquette dans le modèle de

l’UNESCO sauf en ce qui concerne les facteurs 6 et 8. Pour le facteur 6 nous avons trouvé convenable de donner les mêmes étiquettes que celles pour le facteur 9 ; le facteur 8 reçoit ses propres étiquettes basées sur sa caractéristique. En plus de l’étiquette, chaque degré est pourvu d’une signification plus longue. Pour ces significations, voir l’analyse des facteurs individuels dans le paragraphe 5.

Pour déterminer le degré de la vitalité d’une langue, les neuf facteurs doivent être pris en considération. Une idée serait de prendre la moyenne des degrés déterminés pour les neuf facteurs. Cependant, compte tenu des différences de perspectives d’influence et d’importance des facteurs, les résultats ne pourraient pas refléter la réalité actuelle. L’UNESCO pense que le premier facteur est le plus important et que les autres le sont moins, mais ils ont pourtant de grands effets sur la vitalité d’une langue. Ainsi, nous avons étudié ces facteurs un à un dans la langue paloor et ensuite nous avons mené une discussion pour déterminer son degré de vitalité. Dans la discussion nous avons pris en considération l’effet du facteur individuel.

Tableau 5. L’échelle du degré de vitalité selon l’UNESCO (2003) modifiée

Facteur Degré de vitalitéa

(18)

6d excellent bon assez bon fragmentaire insuffisant inexistant

8d excellent favorable assez

favorable

moins favorable assez indifférent

indifférent

9 excellent bon assez bon fragmentaire insuffisant inexistant

a Pour la signification plus détaillée, voir les paragraphes 5.1 – 5.9.

b Le facteur 1 comporte aussi le degré de vitalité (5-) « stable mais pourtant menacé ».

c Le facteur 2 indique seulement deux degrés de vitalité, à savoir « sûr » et « précaire / vulnérable » selon le

modèle de l’UNESCO. Nous ajoutons le niveau 0 «mort ».

d Les facteurs 6 et 8 manquent d’étiquettes dans le modèle. Dans notre étude, le facteur 6 est pourvu des

mêmes étiquettes que le facteur 9, même si elles ne sont pas tout à fait idéales. Le facteur 8 a ses propres étiquettes basées sur sa caractéristique.

L’UNESCO dans son modèle prend la perspective de la vitalité d’une langue comme il est déjà mentionné ci-dessus alors que Moseley dans son modèle en 2012, présenté dans The UNESCO Atlas of the World’s Languages in danger: Context and process, prend la perspective de la disparition.

De plus, le facteur dont Moseley se sert est restreint par rapport à celui de l’UNESCO. Il prend seulement en considération le nombre de générations des locuteurs de la langue et de la transmission de la langue à la plus jeune génération.22 Ce facteur correspond au facteur 1 de l’UNESCO. Moseley présente

également une échelle pour déterminer la position du cycle de vie de la langue. L’échelle comporte sept niveaux, comme le facteur correspondant de l’UNESCO – et Moseley utilise les mêmes étiquettes que l’UNESCO, à savoir « sûre », « stable et pourtant menacée », « précaire / vulnérable », « en danger », « sérieusement en danger », « moribonde / en situation critique » et « éteinte ». Voir le tableau 6.

Un troisième modèle sur le cycle de vie des langues est présenté par Lewis et Simons (2010) et dans Lewis et al. (2016). Leur approche Graded International Disruption Scale (GIDS) élaborée par Fishman (1991), a été appliquée tout en la développant. Cela a amené son expansion avec Expanded Graded International Disruption Scale (EGIDS). Le modèle n’est pas jugé apte comme modèle pour étudier la vitalité des langues minoritaires dans des communautés où les langues sont transmises verbalement, comme par exemple le paloor, selon lesdits auteurs, entre autres d’Hinton (2011, 294). La raison pour cela est que le modèle englobe tous les statuts des langues. Cela implique 13 niveaux dans leur échelle, dont le niveau (0) « international » a la position sociolinguistique la plus haute dans ce sens que la langue est reconnue nationale et internationale ; le niveau (10) « extinct (éteint) » a le niveau le plus bas. Dans ce dernier cas, la langue n’est plus parlée. Cependant, même si le modèle n’est pas apte dans son ensemble, nous pensons qu’il est approprié pour une langue à tradition orale et minoritaire du niveau (6a) « vigorous (vigoureux) » jusqu’à (10) « extinct (éteint) ». Ce modèle de l’EGIDS qui nous concerne se base surtout sur le facteur du nombre de générations qui emploient la langue et la transmission de la langue à la jeune génération. Les niveaux (6b) « threatened (menacé) » jusqu’à (8b) « nearly extinct (en situation critique) » précisent les langues en danger, alors que les niveaux (9) « dormant (inactif) » et (10) « extinct (éteint) » caractérisent les dernières phases d’une langue.

Donc une comparaison entre les modèles de Moseley et d’EGIDS est appropriée vu qu’elles comprennent le même facteur pour déterminer la position du cycle de vie d’une langue, même si les niveaux de leur échelle ne se chevauchent pas toujours.

Voir le tableau 6. Nous incluons les niveaux selon l’UNESCO (2003), mais il faut tenir compte de ce que ce modèle se base sur huit autres critères en plus du critère de la transmission de langue.

Lewis et al. (2016) et Moseley (2010) considèrent que la langue paloor est « précaire », « vulnérable ou menacée », c-à-d au niveau (4) selon Moseley et (6b) selon Lewis et Simons. Pourtant une étude approfondie sur la disparition du paloor n’a pas été menée à notre connaissance. Notre impression est que la situation de la langue est plus grave. Il y a neuf autres langues au Sénégal qui se trouvent au même niveau selon lesdites sources, parmi celles-ci la langue voisine noon.

(19)

Tableau 6. Une comparaison entre les échelles selon l’UNESCO (2003), Moseley (2012) et l’EGIDSa

UNESCO (2003), Moseley (2012)

EGIDS (Lewis et Simons 2010)b

Niveau Degré Niveau Degré

– (0) international (international)b

– (1) national (national)

– (2) provincial (provincial)

– (3) lingua franca (wider communication)

– (4) dans l’enseignement (educational)

– (5) en expansion (developing)

(8b) en situation critique (nearly extinct)

(0) mort /éteint (9) inactif (dormant)

(10) éteint (extinct)

a Les niveaux actuels, c-à-d qui regardent le cycle de vie de la langue, sont marqués en

italique et en gras.

b Les niveaux sont étiquetés en anglais par Lewis et Simons (2010). Les termes sont traduits

en français par l’auteur.

Une vue d’ensemble plus détaillée des trois modèles que dans le tableau 6 est présentée dans le tableau 7. En plus des niveaux et des degrés des échelles, des caractéristiques sont prises en

considération et elles sont décrites dans la colonne avec l’en-tête « Domaines et fonctions ». Dans les colonnes avec les en-têtes « Niveau » et « Degré », les niveaux et les degrés de l’UNESCO et de Moseley, qui sont identiques selon le tableau 7, sont écrits avant la barre oblique et ceux de Lewis et Simons après. Dans la colonne « Domaines et fonctions », les caractéristiques de l’UNESCO sont données en premier, suivies de celles de Moseley, et de Lewis et Simons séparées par des obliques.

Il est à noter dans le tableau 7 que pour le modèle de l’UNESCO, c’est seulement le facteur 1, c-à-d le facteur de la transmission et l’emploi de langue des générations différentes, qui est considéré. La raison est que c’est ce facteur qui correspond au facteur que Moseley et Lewis et Simons utilisent tous les deux pour déterminer la position d’une langue par rapport à son cycle de vie.

Dans cette vue d’ensemble, en plus de ce qui est montré au tableau 6, il est évident que la

formulation de la caractéristique du même niveau des échelles ne varie que de façon insignifiante et elle décrit la même situation ou des situations ressemblantes. La langue paloor est vue comme « menacée » (threatened) (Lewis et al., 2013) et « vulnérable » (Moseley, 2010). Selon le tableau 7, la caractéristique de cette situation est que :

« La langue est parlée par quelques enfants dans tous les domaines et par tous les enfants dans des domaines restreints. » (UNESCO, 2003) ;

(20)

« La langue est utilisée par toutes les générations dans la communication face-à-face, mais elle est en train de perdre des locuteurs. » (Lewis et Simons, 2010).

Tableau 7. Comparaison des échelles par rapport à leurs significationsa

Niveau

UNESCO / Moseley / Lewis et Simons

(5 / 6a) sûr / vigoureux (vigorous)b

La langue est en usage dans toutes les tranches d’âge, y compris chez les enfants. / La langue est parlée par toutes les générations. Sa transmission est

ininterrompue d’une génération à une autre. / La langue est utilisée par toutes les générations dans la communication face-à-face et la situation est durable.

(5– / 6b) stable et pourtant menacé / menacé, vulnérable

(threatened)

La langue est parlée par toutes les générations qui ne cessent pas de la transmettre. Cependant, le

multilinguisme dans la langue maternelle et une ou plusieurs langues dominantes a usurpé certains domaines de communication importants. /

La langue est parlée par toutes les générations dans la plupart des situations. Sa transmission est

ininterrompue d’une génération à une autre, bien que le plurilinguisme dans la langue maternelle et une ou plusieurs langues dominantes a usurpé certains domaines de communication importants. /

La langue est utilisée par toutes les générations dans la communication face-à-face, mais elle est en train de perdre des locuteurs.

(4 / 6b)c précaire, vulnérable /

menacé, vulnérable (threatened)

La langue est parlée par quelques enfants dans tous les domaines et par tous les enfants dans des domaines restreints. /

La plupart des enfants ou des familles parlent leur langue maternelle, même si c’est seulement à la maison. /

La langue est utilisée par toutes les générations dans la communication face-à-face, mais elle est en train de perdre des locuteurs.

(3 / 7) en danger / en mutation (shifting)

La langue est surtout utilisée par la génération des parents et leurs ascendants. La langue n’est pas transmise aux enfants. Les parents s’adressent quand même à leurs enfants dans leur langue, mais ceux-ci ne répondent pas dans cette langue. /

(21)

(2 / 8a) sérieusement en danger / moribond (moribund)

La langue n’est utilisée que par la génération des

grands‐parents et leurs ascendants. /

La langue n’est utilisée que par la génération des

grands‐parents et leurs ascendants. La génération

parentale comprend la langue, mais elle ne la transmet pas aux enfants. /

Les seuls locuteurs de la langue sont de la génération des grands-parents et plus âgés qu’eux.

(1 / 8b) moribond / en situation critique (nearly extinct)

La langue est connue d’un très petit nombre de la

génération des arrière‐grands‐parents et ceux-là n’utilisent pas la langue couramment. /

Les locuteurs les plus jeunes sont la génération des grands-parents et ils ne maîtrisent la langue qu’en partie. Ils n’utilisent pas la langue chaque jour parce qu’il y a peu de personnes avec lesquelles ils peuvent s’entretenir. /

Les locuteurs sont de la génération des grands-parents ou plus âgés. Ils ont peu d’occasions de parler la langue.

(0 / 9, 10) mort / inactif (dormant), éteint (extinct)

Il ne reste plus aucun locuteur et personne ne se souvient de la langue. /

Personne ne parle la langue ou personne ne se souvient de la langue. /

(9) La langue sert de mémoire de leur héritage commun mais personne n’a même une maîtrise symbolique de la langue. (10) La langue n’est pas utilisée et elle ne joue aucun rôle d’identité pour le groupe ethnique en question.

a Le chiffre du niveau, l’étiquette, et le domaine ou la fonction de la langue écrite avant la barre oblique

représentent le modèle de Moseley et ceux écrits après la barre représentent le modèle de Lewis et Simons (2010).

b Les niveaux sont étiquetés et caractérisés en anglais par Lewis et Simons (2010). La traduction est faite par

l’auteur.

c La langue paloor est considérée comme « menacée » (threatened) (Lewis et al., 2013) et « vulnérable »

(Moseley, 2010).

Il y a d’autres modèles pour étudier la vitalité des langues que ceux discutés ici dont par exemple ceux de Krauss (1999) et de Grenoble et Whaley (2006). L’étude de Krauss détermine la vitalité à partir du nombre de locuteurs aux tranches d’âge différentes dans la communauté alors que l’étude de

Grenoble et Whaley considère le nombre de domaines et les types de fonctions en plus des groupes de locuteurs.

Il est évident que le facteur de la transmission entre générations est regardé comme le facteur clé en général (et implicitement le nombre de locuteurs de chaque génération). Pourtant nous trouvons que les autres facteurs que l’UNESCO suggère sont aussi importants pour l’évaluation de la vitalité. Ainsi, nous prenons tous les facteurs en considération dans notre étude. En étudiant tous ces facteurs, nous

supposons que la vitalité du paloor est plus faible que celle indiquée par Lewis et al. (2016) et Moseley (2010).

3.3 La revitalisation d’une langue

(22)

il s’agit des degrés de la vitalité « stable et pourtant menacé » (5–) jusqu’à « moribond » (1). En effet, les langues qui sont l’objet d’un processus de revitalisation deviennent de plus en plus nombreuses.

Cependant, Lewis et Simons sont les seuls à élaborer un modèle de ce processus parmi les modèles afin d’étudier la vitalité des langues discutées ci-dessus. Le modèle est présenté au tableau 8 et il est modifié dans ce sens que les niveaux de la vitalité suggérés par l’UNESCO et Moseley y sont ajoutés. Du fait que la vitalité d’une langue s’effectue surtout à travers le facteur de la transmission de la langue d’une génération à une autre, il est évident que le processus de la revitalisation se concentre également sur ce facteur. L’échelle de la revitalisation montre le sens inverse des niveaux de l’échelle de la vitalité. L’emploi de la langue dans chaque génération, surtout la plus jeune, est repris de plus en plus, du niveau (0/9) au niveau (5–/6b), et la transmission de la langue à la génération la plus jeune devient de plus en plus habituelle. Le processus de la reprise est reflété dans les étiquettes, à savoir « redécouverte » (0), « réintroduite » (8b), « renaissante » (8a), « revitalisée » (7) et la dernière phase « rétablie » (6b). La caractéristique de chaque niveau et degré est décrite plus en détail dans le tableau 8.

Tableau 8. La revitalisation d’une langue

Niveau Degré de langue à la maison. Par conséquent, une chaîne ininterrompue de la transmission entre les générations est rétablie parmi toutes les générations vivantes.

(3) (7) revitalisé

(revitalised)

Une deuxième génération d’enfants acquière la langue par l’intermédiaire de leurs parents, qui ont aussi à leur tour acquis la langue à la maison. La transmission de la langue d’une

génération à une autre a lieu à la maison et ailleurs.

(2) (8a) renaissant

(reawakened)

Des enfants apprennent la langue dans la communauté et à la maison et ils deviennent de plus en plus capables d’utiliser la langue verbalement pour leurs besoins quotidiens.

(1) (8b) réintroduit

(reintroduced)

Des adultes de la génération parentale introduisent à nouveau leur langue dans des interactions quotidiennes.

(0) (9) redécouvert

(rediscovered)

Des adultes découvrent leur langue à nouveau pour des raisons symboliques et d’identification.

a Niveau de revitalisation supposé pour la langue paloor.

b Les termes en anglais sont de Lewis et Simons alors que la traduction en français est effectuée par l’auteur. La

caractéristique est aussi une traduction de l’anglais par l’auteur.

En ce qui concerne la langue paloor, dans un processus de revitalisation, elle peut être supposée se trouver au niveau (4/ 6b), vu l’indication de sa vitalité : « menacée » par Lewis et al. (2016) et

(23)

langue à la maison. Par conséquent, une chaîne ininterrompue de la transmission entre les générations est rétablie parmi toutes les générations vivantes. »

L’UNESCO (2003, 6) de son côté fait des suggestions d’actions pour sauver, maintenir et revitaliser une langue. Elles sont les suivantes :

la formation linguistique et pédagogique élémentaire ;

le développement durable de l’alphabétisation et des compétences locales en matière de documentation ;

le soutien et le développement d’une politique linguistique nationale ; le soutien et l’adoption d’une politique éducatif ;

l’amélioration des conditions de vie et le respect des droits humains des communautés linguistiques.

Il arrive assez souvent que la communauté ethnolinguistique elle-même n’a pas assez de ressources au point de vue des spécialistes et des finances pour réaliser les actions proposées. Dans ces cas, elle est dépendante de l’assistance des spécialistes extérieurs, à savoir des linguistes, éducateurs et militants.

L’association paloor ASPAD, qui a une influence dominante sur la communauté paloor et qui considère la culture paloor et sa langue fondamentale pour l’identité paloor et pour le développement de la communauté paloor, a effectivement demandé de l’assistance extérieure, à savoir à SIL-Sénégal et à Folk & Språk (Wycliffe en Suède) pour le développement de leur langue. L’association coopère avec ces deux organisations dans un projet de développement de la langue paloor et du renforcement des capacités linguistiques depuis 2005. L’ASPAD est aussi en contact continu avec la Direction de

l’Alphabétisation et des Langues Nationales à Dakar. En plus, il y a le projet académique SENELANGUES sur la documentation des langues sénégalaises, et le paloor y est inclus. C’est un projet de coopération entre l’Université Cheikh Anta Diop à Dakar, les laboratoires Langage, Langues et Cultures d'Afrique Noire (LLACAN) à Paris et Dynamique du Langage à Lyon (du Centre National de Recherche

Scientifique) avec la participation de SOROSORO. Ce projet a commencé en 2009.

Vu le niveau du déclin de la langue paloor, la discussion sur sa revitalisation est motivée, ce qui, d’ailleurs, est menée dans la conclusion. Voir le paragraphe 6.2 « La revitalisation du paloor ».

4 Les données de l’étude

L’étude est surtout basée sur une enquête sociolinguistique menée en 2009 dans la zone paloor et sur Diouf (2013). Pour une perspective diachronique, D’Alton (1983, 1987) est consulté. L’étude a démarré en 2009 et a été achevée à la fin de 2014.

Les deux premières études se basent sur des données collectées dans la commune rurale de Keur Moussa, surtout au sud de la route nationale et le long de ladite route alors que D’Alton se concentre dans sa collection de données sur des villages situés au nord de la route nationale. Plus précisément, les données de notre enquête sociolinguistique sont collectées dans les villages Kessoukhate, Khinine, Mboul et Soune Sérère au sud de la route nationale ; les deux villages Mbirdiam (Km50) et Santhie Sérère le long de la route et dans le village Khaye au nord de la route. L’enquête est présentée dans l’appendice B. Les enquêteurs faisaient partie de l’équipe linguistique de l’ASPAD. Les enquêteurs qui sont des Paloor habitent dans la commune depuis leur naissance et ils ont une connaissance profonde de la commune et de ses alentours. Les données sont mises dans une base de données électronique.

Diouf (2013) est la première partie d’une étude de base sur la situation de la langue paloor menée tout juste au début de la deuxième phase de la collaboration entre ASPAD et Folk & Språk.23 Mamadou

Diouf est le coordinateur du projet. Les résultats seront comparés aux résultats de la deuxième partie de l’étude qui sera effectuée après le projet. La comparaison va montrer l’effet du projet sur la vitalité du paloor. L’enquête s’est adressée aux 280 personnes de l’âge de 10 à 80 ans habitant dans 14 villages de la commune rurale de Keur Moussa. Vingt personnes ont été interrogées dans chacun des villages suivants : Kathialick, Kessoukhate, Khinine, Landou, Lène, Lélo, Mboul, Palal, Soune Sérère et Touly au sud de la

23 Le projet 13 : 018, la partie concernant le Sénégal, intitulé « Renforcement de la capacité en linguistique avec

(24)

route nationale ; Khodoba et Niakhip au nord de cette route ; et Santhie Sérère et Mbirdiam le long de la route. Les enquêteurs sont des étudiants paloor qui ne font pas partie de l’équipe linguistique. L’enquête et les résultats sont présentés dans les Appendices 2 et 3.

La thèse de doctorat de D’Alton a été défendue en 1983. Nous l´avons consultée pour la perspective diachronique et elle est une esquisse phonologique et grammaticale sur la langue paloor avec une courte introduction sociolinguistique. La thèse a été publiée en 1987. D’Alton a collecté ses données lors d’un travail sur terrain, surtout à Khodoba, Khaye et Signafil au nord de la route nationale, dans le hameau Tago au long de cette route mais aussi à Khinine, Touly, Kayol au sud de la route.

L’équipe linguistique et Christina Thornell ont commencé ensemble au cours des ateliers l’analyse de cette étude et la rédaction de cet article. Cependant, ce travail était très prenant pendant ces courts ateliers. Il a donc fallu changer la méthode de travail dans ce sens que Thornell a continué elle-même l’analyse et la rédaction du texte en Suède. Ensuite, elle a envoyé des textes rédigés à l’équipe pour une révision et en cas de besoin, l’équipe devait mettre à jour et compléter les données. Pendant les ateliers, certains paragraphes du texte ont été discutés plus profondément, par exemple le paragraphe qui comprend la conclusion sur la vitalité de la langue paloor et comment la revitaliser.

5 La vitalité du paloor

Nous prenons la perspective de la vitalité dans notre étude et pas l’autre perspective de la disparition que Moseley (2012) et Lewis et Simons (2010) prennent dans leurs études. La vitalité du paloor est étudiée dans les paragraphes qui vont suivre. Les neuf facteurs proposés par l’UNESCO (2003) sont pris en considération.

5.1 Facteur 1 : La transmission du paloor d’une génération à une autre

5.1.1 L’échelle sur le facteur 1

Le premier facteur sur la vitalité de la langue proposée par l’UNESCO (2003) est la transmission de la langue d’une génération à une autre et ce facteur en question est le plus important selon Lewis et Simons (2010). Son influence peut être déterminée selon l’échelle établie par l’UNESCO et Lewis et Simons qui est présentée dans le tableau 9. Ce tableau, qui est quasiment le même que le tableau 7, donne une vue d’ensemble des deux modèles d’analyse sur la vitalité des langues. Le tableau est repris ici pour faciliter la lecture.

La transmission d’une langue au plus haut degré est « sûre » (niveau 5) selon l’UNESCO et la transmission au plus bas degré est « morte » (niveau 0). La transmission évaluée comme « sûre » signifie que la langue est parlée par toutes les générations. De plus, elle est transmise sans interruption d’une génération à une autre, c-à-d une situation idéale, alors que la situation opposée se présente où la transmission se caractérise comme « morte » (niveau 0), ce qui arrive quand personne ne parle plus la langue, ni ne s’en souvient.

Tableau 9. La vitalité à propos de la transmission de la langue d’une génération à une autre

Degré de vitalité* Niveau* Nombre de locuteurs *

UNESCO (2003) / Lewis et Simons (2010)

sûr 5 / 6 La langue est en usage dans toutes les tranches d’âge, y compris chez les enfants. /

La position de la langue est viable et durable. stable et pourtant

menacé

5– / 6b La langue est parlée par toutes les générations qui ne cessent pas de la transmettre. Cependant, le multilinguisme dans la langue maternelle et une ou plusieurs langues dominantes a usurpé certains domaines de communication importants. /

Referensi

Dokumen terkait

Kembali pada fokus penciptaan produk kreatif desain pengalaman turistik yang cara kemasannya diandaikan sebagai sebuah aktivitas perjalanan wisata, maka di bawah ini

1. Apabila pada saat Pembuktian Kualifikasi peserta tidak hadir/tidak dapat menunjukkan, ditemukan penipuan/pemalsuan atas data yang disampaikan, maka terhadap Peserta yang

Berdasarkan Surat Penetapan Pemenang Lelang Nomor : 162/BJP.VIII/III/-077 tanggal 13 Maret 2017, dengan ini telah dilaksanakan Penunjukan Langsung dengan pemenang

This study was a quasi-experiment conducted on 83 high school students. First of all students learnt to use the usual approach to the material, and then were

Unit Layanan Pengadaan Barang/ Jasa Pemerintah Kabupaten Alor Tahun Anggaran 2016. SANG, ST Ketua/

Sehubungan dengan Evaluasi Administrasi Dan Teknis Pelelangan Sederhana Pengadaan Bahan Obat-obatan Media Reagensia Pengujian Laboratorium yang telah dilakukan Pokja ULP

Setelah Pokja ULP melaksanakan pembukaan Dokumen Penawaran, membaca dokumen penawaran dan surat keterangan yang berisi data administrasi dan teknis dengan jelas,

Secara berkelompok, siswa diminta berdiskusi untuk menyelesaikan be- berapa soal yang terkait dari buku ajar dan menyajikannya di depan kelas oleh salah satu wakil kelompok..