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Sportetjeux DugasetCollard 2009

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Les sportifs et les interactions

stratégiques sous l’angle

de la théorie des jeux expérimentale

Sportsmen and strategic

interaction from the point

of view of experimental

games theory

Éric DUGAS* et Luc COLLARD**

* Groupe d’Études pour une Europe de la Culture et de la Solidarité – GEPECS,ea3625, Université Paris Descartes, Paris, France

(2)

type «dilemme des prisonniers», vont-il choisir la coopération ou bien l’opposition pour fructifier leurs gains ? Deux proto-coles expérimentaux sont mis en place. Dans le premier, l’obtention du score annoncé s’obtient par l’accomplissement moteur. Dans le second, la variable provo-quée « interaction motrice » est absente ; les scores obtenus à l’issue de l’annonce simultanée des stratégies initiales sont acquis. Les résultats révèlent que les spor-tifs privilégient significativement le duel et la méfiance plutôt que la coopération et l’altruisme alors que le but du jeu n’était pas fondé sur la compétition. Ces constats sont plus marqués au cours des réalisa-tions motrices. Ces décisions inadaptées sont symptomatiques de la reproduction des stratégies sportives.

Théorie des jeux – Dilemme des pris-onniers – Décision motrice – Sportifs – Stratégie mixte.

Adresses de correspondance :

Éric Dugas, 36 rue Théophile Gautier, 91310 Leuville-sur-Orge, France. Courriel : <eric. dugas@free.fr>.

Luc Collard, 42 rue écuyère, 14000 Caen, France. Courriel <luc.collard@orange.fr>. like “prisoner dilemma” going to choose after the simultaneous declaration of the initial strategies are acquired. Results show that although the game isn’t based on competition, sportsmen significantly favour duels and suspicion instead of cooperation and altruism. These statements of fact are more pronounced while motor actions are achieved. These unsuitable decisions are symptomatic of the reproduction of sport strategies.

(3)

L

La théorie des jeux appelée aussi théorie de la décision permet d’explorer les com

-portements rationnels des individus face à des situations dans lesquelles des choix stratégiquess’imposent. Comme le soumet Gaël Giraud, la théorie des jeux peut

se préoccuper de types de problématiques comme suit : « comment un semblant

d’« ordre » peut-il émerger d’une situation apparemment chaotique sans qu’une

intention directrice extérieure aux préférences particulières de chaque individu ne

puisse être tenue pur responsable de ladite émergence ? » (2000, p. 10). Dans

l’uni-vers de la théorie des jeux, le jeu se définit par « tout jeu comporte (au moins) une liste de joueurs, un ensemble de choix possibles pour chacun d’entre eux et une fonction qui donne leurs gains dans toutes les éventualités possibles (les issues qui

résultent des divers choix que peuvent faire les joueurs » (Guerrien, 2002, p. 7). Par sa matrice de gains (cf. tableau 1), le célèbre jeu du « dilemme des prisonniers »

est à ce titre en tout point exemplaire. En effet, ce jeu à deux joueurs – appelé jeu à « somme non nulle » ou jeu semi-coopératif (le gain des vainqueurs n’est pas égale à la perte des battus) – permet de mettre au jour le dualisme entre l’intérêt particu-lier (l’égoïsme) et l’intérêt collectif (la coopération). Ce conflit d’intérêts est chose commune dans bon nombre de situations sociales (Boudon, 1977).

Certaines pratiques sportives font état de ces situations « d’interactions stratégi -ques » (Eber, 2004). C’est le cas notamment d’une échappée au cours d’une course cycliste, de deux pilotes de Formule 1 lors d’un grand prix. Généralement, le sport privilégie les « duels », « jeux à 2 joueurs et à somme nulle » ou strictement

compé-titif dans les oppositions entre deux adversaires (les gains des vainqueurs et les per -tes des battus s’annulent ; +1 – 1 = 0) : par exemple, les duels interindividuels (jeux de combat et jeux raquettes) ou inter-équipes (sports collectifs sur un match, etc.).

Ce contexte compétitif, dans lequel des sportifs recherchent la victoire, la domi -nation de l’un sur l’autre pour vaincre, va-t-il favoriser la coopération ou bien l’intérêt personnel ? Le questionnement est d’importance quand il est banal

d’en-tendre certains pédagogues, éducateurs ou politiques prôner les vertus éducatives déployées dans le sport (dont particulièrement celles du lien social et de la soli -darité). Autrement dit, devant une situation dans laquelle deux joueurs rationnels

doivent maximiser leurs gains selon le rapport1 du jeu donné (le dilemme des pri

-sonniers), comment peuvent se comporter des sportifs (pratiquants compétiteurs) ?

Vont-ils opter pour l’altruisme ou pour la méfiance ? Leur choix sera-t-il rationnel et judicieux ? Peut-on suggérer qu’un habitus sportif puisse influencer les décisions

dans un tel jeu ?

Les expériences présentées ici ne se contentent pas d’utiliser la théorie des jeux in vitro (en laboratoire), mais plutôt in vivo, c’est-à-dire en situation expérimentale au plus près des comportements réels. Car si les décisions prises varient parfois des

prédictions théoriques en fonction des caractéristiques des individus tels que le

sexe, l’âge, le niveau socio-culturel, la personnalité, etc. (Eber, 2006), elles varient aussi selon le contexte d’accomplissement ; les premiers pas dans la théorie des

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la théorie des jeux ? En tout cas, fort est de constater que ces « expériences de ter -rain » font récemment des émules chez les chercheurs d’outre-atlantique (Camerer, 2003). Pour notre part, nous étudions plus particulièrement les comportements des

sportifs dans le feu de l’action motrice (Bordes, Collard et Dugas, 2007).

1. Présentation du dilemme des prisonniers

Expliquons rapidement avant toute chose le jeu du dilemme des prisonniers. La police interpelle deux suspects soupçonnés d’un délit commis ensemble, mais les preuves flagrantes manquent. Pour les faire condamner, le juge offre un marché ; si vous avouez votre délit, vous n’aurez pas la même peine que si vous le niez. Les termes du marché sont présentés aux prisonniers (P1 et P2) de manière séparée :

si tu avoues alors que l’autre nie, tu auras une remise de peine pour avoir aidé la

justice (1 an de prison) et lui sera emprisonné pour 10 ans. La réciproque est vraie. Si vous niez tous les deux, vous aurez chacun 3 ans de prison, du fait du manque de preuves. Enfin, si vous avouez tous les deux, vous écopez de 6 ans de prison. Tout dépend du comportement de l’autre. Comment le prisonnier P1 va anticiper ce que fait l’autre sachant que P2 va faire de même ? Vont-il choisir la coopération et la confiance (en niant tous les deux, ils écopent de 3 ans), ou vont-ils poursuivre

leur stratégie dominante (ils cherchent à maximiser leur gain) et avouer, quitte à prendre respectivement 6 ans de prison ?

Le jeu ainsi décrit conduit les deux prisonniers à choisir entre l’intérêt personnel et l’intérêt collectif. Mais l’issue du jeu est courue d’avance, même si le juge les lais-sait se mettre d’accord avant de divulguer leur décision séparément. En effet, si P1 et P2 décident de coopérer et donc de nier, rien ne dit qu’au dernier moment l’un

des deux va préférer avouer pour n’écoper que d’1 an de prison et laisser empri -sonner le second prévenu pour 10 ans ? À leur place seriez-vous prêt à courir ce

risque ? En fait, le dilemme des prisonniers « attire l’attention sur le fait que le choix

– apparemment rationnel – par chaque joueur de sa stratégie dominante se traduit par des gains sous-optimaux pour eux (inférieurs à ceux qu’ils pourraient être si

d’autres choix avaient été faits) » (Guerrien, ibid., p. 22). Le conflit est porté à son paroxysme ; ils cherchent à gagner (à croupir le moins possible en prison) et para-doxalement, ils vont perdre car quoi que fasse l’autre, chacun a intérêt à avouer !

Tableau 1 : Matrice des gains proposés aux deux prisonniers sur le modèle du «dilemme des prisonniers». Dans chacune des quatre cases, le premier chiffre entre parenthèses correspond au prix (ce que l’on peut «gagner» en nombre d’années de prison) du prisonnier P1 (joueur de ligne) et le second chiffre au prix de P2 (joueur de colonne). On voit très vite que paradoxalement, leur stratégie dominée (nier le délit) est une issue du jeu plus favorable car la stratégie dominante conjointe conduit à une situation sous-optimale (6 ans de prison). Le dilemme se situe donc entre les logiques personnelle et collective.

P2

Avoue Nie

P1 Avoue {-6,-6} {-1,-10}

(5)

2. comportements des joueurs s’ils sont rationnels

Comment vont se comporter des sportifs quand on leur présente les règles d’un jeu

avec une matrice de gains paradoxale (Barbut, 1967) ? Effectivement, les prix et

enjeu diffèrent quelque peu du dilemme des prisonniers classique2 (cf. tableau 2) car la matrice n’accepte pas le même équilibre de Nash comme celle de référence. Pour en avoir le coeur net, nous avons proposé à 48 étudiants STAPS d’une faculté des sports française de jouer à cette variante du dilemme des prisonniers de manière originale. De prime abord, 6 équipes de 8 joueurs sont composées et confrontées 2 à 2 au « dilemme » en énonçant successivement 20 fois leur tactique, soit un total de 80 parties réalisées sur l’ensemble des confrontations.

Tableau 2 : Matrice des gains proposés aux deux équipes en fonction du ballon choisi (HB pour le ballon de handball et GR pour celui de la gymnastique rythmique).Pour maximiser leurs gains, on voit très vite que l’une des deux équipes a toujours intérêt à changer de tactique (choix d’un ballon différent) si l’autre maintient la sienne.

Équipe B

ballon de HB ballon de GR

Équipe A ballon de HB {2,3} {3,1} ballon de GR {4,2} {1,4}

La matrice des gains du tableau 2 révèle que contrairement au jeu classique, ce dilemme n’admet pas « d’équilibre de Nash en stratégie pure » (c’est-à-dire lorsque

l’unique issue théorique du jeu débouche irrémédiablement sur le choix de leur

stratégie dominante) ; l’une des deux équipes a toujours intérêt à changer de tac-tique si l’autre maintient la sienne. Ainsi, il existe une ambiguïté permanente des décisions liminaires, c’est-à-dire du choix imprédictible des deux joueurs (ici deux équipes de 6 joueurs), du fait de l’aspect paradoxal du jeu et ce, sur les 20 parties de chaque confrontation.

L’intérêt de proposer une telle matrice est, répétons-le, qu’elle n’est pas équilibrée sur le plan tactique. La résolution en stratégie mixte incite effectivement à ne pas être dépendant de la tactique de l’autre équipe. Ne pas être deviné par l’adversaire, c’est rendre son espérance de gain indépendante de la tactique adverse. En fin de

compte, pour mettre l’autre dans l’incertitude, il faut choisir l’une et l’autre tactique

(HB ou GR) selon une certaine fréquence de probabilités. On appelle hb et gr les probabilités pour l’équipe A de jouer avec les ballons de HB et de GR, et « v » la

valeur du moindre mal en stratégie mixte. Selon le choix de B, A tente d’assurer

le maximin (le meilleur score parmi les plus mauvais) en rendant égales les deux

issues correspondant aux deux tactiques possibles de B, soit : 2hb + 4gr = 3hb +

1gr (avec hb + gr = 1).

Par calcul, on obtient hb = 3/4 et gr= 1/4 c’est-à-dire que si A joue 3 fois sur 4 avec le ballon de HB (et donc 1 fois sur 4 avec le ballon de GR. Du fait de la symétrie

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probabilité de ¾ avec le ballon de HB et avec une probabilité de ¼ avec le ballon

de GR. L’espérance de gain est alors de +5/2 pour les deux camps. C’est le mieux

de ce qu’ils peuvent faire pour limiter le pire qui puisse leur arriver : c’est le maxi -mum de leur mini-mum, leur « maximin ».

Mais, la situation n’est pas pour autant équilibrée. A peut améliorer son gain en

choisissant par exemple hb < ¾ si B joue son moindre mal, ¾,avec le ballon HB.

L’équilibre (E) s’obtient lorsque B joue avec des probabilités hb et gr telles que, quoi

qu’il fasse, A ne puisse améliorer son espérance. Le calcul fournit dans ce cas : 2 hb

+ 3(1 – hb) = 4 hb + 1 – hb. Le calcul, réalisé comme précédemment, donne hb =

½, gr = ½ et E = +5/2, pour A comme pour B. Si les concurrents jouent une fois sur

deux avec le ballon de HB ou le ballon de GR, ils ont une espérance équivalente à

ce que leur donne le moindre mal (+5/2) mais avec la garantie qu’aucun des deux n’a intérêt à changer de tactique si l’autre maintient la sienne. C’est leur équilibre de Nash en stratégie mixte.

Là encore, une équipe, peut ne pas « jouer le jeu » (quitte à perdre) en jouant avec une probabilité différente HB ou GR si l’autre respecte l’équilibre. Ce jeu incite à ne pas faire confiance à l’autre… Si on n’est pas sûr de lui ! Les sportifs vont-ils être

tentés de rompre l’équilibre fragile du jeu en suivant leur instinct de compétiteur

(vaincre à tout prix) ? En somme, vont-ils se comporter de façon rationnelle comme

le prescrit le calcul théorique ?

3. Deux expériences menées avec des étudiants sportifs

3.1. Première expérience : des sportifs jouent une adaptation motrice du dilemme des prisonniers

Examinons maintenant le déroulement du jeu : pour chacune des 4 manches (4 x

20 parties), le deux équipes qui s’opposent sont réunies dans un gymnase et décou-vrent la matrice de gains affichée sur un tableau. Précisons que cette expérience est

réalisée avec des étudiants durant des cours de travaux pratiques non obligatoires

sur les « jeux sportifs » à la faculté des sports d’Amiens (Collard et Dugas, 2008). Selon le choix du ballon, les gains diffèrent. Dans un premier temps, il leur est demandé de choisir une tactique et de l’annoncer simultanément ; la rencontre des

deux tactiques donne aux deux équipes leur prix respectif (pour rappel, ce choix

sera réitéré 20 fois).

Toutefois, l’originalité de ce jeu tient du fait qu’on ne se limite pas de faire énoncer

simultanément 20 fois de suite les tactiques des 2 équipes. Tout le sel du jeu réside

justement, dans un second temps, dans la mise en actes des conduites des joueurs

pour obtenir potentiellement leur gain. Pour ce faire, les 2 équipes en présence doi-vent simultanément traverser le terrain (40 m x 20 m) et poser leur balle respective dans la zone des 6m adverse ; condition nécessaire à l’obtention du score annoncé quelques instants auparavant.

Chaque équipe a la liberté, en croisant l’autre, soit de l’empêcher de parvenir à ses

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pas gêner l’équipe adverse dans leur entreprise (conduite coopérante). Le but étant

d’obtenir pour chaque équipe le plus de points possible qui les rapprocherait du

score théorique maximal, c’est-à-dire 80 points (4 pts x 20). Ici, la logique compé-titive n’est pas instituée par le code du jeu.

Les décisions prises sous le feu de l’action vont-elles conforter les choix initiaux de nos sportifs ? Autrement dit, une fois les gains respectifs annoncés, vont-ils préférer préserver ce bénéfice (aussi minime soit-il) ou le rendre plus incertain en privilé-giant un affrontement moteur avec l’autre équipe pour que celle-ci ne touche pas

le sien ?

Les résultats dévoilent que lorsque le score annoncé est en leur défaveur (par exem -ple de 1 contre 4), les sportifs s’organisent sur le terrain de telle façon d’empêcher l’autre équipe de concrétiser leur gain, quitte à ne pas fructifier le leur. Or, cette

logique de duel ainsi privilégiée ne les rend pas lucides sur le plan stratégique, comme le prouve les résultats du tableau 3 :

Tableau 3 : Croisement des scores optimaux (si coopération) et réels sur les 80 parties observées. Quelles que soient les stratégies, les équipes obtiennent systématiquement des scores inférieurs à ce qu’elles auraient pu obtenir, signe qu’elles n’ont pas joué la pure coopération

N. Fréquence des stratégies

sur 80 parties Stratégies

Score théorique si

coopération / N Score réel / N

Manque à

gagner Taux de perte

36 {2, 72 52 -20 28%

3} 108 78 -30 28%

15 {1, 15 14 -1 7%

4} 60 44 -16 27%

16 {3, 48 27 -21 44%

1} 16 10 -6 37%

13 {4, 52 32 -20 38%

2} 26 16 -10 38%

La succession deux types de décision, l’une strictement cognitive et l’autre motrice

ne s’inscrit pas dans une même cohérence. En effet, les choix liminaires des

spor-tifs sont relativement conformes à une résolution du jeu en « stratégie mixte »3. En

d’autres termes, les résultats réels sont corrélés (c2, p < 0.9) aux résultats théoriques

calculés supra faisant la moyenne de l’équilibre de Nash en stratégie mixte et du « moindre mal » (le « maximin » : le maximum du minimum de satisfaction au cas

où le pire arriverait).

Alors que les choix initiaux semblent rationnels, ils deviennent subitement illo -giques au moment des réalisations motrices. Les équipes préfèrent adopter

systé-matiquement des systèmes de jeu antagonistes (cf. tableau 3) là où il suffisait de

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défavorable pour l’équipe A, {1,4}, montre qu’il vaut mieux se concentrer sur l’ob-tention du gain sans s’intéresser à l’autre.

Tableau 4 : Comparaison des enjeux et prix. Par exemple, si {1,4} est choisi par les 2 équipes, nous enre-gistrons les enjeux et prix proposés en fonction de la réussite (+) ou de l’échec (-) des équipes à plaquer la balle dans le camp adverse

stratégie {1,4} +

-+ {1,4} {1,0}

- {0,4} {0,0}

Rationnellement, chaque équipe gagne à laisser passer l’autre. Les faits prouvent

pourtant le contraire ! Ce manque de perspicacité dans les décisions motrices est symptomatique du placage inadéquat de tactiques sportives à un jeu qui n’est pas

strictement compétitif. Deux groupes de sportifs, balle en mains dans un gymnase,

semblent répéter par habitus moteur des décisions motrices que ni le règlement et

ni le but du jeu incitent à concrétiser. De surcroît, ils n’ont jamais tenté de négocier

verbalement avec l’autre équipe, considérée à tort comme un adversaire (alors

qu’elle n’est pas présentée comme tel par l’expérimentateur).

Faut-il toujours s’opposer pour réussir ? La situation motrice incite-t-elle les sportifs à s’engager davantage dans une attitude d’opposition que de collaboration, même dans les choix liminaires ? Pour répondre à ces interrogations une autre expérience a été mise en place (sorte de « groupe témoin »).

3.2. La seconde expérience : le jeu du « dilemme des prisonniers » sans interaction stratégique motrice

Cette seconde expérience, réalisée avec des étudiants de l’ufr staps de Paris Descartes, nous permet de contrôler et de neutraliser la variable « interaction et décision motrices » ; c’est-à-dire qu’entre chaque coup du jeu (choix d’un bal-lon), réitéré 20 fois, il n’y a pas d’engagement moteur, pas d’interaction corporelle.

Autrement dit, après l’annonce des tactiques respectives, les gains sont acquis défi -nitivement ; nul besoin de les concrétiser en plaquant le ballon choisi dans l’en-but de l’autre camp. Par voie de conséquence, aucune équipe ne peut contrarier le gain de l’autre. Les oppositions motrices observées dans la première expérience ont-elles une influence significative sur les décisions liminaires dès le deuxième

choix du ballon (de la seconde à la vingtième décision cognitive) ? En d’autres

termes, l’opposition physique systématique a-t-elle renforcée le sentiment de

trahi-son et influencée le choix initial du ballon à chaque nouveau coup ? A contrario,

l’absence d’interaction physique va-t-elle favoriser la collaboration pour obtenir le

plus de points possibles ?

Pour notre part, nous émettons l’hypothèse selon laquelle l’« esprit de

compéti-tion » de ce type d’étudiants du fait de leurs disposicompéti-tions à l’affrontement sportif

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Pour cette seconde expérience, nous avons tenté de rendre les étudiants « équi-valents » eu égard à ceux de la première expérience (âge, année d’étude, etc.). De plus, ils sont placés dans des conditions similaires concernant les décisions strictement cognitives : 6 équipes de 8 joueurs se rencontrent 2 à 2 pour un total de 80 parties. Le gymnase est remplacé par une salle de cours dans laquelle les joueurs des équipes sont réunis. La même matrice des gains est affichée au tableau et explicitée. Il est précisé qu’ils doivent respectivement, par 20 fois, annoncer discrètement et séparément à l’expérimentateur le choix du ballon ; puis, l’expé-rimentateur leur donne connaissance simultanément du choix de l’autre. Le score

respectif est affiché au tableau et ils possèdent une minute environ de réflexion

entre chaque coup du jeu.

Le but du jeu est clair : il s’agit d’empocher le plus de points possibles afin de s’ap -procher au mieux du score théorique maximum (20 parties avec 4 points au maxi-mum par partie, soit 80 points) et non de battre à tout prix l’adversaire. Autrement dit, le but du jeu est de faire le score le plus élevé pour soi, quoi que fasse l’autre ;

l’esprit du dilemme des prisonniers demeure : ce qui compte c’est d’en prendre pour « le moins d’années de prison possibles » (donc le plus de points possibles),

que l’autre en ait beaucoup ou pas. Ainsi, s’ils le souhaitent, rien n’interdit de

coopérer avec l’autre équipe autant de fois qu’ils le désirent, entre chaque coup,

surtout en l’absence d’engagement moteur.

Tableau 5 : Comparaison entre les le calcul théorique des stratégies mixtes et les décisions réelles des équipes sur 80 parties. Illustration du calcul théorique : on a vu que pour le maximin, on obtient hb = ¾ et gr= ¼ et que pour l’équilibre de Nash on obtient hb = ½, gr = ½. Pour {2,3} on a donc (¾ x ¾) + (½ x ½) = 9/16 + 1/4 = 13/16. Moyenne «équilibre-maximin» = (13/16) / 2 = 13/32, soit 40%. Même procédure pour les autres stratégies

Expérience 2 (sans interaction motrice) les 4

stratégies de la matrice

Décisions réelles des équipes

Stratégies mixtes traduites par le calcul théorique

{2,3} 34% (27 x) 40%(13/32)

{3,1} 20% (16 x) 22% (7/32)

{4,2} 24% (19 x) 22% (7/32)

{1,4} 22% (18 x) 16% (5/32)

Les stratégies mixtes rendues par le calcul théorique comparées aux décisions réelles

prises par les sportifs sur 80 parties ne sont pas tranchées. Les équipes jouent la pru-dence car la matrice n’est pas équilibrée sur le plan tactique. D’un côté, la confiance

donnée à l’autre équipe et donc la prise de risques, peut se retourner contre soi, car

cette inclinaison revient à s’exposer à une trahison (comme on le vérifiera plus bas). De l’autre côté, si personne ne se fait confiance et joue son moindre mal (maximin)

en ne tenant pas compte des décisions des autres, rendues indépendantes, cela n’est

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Ce sentiment d’inégalité et/ou de mal joué semble amener les joueurs à privilégier de jouer une stratégie intermédiaire entre ce que donnerait l’équilibre et le maxi -min, alors que le but du jeu ne prône ni l’opposition ni la méfiance.

Alors que les étudiants de la première expérience n’ont jamais cherché à négo

-cier, trois paires d’équipes sur 4 ont tenté d’engager des négociations au cours de

la seconde. Dans le cadre de la première expérience, l’espace du sport (terrain

de handball dans un gymnase) semble accentuer le schéma classique d’un duel d’équipes : en sports collectifs, on ne négocie pas avec l’adversaire ! Toutefois, les tentatives de négociation enregistrées au cours de la seconde expérience furent

vite interrompues (entre 2 et 4 coups), suite à un fait de trahison. À défaut

d’inte-raction motrice, des inted’inte-ractions verbales ont réellement eu lieu mais en majeure partie sur le registre de l’opposition : les « on va gagner » ou « nous n’avons pas

confiance en vous » sont monnaie courante dans la salle. De surcroît, un jeu

réi-téré un nombre de fois fini4 n’arrange pas les choses. Plus l’échéance est proche

et plus le ton monte…

Tableau 6 : Les scores réalisés dans la seconde expérience. Les résultats représentent les scores des 4 paires d’équipes qui se succèdent pour tenter de se rapprocher le plus de l’espérance maximale du gain de 80 points

Première

rencontre rencontreSeconde Troisième rencontre Quatrième rencontre

Équipe A (ligne) 46 50 48 52

Équipe B (colonne) 54 50 56 47

Négociations/coups 4 2 0 3

Espérance théorique

des gains (+ 5/2), soit 2,5 pts

50 points /rencontre

(Espérance maximale : 80 pts / rencontre)

De plus, la morale n’est pas sauve (cf. tableau 6) : la seule rencontre déroulée sans négociation voit une des deux équipes se rapprocher le plus du maximum

de points théorique (80 pts). Il est vrai qu’avant les 4 derniers coups l’équipe A détenait le score de 38 points contre 44. Ils ont préféré prendre des risques, quitte à perdre des points (2 coups sur 4, ils ne récoltent qu’ 1 point par deux fois)5. En

somme, un sportif préfère s’opposer plutôt que de coopérer quelles que soient les

circonstances situationnelles de ce jeu paradoxal.

4. Étude comparative des deux expériences

L’étude comparative de la fréquence des choix liminaires entre les deux expérien

-ces va nous permettre de tester l’éventuel impact des décisions motri-ces sur le

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Tableau 7 : comparaison entre les équipes des deux expériences de la fréquence du choix des 4 stratégies sur 80 parties

EXP 1 : avec stratégie motrice EXP 2 : sans stratégie motrice

Stratégies Score/stratégies sur 80 parties Ndes stratégies : Fréquence sur 80 parties

Total théorique si toutes les équipes A et B jouent l’équilibre (E) = 400 (80 x 5/2 x2) [nombre de parties = 80 ; (E) = + 5/2 et 2 équipes = 2]

Globalement, les équipes des deux expériences jouent, de manière similaire et rationnelle pour un duel à somme non nulle sans stratégie pure. En tout point, les résultats du tableau 7 sont proches de ce que donnerait une analyse liée à la connaissance de la théorie des jeux de la part des participants. Les équipes sont très proches du gain espéré si elles favorisaient de jouer l’équilibre (397 et 403 / 400 points espérés théoriquement). Mais la rationalité théorique révèle de la méfiance vis-à-vis de l’autre ; on privilégie la tactique du « moindre mal » sans négociation,

ni coopération alors qu’il n’est pas annoncé aux équipes de jouer un duel.

En comparaison d’avec les résultats de la seconde expérience, il semble, au pre-mier abord, que les interactions motrices n’ont pas laissé de traces psychologiques

sur les choix liminaires réitérés 20 fois pour chacune des 4 parties. Le sentiment

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gardent un « comportement Neumannien » (Von Neuman et Morgenstern, 1944), en privilégiant la prudence ; bref, en termes sportifs, on peut dire qu’« ils assurent » dans tous les cas de figure. Il est vrai qu’à l’annonce de la tactique d’une équipe, l’autre peut se sentir frustrée du choix émis. En effet, si l’équipe A choisit le ballon HB, le gain est de 2 si l’équipe B a fait le même choix ; l’autre choix de ballon rem-portait davantage, 4 points. A chaque coup, une des deux équipes peut connaître cette frustration ou ce ressentiment.

Par ailleurs, les pourcentages des décisions réelles de l’expérience 2 tendent

davan-tage vers la moyenne de l’équilibre que du maximin6 (3 stratégies sur 4 contre

aucune dans la première expérience). Pour ce type de matrice de gains particulier,

jouer l’équilibre suggère que l’autre joue aussi intelligemment que vous tout en

ne profitant pas de votre « confiance » en lui pour jouer contre vous ; le risque est grand alors de tout perdre. Dans la première expérience, la confiance semble bel et bien se dégrader au fil des interactions motrices. En d’autres termes, les oppositions motrices génèrent un repli sur soi et une stratégie du moindre mal. La rationalité Nashienne s’estompe sous les coups de butoir de l’autre équipe. Ces tendances méritent que l’on s’y attarde quelque peu.

3.1. Quelques nuances de conduites observées entre les deux expériences

Néanmoins, si nous rangeons par ordre décroissant, les préférences des équipes

selon la fréquence des stratégies élues, des tendances sous-jacentes émergent :

Figure 1 : Corrélation entre les deux ordinations de la fréquence des stratégies énoncées au cours des 2 expériences. Chaque intersection joignant les stratégies 2 à 2 révèlent des désaccords. Le maximum de désaccords pour n= 4 est de 6 (n(n-1)/2)

(13)

Nous constatons 3 désaccords entre les deux classements linéaires sur 6 possibles.

Le calcul du coefficient de Kendall7 nous indique que la corrélation entre les deux

échelles n’est pas forte (k=0) ; elle ne révèle donc pas de liaison étroite entre les deux ordinations. Autrement dit, les choix liminaires ne suivent pas une logique stratégique identique. La variable provoquée « interaction motrice » de la première

expérience semble influencer les joueurs dans leurs choix liminaires réitérés après

coup.

Nous remarquons ainsi que la stratégie {2,3} est sélectionnée pour un tiers des

cas au cours de la seconde expérience contre presque la moitié des cas au cours

de la première expérience. Nous pouvons y apporter un élément de réponse.

L’observation de la première expérience nous révèle que les interactions motrices d’opposition étaient plus marquées lorsque l’enjeu était plus important (défendre

à tout prix son camp lors d’un enjeu négatif tel que -3). La propension à choisir plus souvent un enjeu moindre (-1 respectivement +1) pour assurer son gain (avec un prix intéressant) a semble-t-il été la stratégie retenue par les joueurs ; autant jouer là où l’autre sera moins enclin à nous défaire du gain provisoirement obtenu. De fait, la prise de risque pour jouer par exemple {4,2} a été plus aisée pour les joueurs dont le jeu est dénué de mise en jeu corporelle (seconde expérience) ; le gain énoncé est effectivement assuré. Deux éléments contribuent à appuyer notre argumentaire. En premier lieu, la comparaison entre les 2 classements (cf. figure 1)

pour la stratégie {4,2} révèle que cette stratégie placée à la seconde place lors de

la seconde expérience est rétrogradée à la dernière place lors des joutes motrices

(utilisée 19 fois contre 13). En second lieu, l’observation différée (vidéo) des

spor-tifs de la première expérience fait montre d’une propension marquée en faveur de l’attaque lorsque le rapport du jeu est favorable (répartition tactique des 6 joueurs :

5-1, 4-2 ) ; et la formation d’un bouclier défensif (2-4, 1-5) en cas contraire. Cependant, restons prudents dans nos interprétations. Les stratégies {4,2}, {1,4} et {3,1} sont choisies avec des fréquences très proches et ce, respectivement dans les deux expériences. Les observations relatées mériteraient que l’on répète les

expériences sur un nombre de coups beaucoup plus grand pour rendre compte si

les tendances dessinées se confirment de façon significative. Nous observons

néan-moins des différences intéressantes entre les deux expériences que nous n’avions

pas enregistrées auparavant sur le plan strictement comptable (les scores).

Enfin, un dernier point de comparaison renforce l’idée selon laquelle les interac -tions motrices modifient après coup, les décisions de type opératoire. Le tableau

3 nous dévoilait que l’opposition motrice diminuait les gains obtenus par les déci -sions liminaires. Or, nous observons que cette perte de points, suite aux

opposi-tions, n’est effectivement pas étrangère à la fréquence des stratégies choisies sur

80 parties.

En jouant la stratégie {4,2}, les équipes perdent en moyenne -1,1 points (-1,15 exac-tement) par coup pour un gain liminaire de 4 et de 2, alors qu’en jouant la stratégie {2,3}, ils perdent quasiment moitié moins de points. La perte la plus importante

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CIPS N°81 – 2009 – pp. 7-24

Tableau 8 : Perte moyenne de points à chaque coup du jeu pour chacune des 4 stratégies choisies par les équipes de la première expérience

N : Fréquence des

stratégies sur 80 parties Stratégies Score théorique si coopération / N Manque à gagner Perte moyenne par coup Perte moyenne par coup / stratégie

36 {2, 72 -20 -0,5 (-20/36) -0,6

(- 1,3/2)

3} 108 -30 -0,8 (-30/36)

15 {1, 15 -1 -0,1 (-1/15) -0,6

(-1,2/2)

4} 60 -16 -1,1 (-16/15)

16 {3, 48 -21 -1,3 (-21/16) -0,8

(-1,7/2)

1} 16 -6 -0,4 (-6/16)

13 {4, 52 -20 -1,5 (-20/13) -1,1

(2,3/2)

(15)

équipes A) ; il est évident que la répétition d’une telle stratégie est davantage vouée à l’échec du fait que l’autre équipe se comporte comme un adversaire. Epargnés

d’affrontement physique, il est plus aisé pour les équipes de la seconde expérience

d’épargner ses points et de choisir la stratégie {4,2}.

Les différentes procédures utilisées ici témoignent sensiblement d’un lien entre les

interactions motrices et le choix répété des stratégies initiales.

4. Les habitus sportifs

Nous avons observé au cours de ces expériences deux stratégies de nature diffé -rente : l’une de type cognitive et opératoire, l’autre de type motrice. Il semble que la première met en évidence des choix plus rationnels que la seconde. On peut même ajouter que sans la mise en jeu corporelle les sportifs osent prendre plus de risque (tendance décisionnelle s’éloignant du maximin). Néanmoins, dans tous les cas de figures, la négociation entre deux équipes fait figure d’exception. Les

équi-pes se comportent comme si la situation expérimentale se déroulait sous la forme

d’un duel à somme nulle. Or, la matrice proposée repose sur un jeu (et non un

duel) à somme non nulle qui autorise l’altruisme et la coopération pour obtenir un gain substantiel (pour rappel, le gain des vainqueurs n’est pas égale à la perte des

battus). A tel point d’ailleurs que dans ce jeu, il n’est stipulé à aucun moment par l’expérimentateur qu’il faille désigner un vainqueur et un perdant.

Encore faut-il voir l’autre comme un pair et non comme concurrent. Ainsi, les

sportifs ne voient dans l’interaction entre deux équipes qu’un rapport fondé sur

la compétition telle qu’ils la vivent régulièrement. Ces habitus (Mauss, 1934) sont renforcés lorsque les sportifs sont plongés dans un univers familier, le gymnase ; là où les règles du jeu façonnent les conduites motrices des joueurs dans un rapport de duel (Parlebas, 1999). Le sport est sans doute susceptible de façonner chez les

sportifs des conduites motrices stéréotypées inadaptées à la résolution de ce jeu

paradoxal. Nous suggérons l’hypothèse selon laquelle les décisions motrices ne se situent pas sur le même plan que les décisions strictement cognitives. La

confor-mité à un modèle sportif incorporé nuit aux décisions motrices (perte de gains

au lieu de leur préservation). Il existe une intelligence motrice (Parlebas, ibid. ; Gardner, 2007) à l’œuvre dans l’action motrice ; elle est déployée afin de favoriser une issue favorable pour l’obtention d’un gain positif. Hélas, cet habitus sportif

n’est pas efficace dans ce jeu paradoxal, où contrairement au sport, les relations

entre les uns et les autres ne sont ni transparentes ni tranchées ; il n’existe pas d’un côté des partenaires et de l’autre des adversaires.

Néanmoins, les sportifs de la seconde expérience négocient à peine, voire pas du

tout avec l’autre équipe. Les habitus sportifs peuvent être transférables dans la vie quotidienne (Dugas in Bordes, Collard et Dugas, ibid. ; Collard, 2004). Vivre

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pen-sée pratique orientées vers la communication, la compréhension, et la maîtrise

de l’environnement social, matériel et idéal. En tant que telles, elles représentent

des caractères spécifiques au plan de l’organisation des contenus, des opérations

mentales et de la logique (Jodelet, 1995, p. 361). Ainsi, face à un stimulus social, le sujet répond-il selon les valeurs et normes de son groupe d’appartenance ou selon les idéologies véhiculées dans la société. Un individu compétiteur semble demeurer un « compétiteur dans l’âme » (intériorisation) pour maîtriser une situa-tion sociale dans laquelle des gains sont à conquérir (ou plutôt à acquérir). Mais

soyons prudents dans nos interprétations dont les résultats (à confirmer par d’autres expériences) font montre, dans l’ici et maintenant, davantage d’un rapport de cor -rélation que d’un rapport de causalité.

En synthèse, les décisions cognitives ne sont pas la résultante d’un esprit fonction -nant par de froids calculs (Damasio, 2001). Autrement dit, l’esprit n’est pas désin-carné (Varela, 1993). Il est inséparable de l’évolution de l’espèce, de l’expérience personnelle et du cadre socio-culturelle dans lequel on évolue. Voilà pourquoi il

serait intéressant de confronter ce jeu paradoxal à une population de non sportifs :

agiraient-ils de manière semblable dans le cadre de ces deux expériences ?

5. conclusion

Les sportifs sont rationnels dans les décisions liminaires si leurs choix sont compa

-rés à un calcul théorique pour un duel à somme non nulle ; mais ils sont davantage

sur la défensive et la méfiance (maximin) lorsque la variable provoquée « interac -tion motrice » est présente dans le jeu. Dominé l’autre et/ou se méfier de lui sont

certes des conduites avérées dans la logique sportive mais, ces attitudes ne sont pas

adaptables à toute situation sociale ludique. Il peut être parfois plus gratifiant de « faire avec » plutôt que systématiser de « faire contre » autrui (équipe « adverse »). D’ailleurs, dans un tel jeu si l’on désire ne pas se faire deviner de l’autre, la

com-préhension du calcul théorique d’une telle matrice nous conduit à penser qu’il

vaut mieux épouser et paraphraser la célèbre phrase de Von Neumann (1944), le meilleur moyen pour que l’autre ne puisse deviner ce que vous allez faire, c’est encore de ne pas le savoir vous-même ! A contrario, une décision fondée sur la

confiance et l’intérêt commun ne conduirait pas à cette même réflexion.

(17)

notes

1. Rapport au jeu : c’est l’importance du prix (ce que le jeu peut nous faire gagner) comparée à celle de l’enjeu (ce que le jeu peut nous faire perdre).

2. La matrice classique du jeu du dilemme des prisonniers se présente toujours sous la forme suivante :

{a,a} {b,c} Avec a>d, c>a et d>b

1ères ligne et colonne : coopérer2èmes ligne et colonne : trahir {c,b} {d,d}

3. Insistons sur le fait que le dilemme des prisonniers sous sa forme classique admet une résolution en « stratégie pure » : les deux tactiques dominantes convergent vers une seule case de la matrice (équilibre de Nash ou à la Cournot ; Guilbaud, 1968). Ici, cet équilibre n’existe pas, mais la résolution du jeu est possible par l’usage de probabilités et d’espéran-ces mathématiques (stratégie mixte).

4. La revue de littérature sur la théorie des jeux révèle qu’un jeu simultané réitéré un nombre de fois fini (nombre de coups donnés à l’avance) incite plus à la non-coopération au fil des coups qu si le jeu est réitéré à l’infini.

5. Dans un jeu classique du dilemme des prisonniers, il est recommandé de réaliser un «comptage à rebours» pour mieux déceler la logique sous-jacente des stratégies émises par le joueur. De fait, on analyse chaque coup joué en observant à rebours de la dernière à la première stratégie choisie. Pour notre part, l’intérêt est essentiellement lié à la comparaison entre des choix liminaires émis avec ou sans interactions motrices réalisées après coup. 6. Pour illustration, le calcul théorique du minimax de la stratégie {2,3} est de 25% (1/4) et

le maximin est de 56% (9/16) ; seul le pourcentage des décisions réelles de l’expérience 2 tend à se rapprocher du minimax (34% contre 45% pour l’expérience 1 (% plus proche du maximin).

7. Coefficient de Kendall (k) = 1- 2d/D ; avec d = nombre de désaccords effectifs et D = le nombre de désaccords possibles (n(n-1)/2). Ici d = 3 et D = 6 ; donc k = 1-2x3/6 = 0. Remarque : +1 représente un accord total et -1 représente un désaccord total : corrélations fortes ; 0 l’indifférence. Par convention, pas de liaison forte entre les deux classements si k entre -0,5 et +0,5.

Bibliographie

– Barbut M. (1967). Jeux et mathématiques. InJeux et sports. Paris, Gallimard. Encyclopédie de la Pléiade.

– Bordes P., Collard L. et Dugas É. (2007). Vers une science des activités physiques et sportives. La science de l’action motrice. Paris, Vuibert.

– Boudon R. (1979). La logique du social. Paris, Hachette Littérature. – Collard L. (2004). Sport et agressivité. Méolans-Revel, Adverbum.

– Collard L. et Dugas É. (2008). Comment des sportifs jouent une adaptation du dilemme des prisonniers ? Revue Staps, 79, 39-48.

– Camerer C. (2003). Behavioral Game Theory: Experiments in strategic interaction. Princeton, Princeton University Press.

(18)

– Eber N. (2004). Théorie des jeux. Paris, Dunod

– Gardner H. (1997). Les intelligences multiples. Paris, Éditions Retz (nouvelle édition refondue, 2004).

– Giraud G. (2000). La théorie des jeux. Paris, Flammarion. – Guerrien B. (2002). La théorie des jeux. Paris, Économica.

– Guilbaud G. (1968). Éléments de la théorie mathématique des jeux. Paris, Dunod.

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– Matalon B. (1988). Décrire, expliquer, prévoir. Paris, Colin.

– Mauss M. (1934). Les techniques du corps, Sociologie et anthropologie (pp. 365-386). Paris, Presses Universitaires de France.

– Parlebas P. (1999). Jeux, sports et sociétés. Lexique de praxéologie motrice. Paris, INSEP Publications.

– Varela F. 1993. L’inscription corporelle de l’esprit, sciences cognitives et expérience humaine. Paris, Seuil.

Gambar

Figure 1 : Corrélation entre les deux ordinations de la fréquence des stratégies énoncées au cours des 2 expériences

Referensi

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