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Positivisme Dworkin et Habermas 2008

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QUELQUES REFLEXIONS CRITIQUES SUR DWORKIN ET

HABERMAS

JEAN-FRANÇOIS KERVEGAN (PARIS I / IUF)

Article publié dans H. Benthouami, N. Grangé, A. Kupiec, J. Saada (dir.), Le souci du droit. Où en est la théorie critique ?, Sens & Tonka, 2010, p. 109-116.

Bien qu’il domine depuis près de deux siècles la théorie du droit euro-américaine, le positivisme juridique a constamment été contesté par des juristes et plus encore par des philosophes de diverses obédiences. Toutefois, la réaction antipositiviste n’acquiert toute sa vigueur qu’après 1945. Le contexte de ce que l’on a nommé la « renaissance du droit naturel »

est bien connu. L’expérience des crimes de masse commis par le régime hitlérien sous

l’étendard de la légalité réveilla chez nombre de juristes la vieille idée, honnie par le

positivisme, selon laquelle le droit peut être injuste et la légalité illégitime. A vrai dire, le

positivisme n’était aucunement impuissant face à l’ordre fondé sur la terreur d’un Etat totalitaire, car sa conviction profonde était que le règne de la loi (positive) ne se justifie que

dans la mesure où cette loi incarne la raison publique. Une raison publique qui n’est ni

publique, ni rationnelle : voilà qui était inconcevable pour les théoriciens positivistes. Ainsi,

le positivisme juridique n’est pas un culte aveugle de la puissance ; il incarne plutôt la sobre

conviction qu’en l’absence de vérités et de normes éthiques et politiques incontestables, les procédures formalisées du droit sont le seul moyen qui permette une coexistence pacifiée au

sein d’une société ouverte. Mais il n’en reste pas moins que son mot d’ordre «Gesetz ist Gesetz » (La loi est la loi) a pu sembler cautionner des usages inacceptables du droit au service de politiques criminelles.

La querelle du positivisme a été rouverte, il y a quelques années, par certains théoriciens du droit et philosophes de haut niveau. Peut-on établir la validité de normes juridiques, voire de l’ordre juridique lui-même, sans prendre appui sur des normes et des arguments supra-juridiques ? Un positivisme neutre quant aux valeurs est-il susceptible de

garantir la cohésion non pas même éthique, mais juridique d’une société plurielle ? De telles questions sont soulevées par des auteurs comme Ronald Dworkin et Jürgen Habermas. De

mon point de vue, et bien qu’ils s’en défendent l’un et l’autre, ces questions, ainsi que les réponses qu’ils y apportent, s’inscrivent dans un cadre jusnaturaliste, dans la mesure où elles

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qu’il s’agit pour lui de procéder à une reconstruction des « bases morale du droit positif »1 ; celle-ci, on le sait, adopte la forme d’une reconstruction de la doctrine du droit naturel dans

les termes d’une théorie procédurale. Pour sa part, Dworkin soutient que les individus « ont des droits moraux contre l’Etat »2. Il paraît donc clair que les deux auteurs poursuivent la tradition jusnaturaliste, et qu’ils maintiennent en particulier un lien étroit entre droit et morale.

Il n’est donc pas surprenant que l’un et l’autre critiquent sévèrement le positivisme juridique.

Je vais tout d’abord évoquer brièvement la théorie dworkinienne du droit. Certes, elle excède le cadre du présent colloque ; mais elle permet de comprendre certains aspects de

l’entreprise de Habermas. Dans une série de publications, Dworkin remet en question le positivisme dominant3. Qu’il prenne la forme de la théorie utilitariste-impérativiste de

Bentham et d’Austin ou la figure raffinée du modèle des règles de H. L. A. Hart, le positivisme juridique repose sur la conviction fondamentale que« le droit existe en vertu d’un

acte humain ou de décisions humaines »4. Selon Dworkin, une telle conviction est fausse. Par voie de conséquence, la théorie du droit qu’il propose (dont le noyau est la dite rights thesis) se réclame (avec prudence) de la tradition du droit naturel. C’est à tort que le positivisme nie

l’existence de « droits moraux contre l’Etat »5, de droits qui « sont naturels en ce sens qu’ils

ne sont pas le résultat d’une législation »6. Cette position conduit Dworkin à relativiser la séparation du droit et de la morale et à affirmer qu’il y a un « recoupement », voire une

« fusion » des questions juridiques et des questions morales7.

Selon lui, le positivisme est impuissant à résoudre ce qu’il nomme les hard cases, les « cas épineux », c’est-à-dire ceux dans lesquels le droit existant paraît fournir des réponses controversées. Et ce sont de tels cas qui rendent manifeste la nécessité de transgresser la thèse

de séparation positiviste. La « thèse des droits » prétend quant à elle fournir une issue aux

hard cases. S’appuyant sur une distinction entre règles (rules), objectifs politico-sociaux (policies) et principes (principles), Dworkin indique que les cas difficiles ne peuvent être tranchés en se fondant sur des règles juridiques positives ou des policies, mais seulement sur

1

Habermas, Tanner Lectures, Faktizität und Geltung, Suhrkamp Taschenbuch 1998, p. 594 [Droit et morale, Seuil, 1997, p. 86].

2

Dworkin, Taking rights seriously, Harvard UP, 1977, p. 147 [Prendre les droits au sérieux, PUF, 1995, p. 235].

3

En dehors de Taking rights seriously, on s’appuie ici sur A matter of principle, Harvard UP 1985 [trad. Une question de principe, PUF, 1996] et Law’s Empire, Harvard UP 1986 [trad. L’empire du droit, PUF, 1994].

4

A matter of principle, p. 131 [Une question de principe, p. 167 (trad. mod.)].

5

Taking rights seriously, p. 145 et 147 [Prendre les droits au sérieux, p. 233 et 235].

6

Taking rights seriously, p. 176 [Prendre les droits au sérieux, p. 270 (trad. mod.)].

7

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des principes, c’est-à-dire sur des critères (standards) dont l’observation est « une exigence

dictée par la justice, l’équité, ou quelque une autre dimension de la moralité »8. Dans une optique positiviste, les « principes » de Dworkin n’ont rien à voir avec le droit ; ils reflètent des convictions morales ou religieuses personnelles. Pour Dworkin, au contraire, les principes

sont des composantes métapositives nécessaires d’une reconstruction de la « meilleure » solution judiciaire qui puisse être apportée aux cas difficiles. D’où l’abandon du concept positiviste du droit : comme les principes ne sont pas autre chose que la déclaration de droits

moraux et politiques individuels9, le concept étendu de droit transgresse forcément la frontière séparant droit, morale et politique. Bien entendu, les questions de principe sont controversées. Il ne s’agit donc pas de découvrir la « bonne » morale politique, mais plutôt de dégager la meilleure combinaison possible de tels principes moraux en vue de justifier la résolution des cas épineux de manière cohérente avec la loi positive et avec la jurisprudence existante.

Dworkin entend remplacer la théorie « sémantique » du droit que professe le

positivisme par une conception herméneutique. Par théorie sémantique, il désigne les théories

substantielles du droit, c’est-à-dire des théories qui font dépendre la validité des normes positives de la définition du contenu des concepts de degré le plus élevé de la théorie du droit.

A l’inverse, la théorie herméneutique considère les conceptions du droit comme des « interprétation(s) fondationnelle(s) satisfaisantes de la pratique juridique »10. On parvient ainsi à la fameuse analogie qu’établit Dworkin fait entre droit et littérature11. La résolution des cas difficiles a quelque chose à voir avec un jeu littéraire dans lequel des écrivains doivent poursuivre une histoire dont le récit a été commencé par d’autres. Ce n’est pas la cohérence

syntaxique, ni l’exactitude sémantique, mais la « consistance narrative »12 qui est ici le critère principal. Dans cette « chaîne complexe » qu’est le droit, aucun des « écrivains » (les magistrats rendant leurs décisions) n’est bien sûr entièrement libre ; il doit prendre en compte

« l’intégrité et la cohérence du droit considéré comme institution »13. En d’autres termes, il

s’agit pour lui de privilégier en chaque occasion l’esprit des lois ou, dans le vocabulaire de

Dworkin, « the law as integrity »14. Pour ne pas être suspecte d’arbitraire, chaque décision

8

Taking rights seriously, p. 22 [Prendre les droits au sérieux, p. 80].

9

A matter of principle, p. 139 sq. [Une question de principe, p. 176 sq.].

13

A matter of principle, p. 161 [Une question de principe, p. 203].

14

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singulière doit prendre en compte le droit en son intégralité synchronique et diachronique : en son « intégrité »

Nous comprenons alors pourquoi le juge-philosophe mis en scène par Dworkin dans

Taking rights seriously se nomme Hercule. Ce n’est pas parce qu’il jouit de capacités

surhumaines, mais plutôt parce qu’il est subtil et pénétrant comme le hérosd’Agatha Christie, Hercule Poirot. Comme lui, il est capable de reconstruire de manière linéaire et sensée une histoire qui lui est parvenue sous une forme lacunaire. Mais nous savons, à vrai dire, que le sagace détective fournit diverses versions des faits avant de parvenir à la vérité et de découvrir le coupable ; c’est aussi le cas du « super-juge » de Dworkin ! On voit alors que l’invocation du « discours moral » peut ouvrir la porte à l’arbitraire et à la fantaisie. C’est ainsi

qu’Hercule, selon Dworkin, a le droit, pour découvrir la décision juste (c’est-à-dire celle qui est juridiquement, politiquement et moralement démontrable et en cohérence avec le doit existant) « d’évacuer une part de l’histoire institutionnelle [c’est-à-dire de la jurisprudence],

en la considérant comme une erreur »15. Mais il peut aussi lui arriver de considérer que « la morale de la communauté est incohérente » et prendre, au rebours de celle-ci, une « décision

politique »16. Il a parfois même le droit de mentir17 ! A lire ceci, on ne peut se défendre de penser que la seule règle que Hercule est tenu de suivre en toute circonstance est son « intime conviction ». Or c’est là une théorie du droit assez périlleuse, ou un peu courte. La « complex chain enterprise » pourrait en certains cas ressembler au roman d’Italo Calvino, Si par une

nuit d’hiver un voyageur…: une succession parfaitement logique de récits qui n’ont aucun

rapport entre eux. Après tout, c’est en cohérence avec la quête de ce qui est nommé« une

forme de droit plus pure que celle dont nous disposons »18.

Jürgen Habermas a présenté lui-même sa propre théorie du droit comme un prolongement critique de la « thèse des droits » de Dworkin, à laquelle il fait crédit d’avoir

souligné « le contenu moral des droits fondamentaux et des principes de l’Etat de droit »19.

C’est qu’il s’agit aussi pour lui de bâtir une théorie offrant une alternative au positivisme

juridique. Dans ses écrit des années 1970 et 1980, Habermas accorde à vrai dire une place assez mince au droit. Les écrits des années 1980, en particulier Morale et communication,

15

Taking rights seriously, p. 119 [Prendre les droits au sérieux, p. 199].

16

Taking rights seriously, pp. 126 et 127 [Prendre les droits au sérieux, pp. 208 et 209].

17

Taking rights seriously, p. 327 [Prendre les droits au sérieux, p. 457].

18

Law’s Empire, p. 407[L’Empire du droit, p. 435 (trad. mod.)].

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développent principalement le programme d’une reconstruction de la philosophie morale (ou de l’éthique) du point de vue d’une pragmatique de la discussion pratique. C’est seulement à partir de 1985 que Habermas a entrepris de corriger cette sous-estimation du droit. Mais ceci

ne le conduit pas d’embléeà affirmer l’autonomie du droit comme peut le faire le positivisme juridique ; au contraire, dans ses Tanner Lectures données à Harvard en 1986, Habermas se

propose de justifier théoriquement « la moralisation saillante du droit »20. Bien entendu, du point de vue qui est le sien, le noyau moral du droit n’est pas de nature substantielle, mais procédurale. La morale qui imprègne le droit contemporain n’est pas une éthique de la vertu

ou une morale « conventionnelle », mais une procédure grâce à laquelle sont établies les présuppositions pragmatiques de toute entreprise normative. C’est précisément le caractère procédural de la raison normative qui assure la continuité entre droit et éthique. Si la raison

pratique n’est rien d’autre qu’une procédure de découverte et de validation des normes, alors la continuité entre droit et éthique va de soi : on a tout simplement _ Habermas en convient _ remplacé la conception classique du droit rationnel par les procédures de « l’Etat de droit

démocratique »21, de telle sorte qu’est surmontée la dénégation positiviste des « bases morales du droit positif »22.

Une analyse plus détaillée du droit conduit Habermas à relativiser, dans Faktizität und

Geltung, cette subordination trop marquée du droit à la morale. Un trait caractéristique du droit fait en effet défaut aux normes morales, à savoir la positivité. Par conséquent, il vaut

mieux parler d’un « rapport de complémentarité » entre « morale autonome » et « droit positif »23. Il y a non pas hiérarchie, mais coordination de deux types distincts d’établissement

des normes. Le principe moral, qui adopte la figure kantienne d’une règle formelle d’universalisation (le « principe U »), et le principe juridique de l’institutionnalisation

démocratique sont les deux branches d’une unique procédure de production des normes d’action, à savoir le « principe D », qui se formule ainsi : « Sont valides précisément les

normes d’action auxquelles tous les intéressés possibles pourraient souscrire en tant que participants à des discussions rationnelles »24.

Donc, de la même manière que Kant comprenait le droit et l’éthique comme deux

branches égales en dignité de l’unique morale, le principe moral et le principe démocratique

20

Habermas, Tanner Lectures, in Faktizität und Geltung, p. 562 [Droit et morale, p. 43].

21

Faktizität und Geltung, p. 592 [Droit et morale, p. 83].

22

Faktizität und Geltung, 594 [Droit et morale, p. 86].

23

Faktizität und Geltung, p. 137 [Droit et démocratie, p. 122].

24

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sont pour Habermas les espèces d’un unique principe normatif originaire, lequel « est encore

neutre à l’égard de la distinction entre droit et morale »25. Habermas fait reproche à la construction kantienne de subordonner de factola normativité juridique à l’éthique ; pourtant,

c’est d’après moi ce qu’il fait lui-même. Selon Habermas, la loi juridique est conçue chez

Kant à l’aide d’une restriction de la loi morale, de sorte que la législation éthique se « reflète » dans le droit26. N’est-ce pas précisément ce qui se produit dans sa propre théorie ? Sa « reconstruction du droit », suivant laquelle le « système des droits fondamentaux » d’une

part, c’est-à-dire la figure positivée des droits de l’homme, et les «principes de l’Etat de droit démocratique » d’autre part sont les piliers de tout ordre juridique légitime, repose en réalité

sur des raisons morales, bien qu’il le conteste énergiquement en affirmant _ ce à quoi on ne

peut que souscrire à mon sens _ que « le droit positif ne peut plus emprunter sa légitimité à un

droit moral supérieur ».27. En dernière instance, le primat reconnu aux droits fondamentaux et

aux normes de l’Etat de droit ne se justifie que parce qu’il rend lui-même possible

l’autonomie morale des sujets. Nous avons sans doute, dans les conditions de la modernité

avancée, besoin d’un droit autonome, mais seulement en vue de la morale : tel est, d’après moi, le fil conducteur de la reconstruction habermassienne du système juridique, dont on ne peut plus dire dès lors qu’elle « navigue entre les écueils du positivisme juridique et du droit

naturel »28.

D’après moi, et quoique Habermas le conteste vigoureusement, sa théorie du droit est bel et bien une construction jusnaturaliste, puisqu’elle revient en fait sur «l’axiome de séparation ». Habermas conteste une telle présentation de sa pensée, et prétend même que son

analyse du droit est à sa façon positiviste. Or ceci ne peut être soutenu que si l’on considère que les droits de l’homme ne sont pas autre chose que des principes juridiques, alors qu’ils sont de toute évidence, y compris dans leur formulation originelle, des droits moraux, avec toutes les difficultés que comporte une telle notion. Ceci revient à dire que la position de fond

de Habermas à l’égard du droit est _ cela n’a rien de déshonorant ! _ fondée sur des options précises en matière de philosophie morale. Or je crains qu’une telle position soit risquée dans une société pratiquant le « polythéisme des valeurs », et qu’elle fragilise la seule garantie dont

dispose une telle société pour assurer la coexistence de ses membres. Cette garantie, c’est celle qu’offre un droit « désenchanté », neutre quant aux valeurs éthiques et religieuses : ce

25

Faktizität und Geltung, Postface à la 4e édition, p. 676.

26

Ibid.

27

Faktizität und Geltung, Postface à la 4e édition, p. 674

28

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