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ImmigrationetEquilibredeNash AzametBerlinschi 2009

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L’aide contre l’immigration

The Aid-Migration Trade-Off

Jean-Paul Azam*

Ruxanda Berlinschi

Cet article met en lumière une relation économétrique montrant que les flux d’aide donnés par les pays donateurs réduisent significativement les flux d’immigrants qu’ils reçoivent des pays en développement. Il déduit les implications pour la politique d’aide d’un simple modèle de théorie des jeux, après avoir passé en revue la littérature récente sur les effets et les motivations de l’aide étrangère aux pays en développement. Cet article participe aux efforts effectués récemment par les économistes, stimulés par l’impasse dans laquelle s’est enfermée la littérature sur « l’ineffica-cité de l’aide », pour découvrir les motivations cachées de l’aide étrangère.

This paper highlights an empirically significant trade-off between the aid flows delivered by donor countries and the inflows of migrants that they receive from developing countries. It draws the implications for aid policy from a simple game-theoretic model, after reviewing the recent litera-ture on the effects and motivations of foreign aid to developing countries. The paper is part of the recent effort by economists, goaded by the dead end in which the “aid ineffectivenessliterature had cornered itself, to discover the hidden agenda behind foreign aid.

1 INTRODUCTION

Les immigrants sont-ils bienvenus dans les pays riches ? La menace d’une invasion par des migrants pauvres venus du sud est agitée de façon récur-rente, surtout à l’approche d’élections importantes. Il semble qu’il existe un

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Le présent article vise à faire apparaître les principaux déterminants du flux de migrants vers les pays riches, dans le but de trouver s’il existe des outils de politique, en plus du contrôle des visas, que les gouvernements du nord utilisent pour réduire l’immigration. On peut considérer cette analyse comme un élément d’un programme de recherche qui cherche à découvrir les véritables objectifs poursuivis au moyen de l’aide internationale, dont la litté-rature dite de « l’inefficacité de l’aide » a montré qu’ils sont différents des buts proclamés de promouvoir la croissance et de lutter contre la pauvreté dans les pays bénéficiaires. La prochaine section passe en revue les études consacrées aux effets et aux déterminants des migrations, et présente briève-ment le débat sur l’inefficacité de l’aide. Dans la section d’après, un modèle simple de théorie des jeux est esquissé, pour en déduire quelques prédictions testables. Une analyse économétrique montre ensuite que l’aide fait réelle-ment partie des outils utilisés par les gouverneréelle-ments des pays riches pour contrôler l’immigration. La section finale présente les conclusions de l’article.

2 LES EFFETS DES FLUX D’IMMIGRANTS

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villes américaines ayant une forte population d’immigrants ont réduit les taux d’emploi relatifs des travailleurs nationaux faiblement qualifiés de près de 1 % et leurs salaires relatifs de moins de 3 %. Friedberg et Hunt (1995) passent en revue la littérature théorique et appliquée sur l’impact des immi-grants sur les salaires et la croissance et concluent que l’effet sur les salaires des nationaux est très faible. Longhi, Nijkamp, et Poot (2005), sur la base de leur meta-analyse de 18 études empiriques de ce type, concluent qu’il existe un effet négatif robuste et statistiquement significatif des immigrants sur les salaires des nationaux, mais de faible amplitude, et que cet effet est plus fort en Europe qu’aux États-Unis. D’autres types d’externalités ont été discutés dans le contexte de l’immigration. Par-delà ses effets sur l’économie, l’immi-gration a aussi des effets démographiques et politiques sur les pays d’accueil. Étant donné que les populations immigrées sont généralement plus jeunes que les nationaux, et ont des taux de fécondité plus élevés, l’immigration pourrait offrir une manière de réduire le taux de dépendance dans les pays industrialisés.

Du point de vue politique, certains pays s’inquiètent de l’effet des immi-grants sur leur identité nationale et leur stabilité ethnique et culturelle. La création par le président français Nicolas Sarkozy d’un Ministère de l’Immi-gration, de l’Intégration et de l’Identité Nationale est une réponse à ce type d’inquiétude. Certains craignent aussi l’infiltration par des terroristes poten-tiels ou des trafiquants de drogue (Neumayer 2006). Ces considérations politi-ques semblent exercer une influence au moins aussi importante que l’impact économique décrit ci-dessus sur les décisions des autorités à propos de l’immi-gration. Neumayer (2006) montre que plus un pays est pauvre, moins démocra-tique, et plus exposé à des conflits politiques armés, et plus ses ressortissants ont des chances d’être soumis à des restrictions de visa. Il en va de même pour les ressortissants de pays sources d’attaques terroristes. Il semble donc que les migrants venus des pays les plus pauvres soient moins bien acceptés que ceux qui viennent des pays riches. Puisque les pays les plus pauvres sont aussi ceux qui reçoivent le plus d’aide étrangère, il est naturel de se demander si cette der-nière est utilisée en fait pour réduire l’immigration qui en vient.

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note que, dans certains cas, les transferts des émigrés ont été une importante source de financement pour le terrorisme ou des guerres civiles. En Somalie, par exemple, une forte proportion des transferts des émigrés a financé l’achat d’armes par les guérillas rurales. En Arménie, les transferts de la diaspora ont soutenu des régimes nationalistes durs et ont compliqué les efforts visant à résoudre les conflits régionaux. Le régime de la République Populaire Démo-cratique de Corée semble aussi avoir été renforcé par un tel accès à des res-sources en devises étrangères. Kapur cite aussi la création d’une culture de dépendance au sein des populations restées au pays, avec une participation plus faible au marché du travail, ainsi qu’un risque de « syndrome hollandais » si ces transferts sont dépensés dans une large mesure pour acheter des biens non échangeables comme des logements ou des terrains. Un afflux important de devises étrangères fait monter le taux de change de la devise nationale, ce qui handicape les exportations et réduit la compétitivité des biens nationaux face aux importations.

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effet est plus fort dans les pays riches que dans les pays plus pauvres et dans les pays plus égalitaires que dans les pays souffrant d’une inégalité plus forte. Parmi ceux qui ne participent pas à la force de travail, les facteurs non écono-miques sont beaucoup plus importants que les considérations éconoécono-miques pour déterminer les attitudes envers l’immigration.

Facchini et Mayda (2008) utilisent un échantillon de 34 pays inclus dans les vagues de 1995 et de 2003 du Programme d’Enquête Sociale Internatio-nale pour montrer que les opinions négatives des électeurs envers l’immigra-tion expliquent les politiques restrictives d’immigral’immigra-tion mises en place dans les pays de destination. Ils montrent que les pays dans lesquels l’électeur médian est le plus opposé à l’immigration tendent à mettre en œuvre les politiques les plus restrictives. Ainsi, il semble que par-delà l’impact des immigrants sur l’économie, les citoyens des pays riches s’inquiètent des menaces que font peser les immigrants sur la sécurité, l’identité nationale, et la stabilité ethnique et culturelle.

3 LES DÉTERMINANTS DES FLUX D’IMMIGRATION

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Une riche littérature empirique s’est attachée à découvrir les détermi-nants des flux d’immigration et a produit une bonne moisson de résultats con-vergents. Par exemple, Mayda (2007) a trouvé que les améliorations du revenu dans les pays de destination, ainsi que la part de la population jeune dans les pays d’origine, ont des effets positifs et significatifs sur les taux d’émigration, et que la distance entre les pays et les restrictions de visas ont des effets néga-tifs, en utilisant un panel de 14 pays de l’OCDE par pays d’origine entre 1980 et 1995. Jennissen (2003) a trouvé des résultats du même ordre, en étudiant les taux nets d’immigration en Europe de l’Ouest pour la période 1960-1998. Il trouve que le PIB par tête, le stock de migrants en place, et le niveau d’éduca-tion de la populad’éduca-tion ont des effets positifs, et que les taux de chômage ont un effet négatif. Hatton et Williamson (2002) présentent une évaluation quanti-tative des déterminants économiques et démographiques fondamentaux des migrations à travers le monde pendant diverses périodes historiques, en utili-sant des données sur les taux d’immigration nette sur des périodes de cinq ans de 1970-1975 à 1995-2000 pour 80 pays. Ces auteurs trouvent que la part de la population jeune de 15 à 29 ans dans le pays d’accueil a un effet négatif sur le taux d’immigration et que le stock d’immigrants a un effet positif. Ils mon-trent aussi qu’un accroissement du revenu national par rapport au reste du monde et par rapport à la région augmentent tous les deux l’immigration nette dans un pays. Lucas (2005) examine les causes et les conséquences des migra-tions pour les pays à faible revenu. Neumayer (2005) trouve que les violamigra-tions des droits de l’homme, la violence politique, et les défaillances des États, sont des déterminants importants de la migration sous forme d’asile, avec un effet non linéaire de la démocratie, en utilisant un panel sur le nombre annuel de demandeurs d’asile dans les pays d’Europe de l’Ouest entre 1982 et 1999. Les conditions économiques dans les pays d’origine sont aussi un déterminant important du nombre de demandeurs d’asile en Europe de l’Ouest. Neumayer suggère qu’une aide au développement généreuse et l’ouverture des marchés européens protégés aux importations en provenance des pays d’origine pour-raient soulager la pression migratoire, un point de vue que de Haas (2006) cri-tique avec force.

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effi-cace des migrations. Morrison (1982) défend l’idée que la façon la plus promet-teuse d’influencer la migration à court terme est de le faire par une politique de promotion d’activités créatrices d’emploi et, à long terme, en réduisant la croissance démographique et en améliorant la distribution des revenus. En fait, pour les pays à très bas revenus, l’aide étrangère pourrait en fait augmen-ter à court augmen-terme les taux d’émigration, à cause d’un phénomène possible de bosse de migration. Rotte et Vogler (2000) étudient les influences de facteurs économiques, démographiques, et politiques sur les flux d’immigration vers l’Allemagne en provenance de 86 pays entre 1981 et 1995, en utilisant des don-nées de panel. Berthélemy, Beuran et Maurel (2009) estiment la détermination simultanée de l’aide et des migrations en utilisant un échantillon transversal de pays et un système d’équations simultanées.

4 A LA RECHERCHE DE L’AGENDA CACHÉ DE L’AIDE

La littérature académique sur l’aide étrangère a été parfois paradoxale. Elle a attiré l’attention du public sous le nom générique de « l’inefficacité de l’aide » ; Easterly (2006) la passe en revue dans une recension influente visant une large audience. Cette littérature montre de manière assez cohérente que l’aide étrangère n’a pas beaucoup de succès pour promouvoir la croissance et réduire la pauvreté dans les pays bénéficiaires. Les auteurs qui ont contribué à cet ensemble de travaux finissent par exprimer de sévères critiques à l’encontre de la communauté internationale, qui semble incapable de poursuivre son objectif proclamé. Le slogan récent de la Banque mondiale : « Notre rêve : un monde libéré de la pauvreté » semble condamné à ne rester qu’un rêve. Cette conclusion semble défier la méthodologie usuelle de la science économique à un niveau fondamental. Comment se fait-il que la communauté internationale ait dépensé avec constance des milliards de dollars en aide étrangère pendant six décennies sans qu’elle soit « efficace ». N’y a-t-il pas de mécanisme de cor-rection d’erreur qui puisse mettre fin à ce « gaspillage massif » ? Mais cet apparent paradoxe ne concerne qu’une petite fraction de la littérature acadé-mique sur l’aide, et n’est en fait que le fruit d’une interprétation hâtive des résultats trouvés.

4.1 L’énigme de l’inefficacité de l’aide

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pays bénéficiaires. Pendant longtemps, l’aide était destinée à combler le « déficit d’épargne », c’est-à-dire à compenser le flux d’épargne supposé insuffisant qui était censé affliger les pays pauvres. Collier (2007) suggère que le changement d’accent survenu au cours des années 1980 et 1990, passant de la croissance économique à la lutte contre la pauvreté, a été le résultat d’une campagne de relations publiques visant à obtenir un soutien électoral en faveur de l’aide étrangère sur l’ensemble de toutes les sensibilités politiques des pays riches. Mais les économistes académiques ont rapidement commencé à donner de la voix, en montrant qu’il n’y avait pas beaucoup de soutien empirique pour l’hypothèse selon laquelle l’aide étrangère servait à promouvoir la croissance ou à réduire significativement l’incidence de la pauvreté.

Un article souvent cité de Boone (1996) a déclenché une vague de débats sur l’inefficacité de l’aide, en montrant qu’on ne pouvait pas trouver d’effet significatif de l’aide sur la croissance dans des régressions transversales. Dans un article très influent, Burnside et Dollar (2000) soutiennent avec force qu’il faut prendre en compte l’hétérogénéité qui existe parmi les pays bénéficiaires, pour analyser l’effet de l’aide. Ces auteurs sont partisans d’utiliser un indice de qualité des politiques macroéconomiques comme paramètre d’hétérogé-néité parmi les pays bénéficiaires. Leurs résultats suggèrent que l’aide accé-lère la croissance quand elle est donnée à des pays qui ont un bon cadre de politique macroéconomique. De même, Svensson (1999) présente des résultats de régression transversale qui montrent que l’aide est plus efficace pour accé-lérer la croissance dans les pays démocratiques. Dans la même veine, Kosack et Tobin (2006) trouvent que l’aide étrangère et la démocratie ont des effets positifs sur la croissance économique et le développement humain, pourvu qu’il y ait déjà un niveau minimum de développement humain dans le pays bénéficiaire. Néanmoins, le diagnostic dominant est qu’en général, à quelques exceptions notables près, l’aide n’accélère pas la croissance. Certains auteurs attribuent l’échec de l’aide à une conception erronée de la conditionnalité (voir par exemple, Collier, 1997). Un certain nombre de théoriciens proposent des solutions astucieuses pour redonner son efficacité à l’aide (Svensson, 2000, 2003, Azam et Laffont, 2003). Une autre réaction influente a été d’affir-mer que l’aide est inefficace parce que son niveau est insuffisant ; il faudrait donc une « forte poussée » pour tirer les gens hors du « piège de la pauvreté ». Ce point de vue a été soutenu avec force par Sachs (2005), alors que Collier (2007) adopte une variante plus subtile de cet argument.

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correcte en science économique est basée sur la théorie de la préférence révélée : au lieu d’essayer d’évaluer l’efficacité de l’aide étrangère en exami-nant dans quelle mesure elle atteint ses objectifs proclamés, nous devrions en fait déduire son agenda réel à partir de ses résultats observés. Quand les gens dépensent des milliards de dollars pendant des décennies, ils doivent bien avoir atteint certains objectifs qui justifient de maintenir un tel flux de dépen-ses. Certains économistes ont donc essayé de découvrir l’agenda caché de l’aide étrangère en analysant les déterminants de son allocation entre les pays bénéficiaires. Leurs résultats suggèrent que l’impact de l’aide étrangère sur la croissance et le développement n’est probablement pas le déterminant crucial de son allocation. Par exemple, Burnside et Dollar (2000) trouvent que la qua-lité des politiques macroéconomiques mises en œuvre par un pays donné ne rend pas ce pays plus susceptible de recevoir plus d’aide qu’un autre, bien que cela la rende plus « efficace ». De même, Svensson (1999) présente une analyse de régression transversale montrant que, bien que l’aide soit plus efficace pour promouvoir la croissance dans les pays plus démocratiques, ces derniers ne sont pas favorisés comme bénéficiaires. Ces résultats suggèrent encore que l’allocation de l’aide est gouvernée par d’autres considérations, indiquant à nouveau qu’il y a sans doute un agenda caché à côté de l’engage-ment généreux à réduire la pauvreté.

4.2 La préférence révélée des bailleurs de fonds

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peut être étendue au cas de la Banque mondiale, dont le comportement d’alloca-tion de l’aide est significativement influencé par les intérêts commerciaux et politiques américains. On peut se demander, cependant, si ces flux commerciaux sont parfaitement exogènes, au moins en ce qui concerne les bailleurs de fonds bilatéraux. Bien que la plupart d’entre eux aient formellement abandonné l’aide liée vers la fin de la période d’analyse 1960-1997 qu’utilisent Fleck et Kilby (2006a), il reste sans doute des manières implicites et subtiles de lier l’aide. De plus, l’aide finance en partie le déficit commercial des pays en développement, et ceci accroît probablement les importations en provenance des pays industriali-sés, qui sont aussi les principaux donateurs. Cet effet est encore plus vraisembla-ble vers la fin de la période d’analyse, puisque la libéralisation commerciale a été une caractéristique essentielle des programmes de réforme soutenus par l’aide étrangère sous l’influence des institutions de Bretton Woods. Par conséquent, une causalité en retour entre l’aide et le commerce est probablement en jeu, transmise par divers mécanismes, de sorte que les résultats vus ci-dessus pour-raient être trompeurs.

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Alesina et Weder (2002) utilisent une stratégie empirique un peu diffé-rente, étudiant directement l’effet de l’aide sur certains objectifs potentiels des donateurs. Ils montrent que le niveau de corruption affectant le gouvernement bénéficiaire n’affecte pas directement l’allocation de l’aide entre pays, mais qu’il y a un effet significatif dans l’autre direction. Leurs résultats suggèrent qu’un accroissement de l’aide cette année augmente le niveau de corruption observé l’année d’après, ce qu’ils appellent l’« effet de voracité ». Ils concluent donc que les bailleurs de fonds n’attachent pas d’importance à la corruption dans le pays bénéficiaire. De la même façon, Azam et Delacroix (2006) et Azam et Thelen (2008) étudient directement les effets de l’aide sur certains objectifs potentiels des donateurs en tenant compte explicitement de la causalité en retour. En utilisant une telle démarche d’économétrie structurelle, ils mon-trent que l’aide est efficace pour lutter contre le terrorisme, et que les bailleurs de fonds allouent cette aide entre les pays en vue d’atteindre cet objectif.

Le présent article constitue une tentative supplémentaire pour identifier un objectif des donateurs, en testant si l’aide est en fait utilisée pour réduire la migration en provenance des pays pauvres.

5 LES IMPLICATIONS DE L’EFFET DE L’AIDE

SUR LES MIGRATIONS

Un modèle très simple suffit pour saisir les principales questions qui se posent au vu de la relation potentielle entre l’aide et les migrations quand les pays riches souhaitent utiliser la politique d’aide pour réduire les flux d’immigra-tion. Si l’aide a réellement un effet, il est vraisemblable qu’elle ait aussi des retombées au-delà de ses objectifs immédiats. L’aide donnée par un donateur pourrait réduire simultanément les flux d’émigration en provenance du pays bénéficiaire en direction non seulement de ce pays donateur, mais vers d’autres pays aussi. Ceci implique qu’un problème de passager clandestin est suscepti-ble de se poser, à moins que les bailleurs de fonds coordonnent leur action. Le modèle discuté ci-dessous illustre ce point.

5.1 Le modèle

Supposons qu’il y ait trois pays dans le monde : deux pays donateurs, appelés 1 et 2, dont le niveau de richesse risque d’attirer des migrants, et un pays en développement, dont les flux d’émigrés vers chaque pays donateur sont notés et . Les bailleurs de fonds ont la possibilité de donner de l’aide au pays

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pauvre, dans le but de réduire le flux de migrants qui en provient. Deux méca-nismes principaux peuvent expliquer pourquoi l’aide peut avoir un effet néga-tif sur le flux de migration. D’abord, l’aide peut participer à améliorer la situation économique dans le pays bénéficiaire en soutenant des investisse-ments productifs et en créant des emplois. Ensuite, l’aide peut inciter les gou-vernements qui la reçoivent à dissuader l’émigration, si cette assistance est conditionnée par l’adoption de mesures visant à en réduire le flux. Par exem-ple, des incitations pécuniaires peuvent être créées en faveur du retour des migrants, réduisant par là-même le flux net, toutes choses égales par ailleurs, ou bien des groupes plus enclins à migrer que d’autres peuvent être visés par des mesures spécifiques. Au Mali et au Sénégal, par exemple, le groupe ethni-que soninké est le plus porté à émigrer parce qu’il dispose d’une diaspora bien établie sur laquelle il peut compter (cf. Azam et Gubert, 2006). Un projet de « co-développement » a été mis en œuvre avec de l’argent de l’aide française, visant à réduire l’émigration des membres de ce groupe en développant des programmes attrayants dans leur région d’origine.

Notons et les flux d’aide provenant des pays 1 et 2, respectivement. Supposons que le flux d’immigrants dans le pays 1 soit gouverné par la fonc-tion suivante :

. (1)

On suppose que les impacts des deux flux d’aide sur sont négatifs, pour saisir la relation qui nous intéresse. L’impact négatif du flux d’aide propre au pays est assez évident, mais l’effet croisé mérite un commentaire supplémen-taire. Si l’un ou l’autre des flux d’aide a un effet positif sur le niveau d’activité économique et la création d’emplois susceptible de réduire l’attrait de l’émi-gration pour les ressortissants du pays en développement, alors on ne peut pas supposer que cela va influencer seulement le flux à destination de chaque pays donateur pris séparément. Il y aura aussi probablement un effet débor-dant sur le flux vers l’autre pays. À la limite, on pourrait soutenir que c’est seulement le flux d’aide total , qui compte pour le flux de migrants, si les deux flux d’aide avaient le même impact dans le pays bénéficiaire. La spécification plus générale adoptée à l’équation (1) admet cependant qu’un ciblage plus fin par le pays donateur soit possible, lequel peut concevoir des politiques qui affectent principalement le flux de migration allant dans sa direction propre. Par exemple, il pourrait cibler un groupe ethnique particu-lier parce qu’il est lié à une diaspora importante dans l’un des pays donateurs. Le paramètre saisit l’ensemble des autres variables qui sont susceptibles d’affecter le flux de migrants vers le pays de destination. En permutant les indices 1 et 2, on peut facilement engendrer la fonction équivalente à l’équa-tion (1) pour le pays donateur 2.

a1 a2

n1 = f a( 1,a2,θ)

n1

a1+a2

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Supposons alors que le pays 1 soit disposé à encourir le coût de l’aide si celle-ci a réellement un effet pour réduire le flux de migrants allant dans sa direction. On saisit ceci en supposant que le pays 1 cherche à minimiser la fonction de perte suivante :

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qui est croissante et convexe par rapport à ses deux premiers arguments. Ceci saisit le fait que l’aide implique un coût pour le pays donateur, en utilisant des ressources fiscales, et que, pour une raison ou une autre, le gouvernement de ce pays a le sentiment que ce dernier attire trop d’immigrants. Le paramètre saisit les variables contextuelles qui sont susceptibles d’affecter la sensibi-lité du gouvernement vis-à-vis de l’immigration, comme des élections ou d’autres déterminants politiques. On suppose qu’une fonction du même type gouverne les choix faits par le pays 2.

5.2 L’équilibre de Nash et les flux de migration

Si les deux pays donateurs déterminent leur politique d’aide sans se coordon-ner entre eux, les flux d’aide et de migration vont être déterminés par l’équi-libre de Nash du jeu. C’est le concept d’équil’équi-libre le plus commun en théorie des jeux non coopératifs, qui suppose que chaque joueur prend le choix fait par l’autre joueur comme donné.

Figure 1 : L’équilibre de Nash et le flux d’aide optimal

La figure 1 décrit la manière dont le pays 1 détermine sa fonction de

réac-min

a1,n1L a( 1,n1,λ)

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par l’équation (1), en prenant , , et comme donnés. La courbe convexe représente la relation entre l’aide et l’immigration (équation 1), en supposant que le flux d’aide choisi par le pays 2 est à son niveau d’équilibre de Nash . La convexité supposée de la courbe saisit l’idée que l’aide a un impact margi-nal décroissant sur l’afflux de migrants, de sorte que même un niveau très élevé d’aide ne pourrait pas réduire leur nombre à zéro. Dans ce cas le dona-teur 1 va choisir son flux d’aide d’équilibre au point où une courbe d’indif-férence de la fonction de perte (2), représentée par la courbe concave, est tangente à la relation entre l’aide et l’immigration. Le point d’équilibre qui en résulte, marqué à la figure 1, représente le choix simultané du niveau d’aide et du flux de migration fait par le pays 1 à l’équilibre de Nash, étant donné le flux d’aide d’équilibre choisi par le pays 2. Un diagramme semblable pourrait évidemment être tracé pour le pays 2.

5.3 Pourquoi coordonner l’aide

On montre facilement que ce point d’équilibre de Nash est inefficient du point de vue des pays donateurs. Il implique qu’un problème de passager clandestin amène les deux pays à donner un niveau d’aide insuffisant. Les effets de débordement de l’aide sur la migration analysés ci-dessus réduisent vraisem-blablement les incitations qu’a chaque donateur à offrir de l’aide pour réduire l’immigration. À l’équilibre de Nash, chaque joueur considère le choix d’équi-libre effectué par l’autre joueur comme donné. Mais les deux joueurs pour-raient obtenir un meilleur résultat en coordonnant leurs décisions d’aide de manière à prendre en compte l’effet de débordement. L’intuition de ce résul-tat peut se comprendre en regardant les lignes en pointillé de la figure 1. Le point représente la situation résultant d’un tel équilibre coordonné, comme on peut le démontrer par l’argument suivant. On remarque que si le donateur 2 accroît le flux d’aide qu’il donne par rapport à , la relation aide-immigra-tion qui se présente au pays 1 glisse vers le bas, jusqu’à une posiaide-immigra-tion illustrée par la courbe convexe en pointillé correspondant à . Ce glissement vers le bas reflète l’effet de débordement du flux d’aide donné par le pays 2 qui réduit l’afflux de migrants dans le pays 1, étant donné le niveau d’aide versé par le pays 1. Alors, dans l’équilibre coordonné, le donateur 1 va lui aussi aug-menter son aide comme le donateur 2, en un point tel que , où . Le point est situé sur une courbe d’indifférence plus basse que le point , cor-respondant donc à une valeur plus faible de la fonction de perte (2), de sorte que le donateur 1 préfère cet équilibre coordonné à celui de Nash. Ce gain sur-vient malgré le fait que le donateur 1 dépense plus d’argent en aide, parce qu’il reçoit un flux de migrants plus faible en retour. Un diagramme sembla-ble pourrait être tracé pour le pays 2.

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La figure 1 suggère aussi qu’un tel équilibre coordonné requiert une capa-cité d’engagement irréversible fortement crédible pour surmonter la tenta-tion de tricher a posteriori. Une fois que le joueur 2 a engagé , de sorte que la relation aide-migration a glissé vers le bas jusqu’à la position marquée en pointillé , le joueur 1 est tenté de réduire sa propre contribution en glissant vers la gauche le long de cette relation de façon à atteindre une courbe d’indifférence de sa fonction de perte encore plus basse, par exemple le point . S’il anticipait une telle réaction, le joueur 2 pourrait alors être dis-suadé d’accroître son flux d’aide pour commencer. C’est l’essence même du problème de passager clandestin, bien connu par beaucoup sous la forme du « dilemme du prisonnier ». Les deux pays donateurs doivent avoir une façon crédible de se lier les mains s’ils veulent mettre en œuvre un tel équilibre coordonné. En fait, on peut observer dans le monde réel que la communauté des bailleurs de fonds fait beaucoup d’efforts pour rendre crédibles ses pro-messes de contribution, en utilisant toute une série de méthodes allant de la définition internationale des Objectifs de Développement du Millénaire jusqu’à la création de groupes de pression très dépendants de l’aide dans leur propre pays (peut-être en liant leur aide au profit de certaines entreprises puissantes ou en créant une administration de l’aide pléthorique). Néan-moins, à moins de supposer que les pays donateurs coordonnent parfaitement leurs politiques d’aide pour réduire les flux d’immigration, ce problème de passager clandestin suggère que les flux d’aide que nous observons dans le monde réel sont potentiellement inférieurs à leurs valeurs optimales.

Cette courte analyse théorique des implications de la relation aide-migra-tion repose entièrement sur l’hypothèse qu’il existe bien un tel effet dans le monde réel, et qu’il y a vraisemblablement des effets de débordement tels que l’aide donnée par un pays affecte les flux de migrants à destination d’autres pays. L’analyse économétrique qui suit vise à tester si ces deux hypothèses reçoivent le soutien des données.

6 RÉSULTATS ÉCONOMÉTRIQUES

Un coup d’œil rapide à la figure 2 ne semble pas donner beaucoup de chances à l’hypothèse de la relation aide-migration. Il semble qu’il y ait une corréla-tion positive entre le nombre d’immigrants venant dans un pays donateur et le montant d’aide que ce dernier débourse. La section qui suit montre que cette première impression est fortement trompeuse.

a2 *

f a1 a2 *

θ

, , ( )

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6.1 À la recherche d’une équation structurelle

La corrélation positive qui ressort de la figure 2 ne représente en fait aucune relation de comportement valable entre l’aide et la migration parce qu’elle ne contrôle pas l’effet de plusieurs variables pertinentes. Néanmoins, Berthéle-mey, Beuran et Maurel (2008) trouvent une telle relation positive entre ces deux variables dans une équation qui contrôle l’effet de beaucoup d’autres variables. Ils l’expliquent prudemment en se référant à une « cohérence de politiques », en soutenant que les pays donateurs combinent activement leurs politiques d’aide et d’immigration. Nos résultats présentés ci-dessous suggèrent plutôt que ces auteurs ont rencontré un problème de spécification. Le modèle présenté ci-des-sus implique aussi que les déboursements d’aide et les flux d’immigration sont déterminés simultanément à l’équilibre, comme le font Berthélemy, Beuran, et Maurel, mais avec des prédictions différentes.

Figure 2 : Déboursements d’aide publique au développement (APD) et entrée d’immigrants

En changeant les autres déterminants des flux d’immigration qui sont sai-sis par le paramètre , nous pouvons engendrer des prédictions de statique comparative qui sont compatibles avec la figure 2. Imaginons qu’un tel chan-gement exogène fasse glisser la relation aide-migration vers le haut. Dans ce cas, il est très vraisemblable que les points d’équilibre ou vont se

dépla-θ

(18)

cer vers le nord-est, c’est-à-dire vers le haut et vers la droite, indiquant que l’aide et le flux d’immigration vont augmenter simultanément. La raison de tels glissements est que si un plus grand nombre d’immigrants arrivaient pour un même niveau d’aide déboursée, le pays donateur réagirait en accroissant un peu son flux d’aide déboursée, d’une part, et en laissant entrer aussi un peu plus d’immigrants, d’autre part, parce que l’impact marginal de l’aide sur l’immigration est décroissant. Ce dernier effet entraîne une augmentation du coût marginal de la réduction de l’immigration par un accroissement de l’aide étrangère. Cette expérience mentale suggère deux choses à prendre en compte dans une analyse économétrique correcte : (a) il est crucial d’inclure les bon-nes variables de contrôle dans l’équation d’immigration de façon à identifier correctement la relation aide-migration, et (b) le flux d’aide lui-même est sans doute endogène, et on doit donc contrôler l’effet de cette endogénéité pour évi-ter un biais d’estimation. Sachant que la plupart des méthodes économétri-ques permettant de contrôler l’endogénéité entraînent un problème potentiel de perte d’efficience, nous présentons d’abord les résultats obtenus sans pren-dre ce problème en compte. Nous testons ensuite s’il y a un biais d’endogénéité significatif dans un deuxième temps. Cette démarche en deux étapes nous per-met de faire deux tests intéressants avec une seule équation : on se demande (a) si l’aide a un effet négatif significatif sur le flux d’immigrants, et (b) si les donateurs utilisent activement l’aide étrangère comme un instrument de leur politique visant à réduire le flux d’immigration auquel ils font face.

À cause d’un problème évident de disponibilité de données, nous travaillons sur des séries donnant le nombre de migrants légaux, alors que ce qui nous inté-resse réellement c’est le nombre total de migrants. Ce dernier est vraisembla-blement ce qui est gouverné par la relation aide-migration. Mais, comme nous appliquons des techniques de données de panel, en utilisant des effets fixes par pays, nous pouvons espérer apprendre beaucoup sur les déterminants du nom-bre total de migrants, comme l’explique l’argument suivant. Supposons que le nombre de migrants légaux soit une fraction aléatoire de leur nombre total reflétant, entre autres, la politique de restriction de l’immigration mise en œuvre par le pays de destination. Alors, puisque nous travaillons avec le loga-rithme du nombre total de migrants, la valeur moyenne de cette fraction aléa-toire se retrouve dans l’effet fixe du pays, alors que les déviations par rapport à cette moyenne vont s’ajouter aux résidus. Formellement, si est le nombre de migrants légaux et si est le nombre total de migrants, on peut supposer que :

, (3)

où est l’ensemble des variables qui saisissent l’orientation de la politique de restriction de l’immigration du gouvernement et est la part

nL n

nL = φ(G,ε)n G

(19)

aléatoire des migrants légaux, qui dépend de la perturbation aléatoire . Alors, en prenant le logarithme de l’équation (3), on obtient :

. (4)

Ainsi, à moins que la politique de restriction suivie par chaque gouverne-ment ait changé drastiquegouverne-ment au cours de la période couverte par notre échantillon, à savoir 1995-2003, les effets fixes des pays devraient assez bien en contrôler les effets. Ce raisonnement suppose, en ce qui concerne cette poli-tique, qu’il y ait plus de différences entre les pays que de changements au cours du temps pour un même pays. Dans ce cas, nos équations expliquant le logarithme du nombre de migrants légaux devraient, en réalité, nous appren-dre beaucoup sur le nombre total de migrants entrant dans chaque pays.

Tableau 1 : Résultats des régressions des flux de migrants légaux en provenance des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire

Source : Estimations effectuées par les auteurs.

Note : PIB = produit intérieur brut. La variable dépendante est le log du flux

d’immigrants venant des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Tou-tes les variables explicatives sont retardées d’une période. Des effets fixes par pays ont été utilisés, mais ne sont pas présentés. L’échantillon est composé des 22 pays donateurs du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’Organisa-tion pour la Coopéral’Organisa-tion et le Développement Économique (OCDE) sur la période 1995-2003, à l’exception de la Nouvelle Zélande, pour laquelle le stock de population étrangère manque, et de l’Australie et du Canada, pour lesquels cette information n’est disponible que pour un seul point d’observation. Les nombres entre parenthèses sont les écarts-types robustes. Les instruments uti-lisés sont le log des dépenses de maintien de l’ordre et le pourcentage de dépu-tés de droite au parlement dans les pays de destination. Le log des recettes fiscales est ajouté comme instrument pour l’équation (4). Leurs impacts dans la forme réduite sont présentés dans le tableau A.1 de l’annexe. *** : significa-tif à 1 %, ** : significasignifica-tif à 5 %.

Dépenses sociales (pourcentage) 0,32***(0,09) 0,30***(0,09) 0,32***(0,09) 0,34***(0,10)

Log du PIB par habitant (1,42)0,54 9,53***(2,82) (1,42)0,54 14,80***(4,97)

Log du stock de population étrangère (0,57)0,19 (0,50)0,57 (0,59)0,17 0,91***(0,47)

Log de l’aide publique au développement

(APD) (0,32)0,46 -3,68***(1,15) (0,28)0,43 -5,15***(1,66)

Log des déboursements multilatéraux — — 0,10

(0,27)

-1,43 (0,90)

Biais d’endogénéité, APD 4,47***(1,26) 5,90***(1,73)

Biais d’endogénéité, déboursements

multilatéraux (0,96)1,50

Nombre d’observations 118 117 118 116

F test 9,50 9,84 7,87 7,64

ε

(20)

Le tableau 1 présente les résultats de quatre équations de régression expli-quant le flux d’immigrants légaux en provenance des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire entrant dans chaque pays donateur. Cet exercice vise à saisir l’idée que les pays donateurs ne considèrent pas les flux de migrants venant des autres pays riches de la même façon que ceux qui viennent des pays plus pauvres. Nous avons aussi effectué les mêmes estimations avec les flux totaux, aboutissant à des résultats semblables pour l’essentiel, mais significa-tivement différents à certains égards. En particulier, le taux de l’impôt sur le revenu est significatif pour les migrants venant des pays riches, alors qu’il n’a aucune importance pour les migrants en provenance des pays plus pauvres.

Dans les colonnes (1) et (3) du tableau 1, on ne contrôle pas l’endogénéité, ce qui est fait aux colonnes (2) et (4). La méthode utilisée pour effectuer ce con-trôle est basée sur le test d’Hausman usuel, et est discutée davantage ci-des-sous. Toutes les variables explicatives sont retardées une fois. Cette procédure aide potentiellement à éviter des problèmes résiduels d’endogénéité, notamment pour les diverses variables de contrôle, et cela fournit aussi de l’information sur les délais de réaction des flux d’immigration aux changements d’incitations.

(21)

région de la vallée du fleuve Sénégal, à l’ouest du Mali, et faisant donc face aux mêmes conditions économiques, ont des comportements de migration très différents. Ces auteurs utilisent des données historiques pour montrer que le groupe ayant une longue histoire d’émigration envoie une fraction beaucoup plus élevée de sa population à l’étranger que le groupe dépourvu d’une telle histoire. La diaspora établie par le premier groupe sert de tête de pont rédui-sant les coûts de migration pour les nouveaux migrants potentiels du même groupe, en les aidant à trouver des emplois et des logements, et en leur four-nissant du crédit informel et des services d’assurance dont on sait bien que les réseaux de migrants font profiter leurs membres. Nos résultats ci-dessus sug-gèrent que cet effet n’est pas très fort au niveau national, une fois que l’impact de l’aide étrangère est pris en compte. Le stock de population étrangère dans le pays de destination est sans doute une mesure trop grossière pour saisir cet effet.

6.2 Tests de l’effet de l’aide

(22)

moins efficace que cette dernière prise séparément. Nos résultats, en fait, n’apportent aucun soutien à cette hypothèse d’effet différent. Ceci suggère qu’en réalité les pays donateurs réussissent d’une certaine façon à coordonner leur aide bilatérale aussi bien que leur aide multilatérale.

La technique utilisée aux colonnes (2) et (4) pour contrôler l’endogénéité est une extension du test de Hausman usuel. Deux équations réduites auxiliai-res ont été estimées pour le log de l’APD et celui de l’aide multilatérale, qui sont supposées endogènes dans le cadre théorique présenté ci-dessus, en utili-sant comme instruments le log des dépenses publiques de maintien de l’ordre, le pourcentage de représentants de droite au parlement, et le log des recettes fiscales (à l’équation 4 seulement), en plus des quatre variables exogènes du tableau 1. On suppose donc que ces variables saisissent les variables contex-tuelles représentées par dans le modèle théorique ci-dessus. Ces équations en forme réduite de la première étape sont présentées dans l’annexe au tableau A.1. Les résidus de ces équations sont alors inclus dans les colonnes (2) et (4) en plus des variables d’aide elles-mêmes, et leurs coefficients estimés fournis-sent une estimation des biais d’endogénéité correspondant à chaque variable. L’inclusion de ces résidus dans les équations rend un service supplémentaire, en corrigeant les coefficients estimés pour les variables d’aide des biais d’endo-généité qui les affectent dans les équations non contrôlées. Ceci justifie la dis-cussion présentée ci-dessus des coefficients estimés de ces variables d’aide.

Pour les tests réalisés aux colonnes (2) et (4), les résidus sont naturelle-ment retardés d’une période, comme les autres variables. Les estimations des biais d’endogénéité sont présentées au tableau 1 dans les lignes ainsi mar-quées. De plus, cette procédure fournit les estimations correctes des coeffi-cients des variables elles-mêmes, comme mentionné ci-dessus. Dans la colonne (2), où l’APD seule est incluse, nous trouvons qu’elle est très significative, et l’hypothèse de son exogénéité est rejetée au seuil de 1 %. L’interprétation cor-recte de ce test comme un test d’endogénéité n’est pas immédiate. Cette spéci-fication de la fonction d’immigration aux colonnes (1) à (4) suppose que le flux d’immigrants réagit aux incitations avec un an de retard. Le test d’endogé-néité réalisé aux colonnes (2) et (4) suppose que le gouvernement du pays donateur ajuste son flux d’aide l’année t - 1 sur la base de sa prévision selon laquelle un composant du choc aléatoire va affecter le flux d’immigration de l’année t. Cette prévision est supposée être basée sur une information qui n’est pas disponible à l’économètre. Par exemple, il se peut que le gouvernement utilise un indicateur avancé basé sur le nombre de demandes de visas déposées à l’année t - 1, qui ne vont entraîner une immigration réelle que l’année sui-vante, et c’est cette information que nous n’avons pas été en mesure d’inclure

(23)

dans notre équation d’estimation. De même, le gouvernement du pays hôte peut être au courant d’un changement sociologique ou institutionnel affectant une diaspora résidente et qui va vraisemblablement affecter la capacité de celle-ci à attirer de nouveaux immigrants, une information que ne possède pas l’éco-nomètre. Les équations en forme réduite reflètent dans leurs résidus ces antici-pations faites par le gouvernement au cours de l’année t - 1. Ces derniers sont donc nécessairement corrélés avec les chocs aléatoires survenant l’année t, par construction, si nos hypothèses de comportement saisissent correctement la façon dont le gouvernement donateur forme ses prévisions.

Les deux variables d’aide sont incluses simultanément à la colonne (4). Seule l’APD est significative. Ainsi, l’APD pourrait bien n’être pas moins effi-cace que l’aide multilatérale en fin de compte, suggérant donc que les dona-teurs ont trouvé des méthodes diverses pour parvenir à la coordination requise pour leurs autres flux d’aide. Après tout, la plupart d’entre eux ont participé à cette activité depuis environ six décennies, de sorte que le jeu de l’aide pourrait en fait se jouer approximativement comme un jeu répété en horizon infini. On sait que ce type de jeu a de fortes chances de produire une bonne coopération entre les joueurs. Nos résultats suggèrent donc que les pays donateurs sont assez efficaces pour égaliser l’impact marginal de chaque type de flux d’aide, de sorte que l’agrégation de ces flux en une seule variable d’APD est légitime du point de vue économétrique.

Ainsi, dans les exercices économétriques qui viennent d’être présentés, deux résultats clefs semblent robustes : (a) l’aide étrangère a un impact négatif significatif sur les flux d’immigrants dans les pays donateurs, et (b) les dona-teurs utilisent activement l’aide comme instrument de leur politique de réduc-tion de l’immigraréduc-tion. Le troisième résultat que nous avons testé, concernant l’efficacité comparée des flux d’aide coordonnés par l’intermédiaire des insti-tutions multilatérales par rapport aux autres flux d’aide nous amène à rejeter l’idée que l’aide bilatérale est moins efficace.

7 CONCLUSION

(24)

optimi-ser l’impact de leur aide comme moyen de réduire l’immigration. Un tel équi-libre coordonné demande que les donateurs parviennent à se lier les mains de façon à ce que leurs engagements à ne pas tricher a posteriori en ce qui con-cerne leurs versements soient crédibles. Nous avons suggéré que dans le monde réel les donateurs utilisent en fait divers mécanismes pour créer cet engagement crédible, allant de la définition internationale des Objectifs de Développement du Millenium à la formation de groupes d’intérêt dépendant de l’aide forts dans leur propre pays. Parmi les techniques utilisées pour créer ces derniers, on trouve entre autres méthodes le fait de lier l’aide au profit de certaines entreprises puissantes et la création d’une administration de l’aide pléthorique. De plus, les donateurs ont créé des institutions internationales d’aide, comme la Banque mondiale, dont la tâche consiste précisément à coor-donner certains flux d’aide.

(25)

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(28)

ANNEXE TABLEAU A.1

Équations réduites de la première étape

Source : Estimations réalisées par les auteurs

Note : PIB, Produit intérieur brut, APD, aide publique au développement.

*** : significatif à 1%, ** : significatif à 5 %, * : significatif à 10 %. Log de l’APD

pour l’éq. (2)

Log de l’APD pour l’éq. (4)

Log des déboursements

multilatéraux

Log des dépenses de maintien de l’ordre

0,21*** (0,07)

0,21*** (0,08)

0,09 (0,11) Pourcentage de membres

de droite au parlement (0,002)-0,003 (0,002)-0,002 0,01***(0,003)

Log des recettes fiscales — (0,14)-0,06 -0,33*(0,19)

Taux de chômage (0,02)0,03 (0,02)0,03 (0,02)-0,01

Dépenses sociales (pourcentage) (0,013)-0,009 (0,01)-0,01 (0,02)0,02

Log du PIB par tête 1,87*** (0,36)

1,95*** (0,38)

1,10*** (0,42) Log du stock de population

étrangère (0,08)0,04 (0,09)0,05 0,23**(0,59)

N 159 156 156

Gambar

Figure 1 : L’équilibre de Nash et le flux d’aide optimal
Figure 2 : Déboursements d’aide publique au développement (APD) et entrée d’immigrants

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