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Bataille between Don Juan and the Comman

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Date: Thu, 10 Aug 1995 00:48:35 -0400 (EDT) From: DRAGON JEAN <d360544-AT-er.uqam.ca>

Subject: Bataille, between Don Juan and the Commander

Entre le Savoir Absolu et le Gai Savoir. * * * *

Copyright (c) 1995 by Jean Dragon, all rights reserved. This text maybe used and shared in accordance with the fair-use provisions of

U.S.copyright law, and it may be archived and redistributed in electronic form,provided that the editors are notified and no fee is charged for access. Archiving, redistribution, or republication of this text on other terms, inany medium, requires the consent of the author and the notification of the publisher: Universite du Quebec a Montreal. * * * *

C'est donc, d'une part, la pretention architecturale hegelienne et d'autre part, les coups de marteau que .i.Nietzsche; porte a tout l'edifice de la tradition qui determinent essentiellement l'attitude de Bataille a l'egard de la philosophie(1).

Entre le Savoir absolu et le Gai savoir, position paradoxale qu'occupe Bataille entre .i.Nietzsche; et .i.Hegel;(2). Mieux encore, position qui revele l'attitude de Bataille face a la philosophie mais aussi son ambition a l'egard de celle-ci: lui donner la transgression comme fondement. Dans cet article, nous nous proposons de demontrer combien ce rapprochement entre Nietzsche et Hegel, meme s'il n'est pas articule sous forme theorique chez Bataille, s'avere important puisqu'il thematise ce autour de quoi s'organise sa pensee, soit la limite et la transgression.

Ce texte presente trois parties qui refletent du meme coup le

mouvement de la pensee de l'auteur. "Les Infortunes de la conscience/les delices de l'experience" se divise en trois sections: la premiere, expose l'influence d'Alexandre Kojeve sur la lecture que Bataille fait de Hegel, la seconde resume les objections que Bataille formule a l'encontre de Hegel, la derniere section enfin a pour objet le role de la fiction dans la pensee de Bataille.

La deuxieme partie de ce texte, "Symphonie en rire majeur",

comporte egalement trois sections. La premiere expose la decouverte de Nietzsche simultanement a la fonction du rire comme defi a l'existence et a la theorie, la deuxieme disserte autour de la relation particuliere qui existe entre .i.Nietzsche; et Bataille, la derniere enfin montre qu'en depit d'une proximite reelle des idees entre les deux auteurs, il existe entre eux des differences importantes. La derniere partie de cet article, "Entre le commandeur et Don Juan", se propose d'illustrer qu'il est possible d'articuler le rapport entre Bataille, .i.Hegel; et

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1- Les Infortunes de la conscience / Les Delices de l'experience

L'histoire comprise constitue la reminiscence et le calvaire de l'esprit absolu, la realite effective, la verite et la certitude de son trone, sans quoi cet esprit ne serait que solitude sans vie(3).

Son immense fatigue se lie a mes yeux a l'horreur de la "tache aveugle(4).

;Bataille ne cache pas la proximite de ses idees avec celles de Hegel, a la difference toutefois d'un "vice de forme" dans leur expression qui les distingue du maitre. Qui plus est, cette facon de s'exprimer, et ici nous nous referons plus precisement a l'importance de la subjectivite dans les assertions philosophiques de Bataille, met en jeu une conception traditionnelle de la philosophie dont .i.Hegel; constitue, aux yeux de Bataille, le representant le plus authentique. Hegel semble ainsi incontournable, Bataille ne dira-t-il pas d'ailleurs: Ma doctrine de la chance est la seule partie de ce que j'ai dit qui soit exterieure a .i.Hegel.; Le reste y peut rentrer (au besoin par une modification que j'accepte d'avance)... mais je ne dis pas cela comme .i.Hegel ;lui-meme aurait pu le dire. Sur ce point l'alea(5).

Plus Bataille semblera vouloir s'eloigner de .i.Hegel;, plus

celui-ci se fera present dans son oeuvre(6); il ne revele pas uniquement un rapport tenant a l'impossible "meurtre du pere", mais il exprime aussi par sa vie et son experience, une objection majeure a la philosophie. L'objection bataillienne brise la symetrie des lignes, l'autonomie du systeme, l'impermeabilite de l'edifice.

De plus, cette difference entre Bataille et Hegel a laquelle l'alea (fonction de destabilisation du systeme hegelien) fait allusion semble etre le produit d'un consensus turbulent entre l'experience et la theorie, entre Hegel et .i.Nietzsche;, entre le Savoir Absolu et le Gai Savoir. Il faut comprendre egalement que cette composition a tout le moins heterogene a pour incidence une epoque et surtout un nom, celui d'.i.Alexandre Vladimirovitch .i.Kojevnikov;;.

1.1 Alexandre .i.Kojeve; ou les dimanches de la Philosophie. La vraie decouverte de .i.Hegel;, c'est .i.Kojeve; qui la lui fit faire: une decouverte bouleversee, aussi bouleversee et ebranlante, a peu de choses pres, que fut celle de .i.Nietzsche;(6).

.i.Kojeve; seduit. Le ton du conferencier de l'E.P.H.E. (Ecole pratique des hautes etudes) repond au desespoir d'un appel a la catastrophe(7). La lecture que fait Kojeve de .i.Hegel; ne semble

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.i.Kojeve; a ete important pour Bataille parce qu'il l'aida "a penser la brisure du reel et a penser l'indetermination des etres qui vivent dans l'impossible"(8). De plus, avec l'idee d'une distinction entre le desir animal et le desir de l'homme, la lecture kojevienne de Hegel ne semble pas etrangere a l'elaboration progressive d'une philosophie erotique chez Bataille. L'erotisme, comme expression de la part maudite, apparaitra comme l'impense de la philosophie hegelienne.

Par ailleurs, .i.Kojeve; fait entendre que la these du desir(9) chez .i.Hegel;; peut etre comprise dans les termes d'une catastrophe internationale. Seule une lecture aussi personnelle du .i.maitre pouvait permettre de donner une telle figure a cet homme de la post-Histoire qu'.i.Hegel; vouait a la passivite. Bataille acceptera les "evidences" du systeme de Hegel mais sans toutefois renoncer aux ouvertures que lui propose .i.Nietzsche;. Cette conjoncture(10) s'avere non seulement le fruit d'une reflexion personnelle(11), mais aussi le resultat d'un profond respect et d'une tres grande influence de la personnalite exceptionnelle de .i.Kojeve; qui agissait comme si la fin de l'histoire etait advenue(12).

Hegel l'a dit. Moi je l'ai explique que .i.Hegel; l'avait dit et personne ne veut l'admettre. Personne ne le digere. Simplement, Hegel s'etait trompe de cent cinquante ans. La fin de l'histoire ce n'etait pas .i.Napoleon;, c'etait .i.Staline; et c'etait moi qui serais charge de l'annoncer(13).

Cette idee de la fin de l'Histoire, intolerable pour

Bataille(14), constituera le point d'opposition majeur a partir duquel il elaborera sa critique de la comprehension kojevienne de .i.Hegel;(15). Une critique qui ne sera pas sans echo puisque Kojeve, peu avant sa mort en 1968, ajoutera aux notes additives de la seconde edition de son Introduction a la lecture de Hegel quelques elements implicites a la critique de Bataille(16). .i.Kojeve; integrera alors l'heterogeneite a travers une negativite non resolue(17) et le non-savoir sous le (sage) silence du savoir absolu. De plus "Kojeve;, le Philosophe sera conduit a voir la difficulte de son dualisme ontologique dans la theorie de l'homme elle-meme et sa conception de la negativite en periode de fin de

l'histoire"(18).

Sans la turbulence de cet auditeur attentif, .i.Kojeve; se

serait-il preoccupe d'amender les modalites de l'humanite finissante (fin de l'histoire)? De plus aurait-il fait cotoyer .i.Sade; a proximite de

.i.Hegel;? Besnier nous dit qu'au demeurant Kojeve aurait bien dessine la silhouette de l'homme universel avec les traits du souverain de

Bataille...(19) Mais pour comprendre ce rapport, il ne suffit plus d'enoncer les points d'opposition, encore faut-il tenter de les expliquer.

1.2 Une Negativite sans emploi

Je n'ai pas la force necessaire pour qu'en mon esprit .i.Hegel; ne soit pas en question(20).

Il faut noter que l'expression, chez Bataille, d'une negativite sans emploi exprime a elle seule le rapport entre .i.Hegel; et

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Hegel, c'est en respectant le maitre puisque son opposition reste dans le vocabulaire hegelien. La critique bataillienne de Hegel ne repond pas veritablement a une opposition face a .i.Hegel;, bien au contraire, elle procede de l'admiration face a l'impossibilite d'une telle tache. Ainsi .i.Sasso; enonce-t-il: "Souligner les insuffisances du systeme hegelien, c'est donc affirmer l'inexistence d'une veritable somme synthetique des possibles, ou sa faillite"(21).

Au travail constructif de la negation(22) chez .i.Hegel;, ou si l'on prefere, a la resorption de la negation dans l'unite de la

conscience de soi, Bataille propose la depense en pure perte, soit le sacrifice inutile du sujet et de ses fins. Le sujet se constitue ainsi

dans le mouvement de sa perte. Il consume la part maudite. Aussi, comme Bataille se revolte contre l'aneantissement du pouvoir de subversion de la pensee, la negativite sans emploi se revele etre l'experience d'une depense improductive: "Hegel; supprime la negativite sous l'unite du concept et du savoir absolu: Bataille retrouve la negativite dans le moment refoule du savoir absolu qu'est l'experience immediate"(23).

Cette experience, nous dit Bataille, se distingue du travail et de l'Histoire. On ne peut la reconcilier avec une histoire qui n'existe pas ou avec l'esprit d'une communaute qui se fonde sur l'exclusion de la violence. De plus, Bataille s'apercevant qu'il s'aneantis lui-meme a vouloir se re-approprier une negativite qui lui echappera toujours et ne parviendra jamais a epuiser le fond du sens, est entierement autorise a operer une substitution entre une proposition comme "la negation ne prepare qu'une fin, elle n'est que la ponctuation d'un mouvement plus vaste" et celle-ci: "Il faut sacrifier le moyen et plonger dans une fin absente de fin"(24) .

On aura rapidement compris alors que l'idee d'une reconciliation des contraires comme dans la dialectique hegelienne n'a pas sa place chez Bataille; bien au contraire, elle se trouve critiquee avec virulence.

Cette idee tres nietzscheenne montre combien Bataille s'y oppose dans la mesure ou cette optique pose l'idee d'une unification des possibles la ou il n'y entrevoit que l'eclatement, la dissemination et l'impossible.

Aussi, la transgression et l'attitude de rejet qui la porte, pourrait s'averer une sorte de quatrieme terme a la dialectique hegelienne. Ce terme, tout comme la negation chez Bataille qui se retourne sur elle-meme pour mieux s'exceder, ne fait pas que ruiner la possibilite d'une

reconciliation des contraires mais l'ouvre a l'inachevement. Il n'y a pas de negation chez Bataille mais plutot l'affirmation d'une heterogeneite qui traverse un monde perspectiviste, sans toutefois le viser. Telle une rupture qui joue de l'alterite et de la negativite pour mieux ouvrir sur l'illimite de la limite, nous assistons a une affirmation qui, tout comme la transgression, brise incessamment et sans relache, toute forme de linearite et d'identite.

De meme, la transgression s'apparente a la danse et au jeu nietzscheen et non a la positivite thetique que l'on retrouve chez .i.Hegel;, a defaut de quoi le rapport de la transgression a la limite ne peut plus se poser. Difference considerable puisque toute l'entreprise de Bataille, contrairement a .i.Hegel;, consistera a elaborer une pensee qui depasse l'economie restreinte de l'interdit afin de plonger dans une philosophie du sacre.

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discursive, le projet, il reduit le monde au monde profane: il nie le monde sacre et c'est precisement a la philosophie sacree que Bataille veut frayer la voie(24).

Parce qu'elle eveille a la conscience du neant, tel

l'"In-Existant" de .i.Kojeve;, la conception du desir, comprise comme desir anthropogene de reconnaissance(25), devient chez lui une cle a la comprehension de .i.Hegel; et de l'Histoire. Mais quelques precisions s'averent ici necessaires afin de bien comprendre l'origine, la

signification et l'emploi que fait .i.Kojeve; de cet In-Existant.

L'In-Existant de Kojeve procede en premier lieu d'une sorte de critique du cogito a l'aide des premisses de l'ontologie parmenidienne. Il se revele l'antithese de l'existence, la realite de la non-realite, l'etre du non-etre. Ce que .i.Kojeve; introduit ici n'est pas un

sophisme, il ne sous-entend pas que l'on n'existe pas lorsque l'on pense ou encore que l'on ne pense pas lorsqu'on existe, mais bien que toute possibilite d'exister et de penser n'est possible qu'a la lumiere

d'envisager la pensee comme antithese de l'etre et du non-etre. Aussi le cogito ergo sum, selon Kojeve, n'est pas complet car il represente egalement une pensee. Ce que .i.Descartes; aurait d dire, toujours selon Kojeve, c'est ceci: ((Cogito ) ergo sum, ergo sum ). Ce qui fait relever Descartes de la tautologie. .i.Kojeve; nous dit que la formulation

devrait plutot integrer le non-etre, comme suit: Cogito non ergo sum. Ce non-etre de l'existant finalement n'est pas a confondre avec celui de .i.Parmenide;, il represente plutot la puissance du "non non-etre" qui exclut l'identite de l'etre et du non-etre. Aussi .i.Auffret; ecrira: "L'In-Existant apparait ici comme la pensee de la pensee capable de renverser le contresens sur le sens de l'existence du sujet; y compris du sujet de la pensee qu'est pour Kojeve l'Ego identitaire"(26).

On voit immediatement que l'In-Existant de .i.Kojeve; releve a la fois d'une abstraction sur l'Ego-cogito parmenido-cartesien mais egalement de la tradition bouddhiste, pensee a la fois etrangere mais aussi constitutive du "je" pensant, car cette pensee de la pensee se revele aussi une "conscience de soi qui se sait absolument"(27).

En definitive, l'In-Existant fait chez .i.Kojeve;, sous une forme qui lui est propre, ce que fait la negativite chez .i.Hegel;(28). En

fait, on peut meme avancer que l'extension que donnera .i.Kojeve; a sa comprehension de la negativite sera tributaire de son travail sur

l'In-Existant. En somme, ce que decouvrait le jeune Kojeve a travers l'In-Existant, il avait 18 ans, le preparait a rencontrer Hegel,

rencontre non fortuite, si nous pouvons nous exprimer de la sorte. La dialectique hegelienne nous revele une conception du desir qui fait l'economie de l'autre. En d'autres termes, le desir de

re-connaissance de soi s'effectue dans la resorption des differences que represente cet autre. Ainsi, la realisation de la conscience de soi

(accomplissement du savoir absolu) ne semble conserver de son passage a l'antithese que ce qui confirme l'idee de ce en quoi son sentiment de

satisfaction se reconnait, se gratifie et, bref, ne peut que sacrifier l'existence de l'autre dans sa disparite.

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l'interrogation d'Hegel un defi lance par l'existence au systeme. La blessure qu'est la vie s'en avere la refutation. Ce faisant Bataille

decouvre le jeu. Il ne refutera pas que le systeme, il usera de ses armes contre lui, en le mimant. Il le mettra en jeu et mieux encore, il le

debordera: "Il va donc s'agir pour Bataille de deborder le systeme hegelien, de le mettre en crue"(30).

Il s'agit alors, a la maniere dont .i.Hegel; definit selon

Bataille la negativite(31), d'un systeme ferme et d'une Histoire achevee ou nous sommes voues a la passivite. Ce que nous faisons pourtant, se trouve a subsister sous la forme du "sans emploi". Comment alors expliquer que l'objet d'une negation soit present et que subsiste le desir de nier dans une Histoire qui devrait etre close? Plus encore, comment expliquer que le desir de nier et de survivre soit plus fort, et que nous soyons plus vivants encore quand la menace de cette fin de l'Histoire se manifeste?

Ainsi, la negativite chez .i.Hegel; semble limitee au proces de la conscience de soi. De plus, elle se pose chez lui, contrairement a Bataille, comme etrangere a une experience immediate. Lorsque la conscience de soi se lie a la fin de l'Histoire ou encore a la negativite resolue, elle annihile, que ce soit dans la pratique du sujet ou dans le fondement de la communaute, la possibilite de la subversion inherente a la negativite et avec elle, la possibilite de reconnaitre l'unite

subjective derriere toute pratique discursive. Nous nous retrouvons ici en pleine utopie ou, dans le pire des scenarios, nous autorisons la tyrannie, car "la reduction de la negativite conduit a l'hypostase de l'oppression", nous dit .i.Kristeva;(32). Aussi, c'est a cette

dissolution de l'unite subjective que s'attaqueraient certains philosophes et ecrivains modernes comme Bataille:

A travers une pratique specifique qui touche les mecanismes memes du langage (.i.Mallarme;, .i.Joyce;, .i.Artaud;) ou les systemes de

reproduction mythiques ou religieux (.i.Lautreamont;, Bataille), l'"avant-garde litteraire" presente a la societe, ne ft-ce que dans ses coulisses, un sujet en proces, s'attaquant a toutes les stases d'un sujet unaire(33).

Ce proces, qui ouvre la pratique, introduit une nouvelle

historicite en essayant d'ouvrir l'Histoire contemporaine vers "le proces de la negativite qui en est le moteur (comme Bataille)"(34).

Aussi, le sens de l'objection que fait Bataille a .i.Hegel; (par le biais de .i.Kojeve;) s'explique par une existence qui ne parvient pas a se reconcilier avec un destin qu'elle recuse. Pour Bataille, il vaut

mieux celebrer l'inachevement de toute chose(35) plutot que de constater l'horreur qu'inspire la fin de l'Histoire. Le mot horreur, loin d'etre un euphemisme, semble vraiment hanter Bataille par la necessite d'une indetermination liberatrice d'une temporalite ouverte vers l'avenir (heritage de .i.Nietzsche;!)(36). Contrairement a .i.Hegel;, Bataille joue de l'angoisse. Il l'aime d'autant plus qu'elle s'avere etre le gage de l'inachevement de toute chose et de l'ouverture de l'Histoire.

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mieux permettre sa transgression. Parce qu'elle marque l'irreductibilite de tout objet a son integration par le discours, la notion de depense contribuera beaucoup a demasquer l'illusion de transparence entre l'experience et le savoir. La blessure d'une existence constitue l'alea du systeme, sa tache aveugle, c'est-a-dire ici tout ce qui l'excede, une part patricide irreductible qui appelle le meurtre de la transparence. Que signifie l'expression de tache aveugle? Quelle est sa fonction en regard du projet en philosophie et plus particulierement en regard de l'edifice hegelien? "Il y a une part maudite irreductible au projet du savoir absolu"(38).

Tout projet qui se referme sur son homogeneite produit des residus. Aussi le Savoir Absolu produit-il des dechets. Ce que le savoir ne peut s'approprier s'avere egalement a son insu ce qu'il produit d'heterogene et d'irreductible. Le non-savoir est cette tache aveugle de ce savoir absolu qui verse dans le neant: "Le contentement du savoir se tourne en son contraire et la totalisation discursive donne au projet qui l'animait un violent dementi par l'inversion brusque du Savoir Absolu en non-savoir"(39).

La tache aveugle ne constitue pas qu'une notion qui introduit le non-savoir chez Bataille, elle s'avere presque une regle dans l'attitude de Bataille face au savoir, une methode dans l'elaboration de ses textes. La tache aveugle comme alea du systeme semble aussi a l'image de la facon dont Bataille se livre dans ses textes, par fragments qui le portent en

totalite, mais une totalite presente sous la forme d'une indication et

d'une absence. La tache aveugle est la condensation philosophique de tout ce qui se retrouve plus tot dans la figure de l'oeil chez Bataille,

notamment le dossier de l'Oeil pineal(40) et L'Histoire de l'oeil(41). Le savoir chez Bataille ne peut s'achever dans une totalite connue, mais en se renversant et en s'abimant, il s'ouvre a l'inconnaissable. Point

insaisissable de l'entendement, point probablement le plus important puisque l'entendement s'y resorbe et s'y perd: le savoir parvenant au bout de ses possibilites s'inverse dans un non-savoir. Bataille n'aura eu qu'a introduire la puce dans l'oreille du lion, l'experience dans le concept, la subjectivite dans la theorie(42).

En designant ce point de revulsion/totalisation d'un edifice

intellectuel ou encore cette tache du dehors qui englobe et pulverise le tout du dedans, Bataille fait la decouverte d'un heterogene absolu auquel n'echappe pas .i.Hegel;. La tache aveugle est une excroissance imprevue de l'edifice du savoir, une partie qui l'englobe totalement. Cette partie se revele, ultimement, plus grande que le tout, car elle le depasse et le transgresse.

On peut se demander egalement a quoi Bataille s'expose lorsqu'il tente d'installer Don Juan sur le commandeur, c'est-a-dire de substituer la transgression a la place de l'interdit, si ce n'est qu'a une fete

perpetuelle dont les effets ne le rendent point different du .i.Hegel;

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On constate une ressemblance entre la transgression et

l'Aufhebung hegelienne(45), quoique qu'il faille preciser que l'absence de fin inherente a la transgression, telle que semble la concevoir

Bataille, nous fait comprendre le depassement non comme une fin, mais comme une depense et un eclatement, car la negation ne saurait s'y reduire entierement: "Le mouvement de la transgression est proche de l'Aufhebung hegelienne a la difference toutefois que la negation ne s'y resorbe pas entierement"(46).

La transgression chez .i.Hegel;, contrairement a Bataille,

constitue un moyen de realiser une fin, la conscience de soi, et celle-ci pourrait etre liee chez Hegel a la peccabilite, culpabilite(47)

qu'engendre la negation de l'autre comme condition au pretendu accomplissement de la conscience de soi, tandis que chez Bataille le depassement n'est pas de type Aufhebung mais plutot eclatement. En effet, la negation et le depassement de l'interdit n'obeissent pas a une visee; au contraire, dans l'immediatete de l'experience, la pratique de la transgression reprend le savoir afin de ruiner sa vision speculaire du sens en un morcellement catastrophique de la representation qui l'ouvre a l'inepuisable reserve d'un fonds sans fond et sans forme ou le non-sens, comme une explosion, se presente au sujet sous l'apparence de fragments a l'effet de fulguration.

Le role de la negation se trouve aboli chez .i.Hegel; parce qu'il ne participe plus d'une negativite a l'emploi. C'est precisement ce qui oppose Bataille a .i.Hegel; tant au niveau de l'argument de l'existence que de la definition de la transgression qui en decoule. Bataille lutte contre la totalite, contre le systeme, contre l'eternite et contre le determinisme; il veut ce que, selon lui, .i.Hegel; a rate: la

communication, le sacrifice, l'angoisse, c'est-a-dire se rendre aux conditions d'election de la chance dans le defi au systeme.

On ne peut traduire en termes de peche une situation qui n'a plus aucun debouche existentiel. Bataille se mettra a pratiquer la vertu de l'inachevement de l'Histoire. Dans sa volonte d'echapper au monde du projet, Bataille tente de surpasser, si ce n'est de repeter, l'ironie de .i.Kierkegaard; a l'egard d'une conception objective et necessaire de la verite(48): "Hegel;, tel que le lit Bataille, apparait donc comme un sujet (un auteur) qui a consenti a se laisser transformer en concept, au point de s'annuler dans le systeme du savoir absolu"(49).

On peut discrediter ou du moins considerer comme facile la lecture que fait Bataille de .i.Hegel; (en partie celle de .i.Kojeve;). Il n'en demeure pas moins que le probleme que pose l'existence, au systeme, cette "blessure qui est ma vie" nous dit Bataille, demeure entier: la philosophie achoppe sur l'enonciation de l'experience.

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Date: Thu, 10 Aug 1995 01:00:30 -0400 (EDT) From: DRAGON JEAN <d360544-AT-er.uqam.ca> Subject: Bataille, between DJ and the C.: part 2

Part 2:

Entre le Savoir Absolu et le Gai Savoir.

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... Telle la depense du sentiment de notre propre connaissance qui nous enferme dans une suffisance mortelle, la conscience de soi chez Bataille ouvre sur une conscience de rien:

Il s'agit pour moi d'en arriver au point ou la conscience cessera d'etre conscience de quelque chose. En d'autres termes, prendre conscience du sens definitif d'un instant ou la croissance (l'acquisition de quelque

chose) se resoudra en depense, est exactement la conscience de soi c'est-a-dire une conscience qui n'a plus rien pour objet(50).

1.3 La pratique d'un desir de subversion.

Mimer le savoir absolu pour en jouer les limites(51).

Du rapport de Bataille a .i.Hegel; relativement a la dialectique, deux points sont a examiner. Le premier concerne la situation du desir et le deuxieme, la conception de la pratique. Le premier nous renseigne sur la divergence de vue de ces auteurs au sujet de la dialectique; le

deuxieme eclaire, ceci s'avere fondamental pour le sujet qui nous occupe, le role de la fiction dans l'experience philosophique de Georges Bataille.

Le desir, comme nous l'avons dit precedemment, joue un role important dans la comprehension kojevienne de la dialectique hegelienne et plus encore, parce qu'il apparait notamment comme une condition necessaire a l'experience de reflexion du sujet (conscience de soi). Mais, avant tout, illustrons ce que nous avancons ici.

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puis la negation de cet objet ou du desir de cet autre, afin de parvenir a la constitution du troisieme et ultime moment, soit le retour sur soi, ou encore la reflexivite. A la limite, le processus de la constitution de la conscience de soi apparait comme mediatise par un reflexe de protection qui culmine dans la negation de l'autre. Est-ce a dire que le but d'une telle experience n'a pas tant pour objet la reconnaissance des differences que la confirmation de l'unite ideelle d'un sujet qui se "fictionne"(52)? Et plus grave encore, le sujet se coupe-t-il ainsi de sa propre conscience?

Le desir chez .i.Hegel; constitue l'agent de la negativisation de l'objet et de l'autre. C'est aussi pourquoi le desir de l'autre

represente un facteur cle dans la comprehension de .i.Hegel;. De plus, le processus menant a la conscience de soi reposerait, selon nous, sur la paranoa, une "paranoa constitutive" qui s'articule sur la negation du sujet, telle une scission qui se poursuit ad infinitum parce que fondee sur et fondant le rejet de sa propre conscience. C'est une pulsion de mort(53) qui assure ultimement l'unite du sujet chez .i.Hegel;, la menace de son unite brisee. Contrairement a Bataille, cette unite semble

etrangere a l'experience immediate du sujet. Julia .i.Kristeva; nous dit a cet effet qu'il s'agit d'un "telescopage" par le desir de la negativite dans l'unite(54).

Prise metaphoriquement chez Bataille, la dialectique hegelienne a neanmoins un merite. Elle constitue un risque et aussi une chance; le sujet vise l'autre, et pour cela, il doit prendre un risque, celui de la dissolution, bien que momentanee, de son identite...

Jusque-la, il y a une parente entre les deux auteurs, mais les divergences apparaissent dans le second terme, c'est-a-dire dans la mediation. Chez .i.Hegel;, le moi semble d'abord divise et ensuite redouble afin de se reunifier dans l'unite de la conscience de soi. Bataille reprend au contraire le sujet unifie selon une ligne regressive en sacrifiant le moyen terme a l'experience immediate et en y placant l'essentiel de sa propre experience; ce renversement d'Erfahrung (experience) ne pouvant etre realise dans la pratique sans la reconnaissance prealable du leurre de l'unite du sujet (d'un sujet unaire), Bataille demontre ainsi l'impossibilite de ce qu'.i.Hegel; recherchait a travers le Savoir Absolu: l'identite entre la theorie et la pratique.

Alors s'il y a un Savoir Absolu ici, il ne possede pas une forme achevee; bien au contraire, il reintroduit un sujet acheve dans la totalite chaotique d'une experience pleniere qui appelle au

fractionnement dans la relance ludique, infinie de son experience. La mediation par laquelle l'objet et l'autre sont nies n'existe simplement pas. Cette ontologie du glissement permet a l'etre d'avoir l'intuition de sa chance. Il tente sa chance parce qu'il sait que son unite est la pire mystification du Savoir Absolu. Bataille n'y echappe pas, a defaut de pouvoir caracteriser plus specifiquement la continuite a l'interieur de la souverainete, il doit recourir, bien qu'indirectement, a

l'"unite"(55). Difference notable cependant d'avec Hegel puisqu'une telle unite, chez Bataille, s'avere spontanee, immediate et se passe de toute mediation. "Operation comique" alors, car l'auteur sait pertinemment que seul le ridicule subsiste la ou l'illusion d'un sens permet au non-sens d'apparaitre. Il n'y a ici de verite que dans la fiction. La theatralite

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et authentique que ne le sera jamais le faux dithyrambe d'un tragique qui s'allie au pathos dans l'espoir d'echapper au non-sens, au ridicule.

Sur le plan theorique, le sujet souverain de l'experience interieure fonde la possibilite d'un sujet nouveau qui, sans renoncer au sujet du savoir dont .i.Hegel; et .i.Marx; ont marque l'accomplissement en

achevant sa negativite dans le concept ou dans la revolution, lui rend sa negativite heterogene, et du meme coup, lui rend sa jouissance(56).

Bataille tente de montrer l'impossibilite d'une identite entre l'existence et le savoir. Son hypothetique traversee du savoir hegelien ne le mene a aucun savoir constitue ou constituable: surtout lorsqu'on substitue la catastrophe a la place de l'objet.

La conception dialectique de la pratique chez .i.Hegel; se distingue donc de celle de Bataille en ce que chez le premier, l'idee theorique recoit son individualite, sa forme et son contenu d'une intention. Il y a aussi une intention chez Bataille, mais comme elle en appelle a la catastrophe, elle ne se connait elle-meme pas plus qu'elle n'obeit a une fin etrangere a l'immediatete, car pour Bataille:

(...) il faut retourner en deca de la specularisation et la reprendre

dans un "voir immediat", catastrophique. Ne pas releguer l'immediat dans le clos du spectacle mais le traverser en une representation maintenue comme eclatement de toute identification, de toute identite, de toute

specularisation, donc comme une ruine de la representation elle-meme (57).

Jeu de demasquement et exposition du moment fort comme aspects problematiques d'une pratique, la fiction dans le renversement de

l'experience, revele aussi la condition de renouvellement de la pratique. Bataille denonce l'adequation entre l'objet et le concept dans

l'experience et la pratique. Ainsi, l'Experience Interieure vise a casser la finalite d'un tel mecanisme mais non a le faire cesser. Du reste, il n'a jamais existe. Cette pantomime ironique nous renseigne sur le fonctionnement d'une pratique en lui permettant de se renouveler et y precise le role crucial que joue l'immediatete de l'experience. Celle-ci leve le refoulement qui emerge du decalage existant entre le proces et la these.

La fiction chez Bataille, mecanisme de levee theorique et ideologique, (son Aufhebung) fait apparaitre non seulement l'impossibilite du projet mais permet egalement une ouverture vers l'inconnu, mieux encore, vers l'inconnaissable. Il ne faut pas oublier que le rire semble maitre de jeu ici, en permettant a Bataille une

retraite efficace et meme la transmutation des larmes en perles d'"ek-stase".

.i.Hegel; a cru pouvoir resorber l'angoisse dans l'edification de son systeme. Ce faisant il se retrouva confronte a une "inquietude" qui mettait en cause l'achevement de son entreprise. Hegel devint lui-meme angoisse par une reussite insensee... Le refus de l'angoisse dans l'impermeabilite du systeme faisant retour, le mauvais oeil de Bataille agit comme un coup bas hors des regles qu'Hegel nous avait imposees.

Hegel; a elabore son systeme pour echapper a l'angoisse; sa philosophie ne s'edifie que sur l'oubli de l'impossible revele dans l'angoisse et

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Si ce n'est au Savoir Absolu, a quoi .i.Hegel; est-il parvenu?

Peut-on seulement dissocier l'auteur de la Phenomenologie de l'esprit du lieu de son articulation? Avant tout, comment ce Savoir se

presente-t-il?

Le savoir absolu se donne en effet, comme le projet humain fondamental, total et universel(59).

La comprehension se confond au "lieu" (Savoir Absolu)(60) qui le permet: topos d'une conscience maitresse d'elle-meme, capacite de savoir que l'on possede toutes les qualites de se reconnaitre comme le lieu de la rencontre avec l'Absolu (lieu d'ou l'oeuvre peut etre comprise dans sa totalite). Mais tout ceci demeure en dehors de l'entendement (au sens cartesien). En effet, si le Savoir Absolu s'avere la connaissance qu'il a de lui-meme, comment la pensee pourrait-elle esperer rendre compte de ce a quoi elle n'a pas acces? Le discours acheve et total constitue un

savoir identique a l'etre absolu, non-accessible ultimement a

l'entendement humain puisqu'il transcende son experience... Connaissance hyper-humaine ou trop humaine alors?

Il n'y a pas d'aboutissement, de repos chez Bataille. Le sujet se suspend au cauchemar d'une nuit perpetuelle. Au Savoir Absolu de .i.Hegel;, Bataille oppose la nuit perpetuelle du non-savoir. L'oeil ferme voit son obscurite, mieux, il la desire. Depuis l'abandon total au mouvement de la consumation et de la perte, ce mouvement n'a ni origine, ni fin. Tout comme la renonciation et la danse nietzscheenne,

l'impossible parle par-dessus les ruines du cadavre...

En somme, Bataille montre comment le projet de .i.Hegel; echoue. L'experience s'avere irreductible au concept et l'humain ne peut se reduire a un projet d'ailleurs impuissant a vraiment englober

synthetiquement l'existence humaine. La philosophie hegelienne demeure impuissante a temoigner de ce qui est. Qu'est-ce qui fait que je sais ce que je sais? Comment ce que je sais peut-il encore poser probleme si la Philosophie ainsi que l'Histoire se trouvent achevees? Cette reponse ne peut etre prevue par le mouvement de totalisation sans le mettre lui-meme en cause: en effet, pourquoi un tel savoir permettrait-il d'entretenir

chez moi les limites de ma propre condition?

Ceci nous amene a questionner le Savoir Absolu. Peut-on croire qu'il consisterait uniquement en une abstraction sur l'essentiel,

c'est-a-dire en un prelevement du contenu de l'experience dans le but de fonder une "connaissance synthetique" qui refuse la subjectivite et l'experience(61)? Ce n'est sans doute pas sans raison que la lecture biographique du concept de .i.Hegel; par Bataille (en cela il reprend .i.Queneau;) portera ses fruits. N'est-ce pas intolerable, en effet, que de devoir s'astreindre a une negativite qui ne montre pas ses fruits. Bataille joue son existence contre la theorie, l'eleve turbulent du conferencier de l'E.P.H.E. a reussi a faire amender, a nouveau, la reflexion de .i.Kojeve; sur la negativite en periode de fin de l'Histoire.

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assignations. Elle s'appuie sur la tache aveugle ou tout se confond parce que les limites sont dissoutes en meme temps que le systeme se fissure, que quelque chose en lui fait rupture, de telle sorte qu'il ne peut pas plus s'enoncer que s'apercevoir. Points non resolus (et ab-solus) dans le systeme, les choix, les partages ne tiennent plus, ils sont depasses, mais aussi absorbes par le rire et par la noirceur. Il n'y a que le vent qui souffle a travers les trous d'un savoir speculaire.

2-Symphonie en rire majeur

L'impossible n'est pas une verite de Silene (Silene condamne a un impossible non; Bataille a un impossible oui); c'est une verite

dionysiaque, "une verite de bacchante": une verite de yeux brles(63).

.i.Nietzsche; restera probablement le seul penseur qui

accompagnera Bataille toute sa vie. Bataille le defendra et contribuera grandement a demystifier .i.Nietzsche;. Cette influence revendiquee par Bataille trouve son paroxysme dans un esprit de communaute qu'il tente de partager avec le philosophe allemand. Cette communaute de pensee devoile cependant des differences importantes qui supposent chez Bataille une comprehension particuliere de .i.Nietzsche;. La question qui se pose a nous n'est pas tant de presenter le rapport qui existe entre les deux auteurs(64), mais bien plutot d'essayer d'illustrer les distorsions dans la comprehension qu'a Bataille du texte nietzscheen ainsi que les critiques qu'il formule a son endroit. Il sera alors interessant de voir si Bataille poursuit Nietzsche sans le deformer et, donc dans une communaute reelle, si ses efforts enrichissent la lecture que nous pourrions maintenant faire de l'auteur d'Ainsi parlait Zarathoustra(65).

2.1 A la decouverte du rire

Point de glissement vertigineux a l'interieur duquel il semble

impossible de se maintenir sans prendre le risque de basculer soi-meme, le rire est insaisissable. Mais que fait-il et quel est son but? Le rire allie la finesse de la pensee a la volupte de l'emotion. Et parce qu'il propulse l'etre dans la communication, il dissout les disparites qui s'opposent a sa realisation. De plus, le rire supprime l'angoisse mais pourtant, nous dit Bataille, il n'en a pas d'autre source.

La decouverte du rire amorce une conversion que confirmera la rencontre avec .i.Nietzsche;. C'est d'abord probablement a travers .i.Bergson; que Bataille decouvre le rire, a savoir non pas comme

l'appreciation d'un monde, mais plutot comme une incontenance, un exces et une ouverture aux possibles dans une approche critique de

l'experience. Ce rire emane d'un malaise, il n'est pas le rire ironique de la reflexion:

(...) mais il est certain qu'a partir du moment ou je me suis pose la possibilite de descendre aussi loin que possible dans le domaine du rire, j'ai ressenti comme un premier effet tout ce que le dogme m'apportait comme emporte par une espece de maree diluviale qui le decomposait(66).

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la pensee, car il conserve toujours une part d'angoisse qui rend infini le mouvement tragique de ses transformations; l'impossible se relance dans et par l'aveu de son risible echec. .i. Nietzsche; represente pour Bataille le defi de l'existence, du rire et de la chance a l'egard du

systeme. En se maintenant dans un entre-deux, ou plutot entre eux, entre .i.Hegel; et .i.Nietzsche,; et en essayant de se trouver dans une telle oscillation, Bataille se met entre parentheses et joue de cette souverainete qui marque le rire majeur.

2.2 La Revendication d'une communaute de pensee

Il me semble aujourd'hui devoir dire: ceux qui le lisent ou l'admirent le bafouent (il le sut, il le dit). Sauf moi? Mais tenter, comme il

demandait, de le suivre est s'abandonner a la meme epreuve, au meme egarement que lui(67).

L'ecriture sur .i.Nietzsche; ou plutot avec Nietzsche chez

Bataille, repond a un souci de presenter son oeuvre et la defendre, du moins la soustraire a des vues etrangeres a son propos, et surtout de vivre avec Nietzsche une communaute de pensee que le Sur Nietzsche represente bien: "Ma vie, en compagnie de .i.Nietzsche;, est une communaute, mon livre est cette communaute"(68).

Cette strategie qui entremele les discours philosophiques et biographiques(69), a pour nous le merite d'etre authentique. "Seule la chance peut me guider"(70), nous dit Bataille. Cette chance n'est-elle pas liee egalement a une affirmation absolue tant chez .i.Nietzsche; que chez Bataille? Bataille semble partir a la recherche de "son Nietzsche":

Peut-etre y a-t-il un exces d'orgueil a le dire, mais je continue a penser que l'on n'atteint pas plus le sens de la pensee et l'experience de Nietzsche que, si l'on veut, celui de la pensee et de l'experience chretienne: dans l'un et l'autre cas, il s'agit d'un tout ou rien(71).

Aussi s'avere-t-il interessant d'essayer de prendre au mot Bataille et de le lire comme il le desire implicitement, c'est-a-dire comme s'il etait .i.Nietzsche;(72). A quelques nuances pres, nous

assistons a la meme horreur et au meme sentiment d'aneantissement, car Bataille porte egalement la fievre d'une inconditionnelle aspiration sans objet: "J'ai tente de tirer de moi les consequences d'une doctrine lucide qui m'attirait comme la lumiere: j'ai recolte l'angoisse et l'impression le plus souvent de succomber"(73).

L'aspiration semble donc nietzscheenne, du moins, reconduit-elle Bataille a lui-meme, mais le langage de l'experience bataillienne est icarien, voire sacrificiel(74). S'il ajoute quelque chose a .i.Nietzsche, c'est dans une tentative d'incarner ce que .i.Nietzsche; annoncait par-dela le mal. Bataille sait aussi que le destin n'a pas d'ailes et qu'il devra vendre son compagnon et tenter sa chance pour retrouver la noirceur d'une nuit pascalienne...(75)

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difference toutefois que ce dernier voit en l'absence de Dieu la marque de sa presence, tandis que Bataille ne veut rien y voir du tout.

Neanmoins Bataille se rapproche plus de Pascal sur ce point que de Nietzsche (a moins que son .i.Nietzsche; ne soit pascalien?). En effet, la nuit interesse autant Bataille que le midi interesse Nietzsche, nuit de .i.Saint-Jean de la Croix;, mais surtout d'.i.Angele de Foligno;, si proche de celle d'Edwarda.

Bataille integre .i.Nietzsche; a son anthropologie de la

communication. La communication se realise au sommet dans un mal qui rassemble les hommes. Chez Bataille, seul l'etre de la blessure est apte a la communication, ce qui constitue le tragique d'Eros, c'est-a-dire les conditions egalement d'une mise en jeu au sommet qui le suspend au-dessus du neant, dans la communication.

Bataille souhaitait pouvoir resoudre le "probleme intime" de la morale(76); il n'est pas etonnant alors que .i.Nietzsche; soit identifie a ce qui assure l'emergence de la communication, au mal et surtout a la valeur operative du mal(77) qui est l'expression concrete de la liberte. Il faut cependant aller plus loin et considerer que les conditions objectives designent uniquement la possibilite d'une communication. Il faut assurer cette communication, et pour cela, il faut desirer le mal: "C'est en ruinant en moi-meme, en autrui, l'integrite de l'etre, que je m'ouvre a la communication, que j'accede au sommet moral"(78).

Cette communaute d'esprit avec .i.Nietzsche; fournira a Bataille l'occasion de resoudre ce qu'il appelle le probleme intime de la morale. En ajoutant le sacrifice de l'homme entier au sujet de l'Experience Interieure, comme nous le verrons plus loin, Bataille avance une formidable intuition qui le fait passer au rire majeur. Il sacrifie la suffisance de l'homme entier, renverse et puis radicalise l'idee de l'eternel retour en lui substituant la valeur du moment, la fulgurance de l'instant.

Tout ceci suppose egalement que cette communaute ouvre sur des divergences entre les deux auteurs, ou du moins une comprehension particuliere de Nietzsche chez Bataille. Ces differences, qui procedent souvent d'une interpretation particuliere de .i.Nietzsche,; ne manqueront pas de fournir a Bataille les motifs d'une critique de la pensee

nietzscheenne.

2.3 L'homme souverain n'est pas l'homme entier...

Bataille n'a pas que protege .i.Nietzsche; des detournements que l'on fit prendre a son oeuvre et s'il l'a fait, ce n'etait pas uniquement de facon desinteressee, bien au contraire. La pensee bataillienne, que l'on confond souvent a tort avec celle de .i.Nietzsche;, s'avere pourtant redevable au philosophe allemand.

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monde qu'elle sous-tend, expriment l'ideal d'une adequation entre l'esprit et la nature-artiste, conception d'un tragique hellenistique

dont Bataille ne semblera retenir que la dissolution des formes. Un autre point essentiel ou apparaissent des differences concerne l'homme entier. Point important puisque pour Bataille, il constitue l'objet de son livre Sur Nietzsche, et plus encore pour nous, car si Bataille avance quelque chose d'original sur .i.Nietzsche;, c'est bien ici: "Le probleme

essentiel agite dans ce livre desordonne (qui devait l'etre) est celui que .i.Nietzsche; a vecu, que son oeuvre tendit a resoudre: celui de l'homme entier"(80).

Qu'avance Bataille ici? Ajoute-t-il quelque chose de substantiel a la pensee de .i.Nietzsche;? Si oui, la pensee de Nietzsche en sort-elle intacte? Pour Bataille, l'idee de l'homme entier, parce qu'elle implique celle du sur-homme, connote une sur-determination etrangere a l'experience qu'il se propose de sacrifier en remplacant l'homme entier par l'homme souverain, c'est-a-dire l'homme de l'Experience Interieure.

Il faut comprendre que Bataille croit que l'echec de

.i.Nietzsche; procede en partie de la fermeture a la fin du sur-homme sur son rire, alors que c'est de celui-ci, pour Bataille, que devrait naitre l'ouverture. En jouant l'homme souverain contre l'homme entier, Bataille exprime peut-etre enfin son desir: reussir la ou Nietzsche lui semble avoir echoue... Bataille se proposerait ainsi non seulement de proteger .i.Nietzsche; du fascisme et au besoin lui faire reparation, mais surtout de ne pas faire les memes erreurs que lui. L'homme de la fin de l'Histoire sera l'homme souverain. Pelerinage etrange qui consistera a radicaliser l'idee d'eternel retour afin d'y evacuer a la fois la

dimension tragique pour la remplacer par le lyrisme, mais aussi y adjoindre l'idee du sacrifice. L'homme n'a plus a reconquerir une sorte d'innocence dans le devenir car l'homme souverain s'immole dans un present riche de sa dilapidation...(81)

Aussi l'idee de destin n'a-t-elle aucun sens, si ce n'est comme desir de mort. De plus, le caractere electif de l'homme souverain peut-il s'apparenter a l'aristocratie naturelle de l'homme entier? Certes pas, puisque l'homme souverain, contrairement a l'homme entier, depend d'autant plus des autres que son rire ne traduit pas chez lui sa superiorite mais le confine plutot au lyrisme. Il lui est alors

impossible de realiser son caractere electif. Bataille se trouve a etre au service du bourreau, s'il en est la victime... En definitive, du long cortege du dieu antique, Bataille n'a aime que la passion, le

demembrement de Dionysos.

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File spoon-archives/bataille.archive/bataille_1996/96-03-31.220, message 139

Date: Thu, 10 Aug 1995 01:09:04 -0400 (EDT) From: DRAGON JEAN <d360544-AT-er.uqam.ca> Subject: Bataille, between DJ and the C.: Part 3

Part 3:

Entre le Savoir Absolu et le Gai Savoir.

* * * *

Copyright (c) 1995 by Jean Dragon, all rights reserved. This text maybe used and shared in accordance with the fair-use provisions of

U.S.copyright law, and it may be archived and redistributed in electronic form,provided that the editors are notified and no fee is charged for access. Archiving, redistribution, or republication of this text on other terms, inany medium, requires the consent of the author and the notification of the publisher: Universite du Quebec a Montreal. * * * *

L'extreme du tragique s'abime sur les dents du rire. Curieux tout de meme que le suicide des concepts et la mort de la pensee se font chez chacun a l'image des conditions de leur mort, sur la place publique avec .i.Nietzsche; et dans la plus stricte intimite chez Bataille. Ceci

tranche avec leur caractere respectif quand on sait que l'isolement s'exprime chez Nietzsche alors que la communaute se traduit chez Bataille. La mort se fait publique chez le guerrier, mais ou se trouve le corps de l'apprenti-sorcier...(82)? En fait, ce propos autour de la place publique et de l'intimite marque une difference supplementaire entre Bataille et .i.Nietzsche; que Maurice .i.Blanchot; exprime comme suit:

(...) mais il y eut une grande difference entre Bataille et

.i.Nietzsche;. Nietzsche eut un desir ardent d'etre entendu, mais aussi la certitude parfois orgueilleuse de porter en lui une verite trop

dangereuse et superieure pour pouvoir etre accueillie. Pour Bataille, l'amitie fait partie de l'"operation souveraine"; ce n'est pas par

legerete que Le coupable porte en premier lieu ce sous-titre, L'amitie ; l'amitie, il est vrai, se definit mal: amitie pour soi-meme jusque dans la dissolution; amitie de l'un a l'autre, comme passage et comme affirmation d'une continuite a partir de la necessaire discontinuite(83).

Pour Bataille, la faiblesse chez .i.Nietzsche; se trouve dans le maintien du mouvement qui ne sacrifie pas le caractere tragique et la suffisance du devenir. Cette faiblesse apparait dans l'absence de jeu, car la danse n'est pas un jeu chez .i.Nietzsche; mais la celebration d'un aneantissement des formes. Le jeu constitue une fin sans but veritable et sans fin, une eternite presente, et non un retour du meme. Le sommet se trouve egalement dans le jeu chez Bataille(84): "La faiblesse de

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Bataille considere que .i.Nietzsche; n'a pas renonce assez

radicalement aux formes vulgaires de la transcendance. Le rire de l'homme entier attachait .i.Nietzsche; a l'autre, au service de la destinee(86).

Nietzsche eut-il encore trop de compassion pour les humains? Pour Bataille, Nietzsche n'a pas tendu assez aux exigences d'un mal irreductible. L'acces au sommet ne peut se faire uniquement dans l'innocence(87), mais bien dans l'integrite du mal, ce sacre de la

transgression qui nous amene a realiser le gain d'une perte fulgurante en une sorte de plus-value improductive. Bataille ne dit-il pas d'ailleurs que "le sommet est le lieu ou la vie est impossible"(88)?

Ici plusieurs questions subsistent, dont une plus

particulierement: Bataille a-t-il vraiment prolonge .i.Nietzsche;? Sa comprehension chretienne de .i.Nietzsche;, selon nous, ne le laisse pas supposer. .i.Nietzsche; supprime toute idee d'un dualisme. Ce que Bataille reintroduit sous la forme de la morale chretienne, bien

qu'entendue ici comme exercice preliminaire a la disparition de la pensee elle-meme, consiste en une pensee de l'absence qui est ontologie du jeu et du rire tels le non-savoir et l'atheologie. Si Bataille prolonge

.i.Nietzsche; ce sera dans le sacrifice de toute sur-determination du mythe et dans le sacrifice de la suffisance de l'homme entier. Mais Bataille pouvait-il depasser .i.Nietzsche; sans echapper a sa condition de commentateur? En agissant en communaute fictive de pensee, car impossible, Bataille; ne repond qu'a lui-meme et aux preoccupations de son epoque. Meme s'il essaie d'emprunter son destin a .i.Nietzsche;, il ne peut que lui sur-ajouter le sien. Ce faisant, Bataille lui substitue du meme coup une interrogation qui ne s'avere plus forcement celle de Nietzsche. De plus, entrevoir en .i.Nietzsche; le philosophe du mal ne semble representer qu'une piece de plus a la pensee bataillienne plutot que la reelle traduction de Nietzsche. Cette facon d'utiliser les propos de Nietzsche ne manque pas de marquer le deplacement des enjeux de la problematique nietzscheenne vers ceux dirions-nous d'une morale encore plus idiosyncrasique... .i.Nietzsche; savait que sa philosophie etait une critique cinglante d'un processus beaucoup plus vaste que le simple christianisme.

3- Entre le commandeur et Don Juan(89)

Il y avait une certaine incompatibilite entre son hegelianisme et ce qu'il appelait la chance. La reside cette ambigute du langage de Bataille(90).

Nous l'avons vu precedemment, la pensee de Bataille se trouve marquee par deux figures majeures, celle de .i.Hegel; et celle de .i.Nietzsche;. Deux figures constitutives d'une philosophie dont le

paradoxe, l'impossible pour certains, se comprend mieux dans le mouvement de va-et-vient entre .i.Hegel; et .i.Nietzsche;, ou entre le Savoir

Absolu et le Gai Savoir. Bataille ne dira-t-il pas d'ailleurs: "Il m'est impossible aujourd'hui de n'etre, entre deux points, qu'un trait d'union, qu'un saut, qui lui-meme, un instant ne repose sur rien..."(91).

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fermeture alors que .i.Nietzsche; la sape et y met le feu.

Une articulation du dispositif de l'interdit et de la

transgression sur le couple .i.Hegel;/.i.Nietzsche; se revele etre une fiction, mais cette fiction implicite a l'oeuvre philosophique s'avere constitutive d'une position philosophique precise qui alterne entre ces deux auteurs. Fiction aussi parce que le rapport a chacun des auteurs obeit chez Bataille a deux discours differents qui repondent, nous le verrons, au jeu d'une attitude qu'il retiendra derriere la theorie,

participant en quelque sorte des motivations intrinseques a sa pratique de la philosophie. De fait, Bataille n'a jamais articule explicitement ces discours, si ce n'est d'infirmer qu'il rit du serieux de l'auteur de la Phenomenologie avec les yeux enuclees de l'auteur d'Ainsi parlait Zarathoustra. Cependant, la reflexion bataillienne autour de ces auteurs repond a des exigences particulieres qui revelent une ambition chez Bataille, du moins, des presupposes a la fois philosophiques et idiosyncrasiques. Autrement dit, Bataille n'est ni l'un (.i.Hegel;), ni l'autre (.i.Nietzsche;) mais represente le mouvement d'une oscillation ludique entre le dispositif qui nous preoccupe et l'espace particulier que tout auteur trace entre le discours et les motivations personnelles qui le rendent possible, voire impossible dans le cas de Bataille.

Hegel; crut devenir fou, .i.Nietzsche; le devint reellement... Quelle portee cette folie peut-elle avoir dans le travail de Bataille sur

Hegel a lumiere de la comprehension prealable de Nietzsche? Bataille nous dit qu'il s'agissait pour lui d'ajouter une sorte d'"equivalence de la

folie" dans le systeme hegelien: "Il s'agit de placer a la base meme (ou a la fin) de la reflexion hegelienne une equivalence de la folie"(92).

Du meme coup, quelle signification recele cette affirmation si ce n'est que cette equivalence de la folie, que Bataille tente de placer dans le systeme hegelien, se revele etre celle qu'il retrouve chez .i.Nietzsche;, d'autant plus et mieux que celui-ci semble deja inscrit dans l'alea d'.i.Hegel; sous la forme de son refoule, ou plutot de sa tache aveugle(93)? Ici, nous l'avons vu, le Savoir Absolu se condense dans son point ultime pour verser dans le rien (silence ou non-savoir) sous l'action d'une discursivite qui ne veut pas le reprendre mais l'aneantir. L'edifice semble s'ecrouler puisque nous n'assistons plus a

une meconnaissance du connu mais a une reconnaissance de l'inconnu. Sous l'effet d'une pensee evanescente et gaie, la discursivite se maintient

devant l'inconnaissable en endiguant la possibilite d'une reconstitution du savoir avec ses ruines.

Le lien entre .i.Hegel; et .i.Nietzsche; se situe dans le jeu, du moins la mise en jeu du Savoir Absolu par le Gai Savoir, le fait verser dans le non-savoir: "De Hegel a Nietzsche, le relais consiste donc dans le jeu, ou bien, ce qui revient au meme pour Bataille, dans la chance"(94).

Cette mise en question du systeme hegelien s'effectue dans une mise hors jeu du projet qui caracterise le proces de la connaissance synthetique. D'une certaine maniere, parler de jeu pour caracteriser le rapport entre .i.Hegel; et .i.Nietzsche;, rapport constitutif d'une

pratique de la philosophie nous amene a le considerer non seulement comme une critique de Hegel, mais aussi comme une facon de le depasser sans jamais l'aneantir. N'est-ce pas ce que fait aussi la transgression

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Cette maniere d'articuler .i.Hegel; a l'interdit et .i.Nietzsche; a la transgression s'eclaire mieux encore si on considere qu'.i.Hegel; est un penseur de la mesure et que la philosophie de .i.Nietzsche; fait le sacrifice des notions hegeliennes en rendant possible une experience ouverte, comme chez Bataille ou l'identite entre le sujet et l'objet

s'efface pour laisser place a une absence d'objet entierement tournee vers un impossible avenir. Revenons toutefois a chaque auteur afin de montrer en quoi ceux-ci se distinguent dans les ecrits de Bataille. Ceci nous permettra de jeter un nouvel eclairage sur la pensee de Bataille, et plus particulierement sur ses rapports a la philosophie.

Les ecrits batailliens sur Hegel, contrairement aux textes "avec" Nietzsche, semblent surtout marques sur le plan du signifie. En effet, ils appellent la presence de Hegel, car Bataille en parle, a la suite de .i.Kojeve;, pour le faire connaitre(95). La connaissance des ecrits de .i.Nietzsche; parait, au contraire, faire souffrir Bataille(96) et, s'il en parle, ce sera dans le but de rectifier certains malentendus dont .i.Nietzsche; aurait souvent fait l'objet. Bataille sait combien l'oeuvre de .i.Nietzsche; apres sa mort fut trafiquee:

La trahison des proches de Nietzsche n'a pas la consequence brutale de celle de Judas mais elle resume et acheve de rendre intolerable

l'ensemble des trahisons qui deforment l'enseignement de Nietzsche (qui le mettent a la mesure des visees plus courtes de la fievre actuelle)(97).

Denis .i.Hollier; va plus loin en affirmant que Bataille veut faire connaitre .i.Hegel; dans la foulee de .i.Kojeve; mais que sa connaissance et son envie de Nietzsche "occultent"(98) la pensee de Nietzsche. Si Bataille ecrit sur Hegel d'un point de vue exterieur, il parle de .i.Nietzsche;, au contraire, d'un point de vue immanent et de maniere, ultimement, a exprimer sa propre parole: "Parler avec dans Nietzsche, faire parler Nietzsche dans son propre discours dont l'enjeu est alors de devenir celui de Nietzsche"(99).

Parler de .i.Hegel;, parler avec Nietzsche, parler de Hegel avec Nietzsche, autorise une certaine critique sur Hegel et exige une adhesion evidente a Nietzsche. N'est-ce pas la seule facon authentique de rendre compte de .i.Nietzsche;? Ce n'est pas sans raison alors que Sur

.i.Nietzsche; constitue le pendant absent de L'Experience Interieure. Beaucoup de phrases de .i.Nietzsche; presentes dans le texte bataillien ne sont pas commentees mais plutot integrees; ce qui nous porte d'autant plus a croire que L'Experience Interieure s'avererait en quelque sorte l'experience de Nietzsche pour Bataille. Que dire egalement enfin du

Memorandum(100) ou cette communaute d'identification porte a son comble la reflexion de .i.Nietzsche,; a un point tel que Baaille s'efface

completement pour laisser la parole a Nietzsche(101)?

Cette communaute implicite s'etablit a l'interieur du texte bataillien comme une absence alternative. Plus Bataille y est, moins Nietzsche semble present; plus Nietzsche semble present, moins Bataille y est. Bataille ne pense-t-il plus alors par lui-meme, sa fascination pour Nietzsche l'empeche-t-elle de penser? Au contraire, parce qu'.i.Hegel; demeurera incontournable, il lui donnera par la meme occasion la possibilite de developper sa propre pensee.

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enuclees de Nietzsche, nous avons essentiellement souligne l'hypothese qui consiste a considerer le rapport theorique entre Hegel et

.i.Nietzsche;, entre le Savoir Absolu et le Gai Savoir (constitutif du non-savoir) comme participant de la transgression de l'interdit, ou plus precisement laisser a entendre que Bataille se sert de Nietzsche pour depasser .i.Hegel;, ce dernier faisant office d'interdit et Nietzsche de figure transgressive. En rester a cette hypothese confinerait notre

propos qu'a une pure transposition symbolique des rapports qu'entretient Bataille a Hegel et a Nietzsche dans le dispositif de la limite et de la

transgression. L'analyse de ce rapport ambigu denote beaucoup plus que la seule production d'un non-savoir, elle nous renseigne sur le mouvement meme de balancier du dispositif de la limite et de la transgression entre .i.Hegel; et .i.Nietzsche chez Bataille;.

Deux discours mais une attitude aussi dont Bataille ne parle jamais (il n'est pas tenu de le faire) et qui participe, en quelque sorte, aux motivations intrinseques derriere la pratique bataillienne de la philosophie. C'est un regard indiscret qu'il nous faut poser ici. En effet, la lecture symptomatique que nous avons effectuee de .i.Hegel; et de .i.Nietzsche; nous apprend que Bataille s'efface devant Nietzsche mais que Hegel lui permet d'exprimer une pensee, de s'"afficher". N'est-ce pas une facon detournee d'affirmer qu'il se produit, dans l'unite subjective de sa pratique, une inversion du sens que Bataille donne a ses

allegeances philosophiques? Une sorte de retour du refoule ou Hegel ne fait non plus figure d'interdit mais de transgression, dans la mesure ou il permet a Bataille d'avancer une pensee originale, et ou Nietzsche devient l'interdit parce qu'il en obscurcit l'espoir? Aussi, parce que ce dispositif ne touche plus a la connaissance synthetique mais nous renseigne plutot sur les motivations d'une pratique, nous ne devrions plus en designer les termes par l'interdit et la transgression, mais bien plutot par des adjuvants non-synthetiques tels que le commandeur et Don Juan par exemple.

Nous assisterions ainsi a un double mouvement qui aurait son

origine dans une connaissance non-synthetique assignant respectivement a Nietzsche une figure d'interdit et a .i.Hegel; une figure transgressive,

et qui se terminerait au niveau discursif dans une inversion de termes ou .i.Hegel; ferait maintenant figure d'interdit et .i.Nietzsche; de

transgression. N'est-ce pas ce que fait Bataille lorsqu'il parle de se tenir en un point impossible ou il tente de faire cohabiter deux poles qui ne peuvent s'articuler logiquement si ce n'est en se jouant de la discursivite et, ultimement, de lui-meme, de telle sorte que cette mise en jeu se trouve etre a la source meme du mouvement de balancier de ces poles opposes d'ou emerge une connaissance impossible, le non-savoir?

Jean Dragon, aout 1993 UQAM

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File spoon-archives/bataille.archive/bataille_1996/96-03-31.220, message 140

Date: Thu, 10 Aug 1995 01:24:21 -0400 (EDT) From: DRAGON JEAN <d360544-AT-er.uqam.ca> Subject: Bataille, between DJ and the C: Part 4

Part 4:

Entre le Savoir Absolu et le Gai Savoir.

* * * *

Copyright (c) 1995 by Jean Dragon, all rights reserved. This text maybe used and shared in accordance with the fair-use provisions of

U.S.copyright law, and it may be archived and redistributed in electronic form,provided that the editors are notified and no fee is charged for access. Archiving, redistribution, or republication of this text on other terms, inany medium, requires the consent of the author and the notification of the publisher: Universite du Quebec a Montreal. * * * *

NOTES:

**It is possible that the notes on main text don't exactly correspond the notation of the notes... Be careful to link them correctly.** J.D. 10-8-95

1-Sasso,Le Systeme du non-savoir, Paris, Minuit, 1978, p. 20. 2-Parce qu'il nous apparaissait plus important ici de privilegier les liens conceptuels que d'exposer ce qui s'avere d'ordre biographique, le titre de ce texte symbolise theoriquement le lien de l'interdit a la

transgression, mais inverse cependant l'ordre chronologique de la rencontre par Bataille de chacun des deux auteurs.

3-Hegel, conclusion de la Phenomenologie de l'esprit (trad. par Jean Hyppolite), Paris, Aubier-Montaigne, 1939-41, 2 vol.

4-Bataille, L'Experience interieure , Paris, Gallimard, 1954, p. 169. 5-Bataille, O.C. 10, p. 659.

6-"(... ) eprouvant progressivement le paradoxe d'etre plus proche de l'ennemi a mesure que le combat devenait plus apre" (Bruno Karsenti, "Bataille anti-hegelien?",Le Magazine Litteraire, #293, nov. 91, p. 54). 7-Surya, La Mort a l'oeuvre, Paris, Gallimard, 1992, p. 198. A cette citation, on ajoutera la suivante, tiree de la biographie de Dominique Auffret sur Alexandre Kojeve: "En saluant Hegel, Bataille salue en meme temps Kojeve; desormais, la presentation du sage hegelien sera une figure obligee de l'oeuvre de Bataille, au meme titre que la pensee retrouvee de Hegel" (Dominique Auffret, Alexandre Kojeve, La philosophie, l'etat, la fin de l'histoire, Paris, Grasset, 1990, p.360).

8-"Ce sont la contingence du depart de Koyre pour l'Universite du Caire et sa proposition faite a Kojeve d'assurer, en son absence, sa

suppleance, qui l'invitent a reprendre, jusqu'a l'illumination, sa

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remarquables: Bataille, Lacan, Aron, Queneau, Merleau-Ponty, Weil, etc. 9-Besnier, La Politique de l'impossible, Paris, La Decouverte, 1988, p. 81. 10-Pour marquer l'importance decisive de Kojeve dans l'oeuvre de Bataille, et plus particulierement celle du desir dans la lecture

kojevienne de Hegel, nous avons juge opportun de presenter un extrait de son Introduction a la lecture de Hegel (Paris, Gallimard, 1968 (1947)), extrait utilise comme exergue dans La Part maudite (O.C.7, p. 282, Theorie de la Religion): "Par consequent, la realite humaine ne peut se constituer et se maintenir qu'a l'interieur d'une realite biologique, d'une vie animale. Mais si le desir animal est la condition necessaire de la conscience de soi, il n'en est pas la condition suffisante".

11-Le refus du mepris de soi donne a la pensee de Kojeve et surtout a sa conception de l'action, des accents nietzscheens. Pas etonnant alors que Bataille se trouve seduit et puisse egalement y apercevoir la

possibilite d'articuler la decouverte qu'il fit dix ans plus tot, celle de Nietzsche. Nous y reviendrons.

12-"Si l'action, le faire, est la negativite, alors la negativite qui n'a plus rien a faire se trouve sans emploi et que de ce seul fait constitue une refutation du systeme ferme de Hegel, si Hegel ne l'a pas situe aux termes du processus historique qu'il decrit: ma vie a elle seule, devient une refutation de Hegel": note extraite d'une lettre envoyee par Bataille a Kojeve le 2 juin 1961 (Surya, op. cit., p. 199). Cette reflexion etait deja amorcee 24 ans plus tot dans une lettre que Bataille fit parvenir a Kojeve, lettre datee du 6 decembre 1937 citee dans les O.C. 5, pp. 369-371 et dont le brouillon figure dans le meme livre aux pages 562-63. Besnier parle de cette lettre a la page 75 de son livre, La Politique de l'impossible, l'intellectuel entre revolte et engagement, op. cit.,

Hollier en parle aussi aux pages 170 a 177 de La Prise de la concorde, (Paris, Gallimard). Enfin, Surya en parle egalement aux pages 522-523 de l'edition Seguier (1987) dans sa biographie sur Bataille, Georges

Bataille, la mort a l'oeuvre, op. cit..

13-"Compare a l'attitude de Kojeve en 1919 face a la Revolution russe, le texte du commentaire de Hegel de 1936 montre une problematique qui lui est propre en ce qu'elle se rattache a son histoire vecue. Mais si la pensee de 1936 eclaire retrospectivement, il ne faudra pas oublier, lorsque nous aborderons la periode ou il commente Hegel, que l'attitude de 1919-1920 est un element essentiel pour mieux comprendre le rapport de Kojeve a Hegel entre 1933 et 1939" (Auffret, Alexandre Kojeve, Paris, Grasset, 1990, p. 76).

14-Surya, op. cit., p. 231, extrait tire d'un entretien avec G. Lapouge, 1968, La Quinzaine litteraire. Nous nous devons egalement de preciser que la conception tragique de l'histoire chez Kojeve se revele bien

anterieure a sa rencontre avec Koyre, comme le souligne la citation suivante: "Avant 1917, a 14 ans, Kojeve commence son journal philosophique, sorte de chronique de ses reflexions intimes. S'y revele d'abord une conception qui nous a semble tragique de l'histoire" (Auffret, op cit., p. 18). Le theme de la fin de l'histoire, lieu commun de la theologie russe, est a la croisee chez Kojeve des differentes

etapes de sa vie melees a ses recherches philosophiques: "Le discours de la fin de l'histoire fut le resultat fulgurant d'une dialectique

permanente entre les moments de la vie de Kojeve, chargee de densite de l'histoire, et les differentes phases d'une recherche entreprise des

l'age de 14 ou 15 ans" (ibid., p. 18).

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