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Cette section discute les notions de genre et de féminisme en relation avec celle de la globalisation. Le but est d’établir que la globalisation a des effets sur la notion du genre.

Dans le roman Mes hommes à moi de Ken Bugul, le thème de la globalisation lié à la migration est aussi manifeste. Une analyse du roman montre que la globalisation a des effets sur la migration et la question du genre. D’après Lacombe, Marteu, Jarry-Omarova et Frotiée (2007, 7), « “le genre" est devenu une catégorie globale d'intervention publique ». Tout d’abord Dior, le personnage principal du roman, est une Sénégalaise qui au moment du récit se trouve en France où elle avait immigré. L’histoire se passe dans un café parisien que la narratrice-personnage appelle affectueusement Chez Max après l'un des barmen de qui elle se sent très proche. Mes hommes à moi est un roman qui raconte la vie de Dior depuis sa naissance au Sénégal, à travers son adolescence et jusqu’à sa vie adulte. Mais en plus d’être un récit de la vie de Dior, le roman s’avère être un manuscrit non seulement autobiographique, mais aussi politique et socio-culturel. Le roman est non seulement une réflexion sur le statut sociologique des femmes, mais aussi sur leurs relations avec d'autres personnes, qu'ils soient hommes ou femmes. Tout au long de ses conversations Chez Max, Dior désavoue toujours la perspective que juste parce qu'elle est Sénégalaise, alors elle est une femme africaine homogénéisée. Cela va aussi pour le continent africain, envers laquelle selon Dior, les Européens manifestent une condescendance intrinsèque. Elle soutient que l'Afrique est un continent très hétérogène, avec un éventail de cultures qui ne peuvent pas être généralisées. Dior reproche aux Européens leurs préjugés sur l'Afrique, même s'ils ne visitent et ne connaissent qu'une petite partie du continent. Curiel (2002, 84) reconnaît le fait que :

Le racisme, le sexisme et le classisme [sic] constituent trois systèmes de domination qui ne s'excluent pas mutuellement.

L'analyse et la compréhension de leur articulation sont donc la base nécessaire de l’action politique visant à les combattre. En ce qui concerne les femmes noires, nous sommes nombreuses à bien connaître la manière dont ces

phénomènes s'expriment. Cependant, bien que beaucoup de militantes et de théoriciennes noires aient largement montré leur articulation dans la concrète des femmes, il faut plus que jamais continuer à en chercher indicateurs, de manière à démontrer la complexité de nos réalités.

Comme déjà souligné plus haut, Dior est une femme bien éduquée qui a tendance à comparer les hommes qu'elle rencontre avec son père et son frère. Ce sont les hommes du titre que la narratrice semble posséder aussi longtemps qu'elle en a besoin. Elle est une femme puissante et autonome vouée à se venger de ses hommes, non seulement en les choisissant, mais aussi en étant intellectuellement supérieure à eux dans les sociétés patriarcales sénégalaises et françaises. Dior voir des similitudes dans le traitement de la femme par les hommes avec les perceptions de l’Afrique aux yeux des Européens.

Dior est une femme avec des dispositions universelles et son universalisme est évident dans son choix de danse et musique. Par son choix de danse et de musique, Dior réjouit de son cosmopolitisme, qu’elle estime la différencie des autres similairement aux assertions de Bhabha (2007, 13-14). Tout au long du roman elle raconte comment elle aime danser et comment elle aime les différents types de musique. Elle dit par exemple, que :

Le tango me soulevait, me donnait des ailes avec lesquelles ma vie se transformait et je montais au ciel comme un poème de Pablo Neruda. S’il fallait faire un choix définitif sur toutes les musiques, ce serait le tango que je choisirais.

Mais je souhaiterais ne pas faire de choix, car j’aime l’opéra, le jazz, la musique classique, le RnB – surtout le regretté 2Pac, Le Rapp, Ali Farka Touré, Oumou Sangaré, la musique traditionnelle des Collines, du Mono, au Bénin, Barbara Hendricks ! Son interprétation de « We Shall Overcome » à Madrid, à la suite de l’allocution de Graça Machel, la superbe épouse de Nelson Mandela, et de toutes les autres femmes, un certain huit mars, m’avait éblouie ! (MHM)

Son choix de danse et de musique, tout au début du roman, dévoile la personnalité de Dior en tant que femme bien instruite et éclairée. Elle révèle sa connaissance du monde culturel et politique. C’est un caractère qui lui permet de faire des jugements et de se positionner dans un monde globalisé où elle rencontre des défis en tant que femme africaine. C’est sa manière propre à ce que Habib, Théry, Mongin et Roman (2000, 9) décrivent comme « dénoncer des inégalités [entre genres] à la manière moderne ». Sa perception du monde permet à Dior d’interagir avec les hommes d’une manière que beaucoup de gens ne peuvent pas imaginer, surtout quand il s’agit d’une femme africaine. Ses rapports avec les hommes sont ceux des égaux, mais quand elle entre dans une relation intime avec un homme, c’est elle qui veut dominer l’homme.

Son éducation occidentale lui permet d’être à l’aise avec les hommes et de converser avec eux sur des sujets divers, même sur ceux qu’éviteraient d’autres femmes africaines de sa génération. Dior est une femme

confortable avec sa féminité et sa sexualité. Elle n’est pas gênée de discuter le sexe ouvertement, ce qui gêne beaucoup de femmes. Mais Dior est une femme moderne vivant dans un monde globalisé où l’échange d’informations et l’ouverture à autrui sont naturels. Elle admet par exemple, que : « Et ce matin pourtant, j’en avais ras le cul. Question de cul, parlons-en. Je n’ai jamais joui de toute ma vie. Que les hommes que j’ai connus m’en excusent. Oui ! Oui ! Oui ! J’ai fait semblant toute ma vie. J’ai joué à celle qui prenait son pied.

Que dalle ! Nul ! Zéro ! » (MHM 11). C’est un sujet tabou pour beaucoup de femmes, mais Dior est à l’aise de discuter sa sexualité. C’est une femme qui ne se méfie pas d’aborder une conversation avec des hommes, qu’ils soient Africains ou Européens, intellectuels ou non instruits. Ses pensées sur deux hommes qu’elle avait une fois rencontrés dans un bar justifient autant :

Je serais nerveusement ma tasse de thé refroidi depuis longtemps et imaginais ces deux hommes assis dans un bar en train de parler entre eux. La première fois que je les avais rencontrés tous les deux ensemble [sic], c’était dans un bar et depuis je n’arrivais pas à les imaginer ailleurs que dans un bar. Le jour de cette rencontre, ils avaient l’allure d’intellectuels du vingtième siècle, par la tenue vestimentaire. Pardessus ample, châle négligemment jeté au cou, lunettes rondes et épaisses pour l’un, chaussures confortables, cheveux pas vraiment peignés pour l’autre. Et ce matin je les imaginais dans les mêmes tenues (MHM 13).

En même temps, Dior est une femme qui est prête à se protéger et à se défendre contre les mauvaises avances des hommes. Elle se considère égale, ou même supérieure à quelques hommes et elle demande par ses attitudes d’être traitée d’une manière convenable. Elle est déçue par des postures des deux hommes face à elle :

Depuis que mes deux énergumènes d’intellectuels me connaissaient, de nom pour l’un, en tant que prédateur pour l’autre, ils avaient envie non pas de me faire l’amour, mais de me baiser. Faire l’amour c’est différent. Il y a du sentiment, une communion, un partage, je crois, je n’en sais rien. Eux, c’était baiser une femme. Baiser pour posséder, prouver, tester, goûter. Ils n’avaient rien à partager avec une femme. Et je ne m’en étais pas rendu compte jusqu’au jour où ce fut exprimé avec violence : « J’ai besoin de te baiser » (MHM 16).

Curiel (2002, 85) souligne que « la globalisation économique, politique et culturelle rend plus brutales encore les expressions du sexisme, du racisme et du classisme ». Dior est une femme intellectuelle et autonome qui ne se permet pas d’être abusée par les hommes pour la simple raison qu’elle est une femme. Elle a ses propres manigances dans ses relations avec des hommes car elle veut les dominer. De plus, Dior est une femme qui se considère différente des autres femmes. Elle est alors désenchantée car elle était traitée comme n’importe quelle femme par ces deux hommes :

Je fus profondément déçue et choquée quand j’appris qu’ils m’avaient traitée d’allumeuse. Déçue parce que je croyais qu’ils me prenaient pour moi-même, au-dessus des autres femmes. Je croyais que j’avais affaire à des intellectuels, donc à des hommes lucides, dont les remarques avaient quelque chose de fondé et je me culpabilisais sous certains aspects, en tant que femme. […] Je me croyais différente des autres femmes. J’étais une femme d’apparence libérée dans l’attitude et les propos et cela leur avait suffi pour se fabriquer des fantasmes et aiguiser leurs armes (MHM 16- 17).

Dior voit dans ces deux hommes une tendance à s’identifier au colonialisme, à l’exception de leur sexisme ouvert. Elle a noté cette tendance dans le choix de leurs boissons alcooliques : « Pour l’un, la bière était un fait colonial. Son colonisateur, l’un des pires – étant entendu qu’aucune excuse n’est possible pour quelque colonisateur que ce soit – avait introduit la bière et elle était maintenue depuis, dans son pays natal comme boisson de prédilection. Pour l’autre, le vin rouge était la marque d’origine de son colonisateur » (MHM 13).

Pour elle donc, il existe deux imperfections, le sexisme et l’identification avec le colonialisme chez ces hommes, ce qui fait qu’ils ne peuvent pas entrer dans son cercle d’amis. De plus, ce sont des personnages patriarcaux qui voient l’homme comme supérieur à la femme. D’ailleurs, ce sont des caractéristiques qui les éloignent des caractères de son frère et son père. Chez elle, malgré son statut de femme, elle était traitée d’une manière respectueuse, de la même manière que ses frères. Ses parents lui avaient donné la chance de poursuivre ses études jusqu’à l’université. Mais chez ces deux hommes elle observe que :

La première fois que je les avais rencontrés, ils m’avaient donné l’impression de ne pas être des dragueurs. Cependant à leurs propos envers les femmes, je devinais que celles-ci devaient tomber dans leurs soupes, comme des mouches ensorcelées. Leurs allusions aux femmes étaient minimalistes, réductrices. Je me disais, et cela m’arrangeait, qu’ils ne me prenaient pas pour une femme, ou alors pas comme celles dont ils parlaient (MHM 14).

Curiel (2002, 103) conclut qu’ « il est important de comprendre que le racisme, le classisme et le sexisme sont des systèmes de domination qui ne s'excluent pas mutuellement et qui proviennent de l'exploitation économique, sociale, sexuelle, culturelle et politique de certains groupes par d'autres, à l'intérieur du système général qu'est le capitalisme patriarcal raciste dans sa phase néolibérale ». Werneck et Falquet (2005, 34) demande que « Jusqu'à quel point le concept de "féminisme" est-il suffisant pour inclure toutes les femmes, tous les activismes, toutes les luttes ? » Mais Dior n’est pas nécessairement une féministe malgré son propre combat contre l’attitude condescendante des hommes envers les femmes. Néanmoins, étant une femme, elle sympathise avec la condition de la femme en général, dans un monde patriarcal :

Une femme n’avait pas accès au statut d’individu, même une femme intellectuelle, devant un homme. Une femme était d’abord quelqu’un à analyser, à disséquer, si elle persistait à se vouloir individu. Elle n’était exceptionnelle que si elle

était lesbienne, dépressive, souffrait de migraines perpétuelles, ou condamnée par quelque terrible mal qui suscitait compassion ou tout autre sentiment dans le genre, sinon elle n’était bonne qu’à baiser (MHM 15-16).

Millán (2012, 37) note que le féminisme est capable « de rendre compte des relations de pouvoir à l'origine des inégalités et de la subordination aux hommes et au masculin, à l'État-nation et à la culture hégémonique, mais aussi entre femmes ». Dior dit ouvertement que ces deux hommes ne l’intéressaient plus après leur tendance à considérer toute femme comme inférieure :

Ces deux prétendus amis ne connaissaient pas mon histoire. Ils ne savaient pas que dans ma vie il n’y avait que deux hommes. Aucun des deux ne remplissait les critères, et même à deux, ils ne les auraient pas remplis. Je m’en étais rendu compte dès la première fois que je les avais rencontrés. L’un était presque grossier, ce qu’au départ j’avais pris pour de l’exubérance intellectuelle. L’autre était lourd, ce que j’avais pris pour un gros bagage intellectuel. L’un était de taille moyenne. L’autre plutôt petit. Les critères de taille étaient importants pour ne pas dire capitaux pour moi. Ils ne ressemblaient ni à mon frère, ni à mon père qui étaient de grande taille. Comme ils ne remplissaient pas ces critères, je les avais exclus de la grille de possibilité de relations autres qu’intellectuelles. Je voulais discuter avec eux de littérature, de style d’écriture, de l’actualité, de politique, de mon engagement, de mes convictions, de mes positions (MHM 17-18).

Comme cela, ces deux hommes faisaient partie d’un ensemble d’hommes qui faisaient partie de son histoire, mais qu’elle avait rejetés, parce qu’ils ne remplissaient pas ses critères. Sans être féministe, Dior est toujours prête à défendre les femmes et reproche la perception des hommes intellectuels envers les femmes, à l’instar de la perception d’un de ses « prétendus amis » :

Les hommes intellectuels n’étaient pas impliqués dans les commérages, sous-entendu : cela ne pouvait être que des occupations des femmes, mêmes intellectuelles qui pouvaient même aller jusqu’à la diffamation. Pour lui, un intellectuel ne tenait pas ce genre de propos. Mais une femme, qu’il avait du mal peut-être à prendre pour une intellectuelle et qu’il ne penser qu’à baiser, pouvait raconter des histoires. Il était impossible alors que les femmes fussent des intellectuelles, car elles s’adonnaient aux commérages. Les femmes n’échappaient pas à leur statut de « bonnes à baiser » et de

« bonnes à commérages » (MHM 19).

Mais Dior vient à la défense des femmes contre cette perception réductrice des femmes en soulignant leurs capacités : « Demandez aux femmes sunugalaises,15 ce qu’elles pouvaient faire faire aux hommes ! Ils danseraient même "Coupé-Décalé !" Ils n’avaient pas le même rapport avec des femmes dites intellectuelles ! Femme d’abord à baiser, ensuite par concession, intellectuelles avec un petit “i" » (MHM 19).

Pareillement, Masson (2003, 102) dénonce « le patriarcat et la mondialisation, [qui mettent les femmes] à la relégation des femmes vers des espaces d'action et de parole peu visibles ou peu valorisés ».

15 Pour dire femmes sénégalaises.

La migration à Paris avait permis à Dior d’expérimenter une autre vie différente de celle qu’elle avait vécue au Sénégal. Les relations entre les hommes et les femmes étaient différentes dans les deux pays. Elle observe :

J’avais cet âge et cette prise de conscience au moment où je m’étais trouvée dans un pays où des femmes choisissaient leurs hommes. Des femmes économiquement puissantes. Elles choisissaient l’homme qui allait être le père de l’enfant qu’elles voulaient avoir. C’était un pays où les hommes faisaient les beaux pour se faire apprécier des femmes » (MHM 26). Mais la globalisation avait amené une révolution dans les cultures différentes, et ceci avait changé les relations homme-femme à travers le monde. Par exemple, Dior remarque que « Désormais, les hommes de mon pays aimaient épouser les femmes avec des moyens mêmes si elles n’étaient pas jeunes. Les temps ont changé. L’homme qui, avant devait subvenir aux besoins, cherchait à présent à se faire entretenir (MHM 26).

Dans un monde globalisé, tout est défini par l’argent, même les rapports entre genre, ce qui touchait au statut de l’homme et de la femme dans la société. La globalisation implique aussi la libre migration des gens et circulation des biens. Ceci a des implications positives et négatives pour les uns et les autres. À Paris, Dior note que : « Dans un bar, comme celui-ci, je pouvais entendre parler de la mairie du XIe arrondissement, des Chinois qui peuplaient le quartier et faisaient disparaître les petits commerces et les artisans » (MHM 27). Avec la libre circulation des gens, les pays devenaient cosmopolites. Ghalioun (1999, 265) note que

« L'émergence d'une culture globale qui transgresse les frontières culturelles traditionnelles va à l'encontre de l'affirmation de L'Etat-Nation et réduit sensiblement le contrôle de cet Etat sur la formation des citoyens

». À Paris, Dior se trouve :

Dans un groupe, [où] il y avait un couple dont l’homme était français et la femme américaine. Il y avait un autre ami, un Français, il était fiancé à une Polonaise et préparait son mariage en Pologne à Wroclaw. Moi, je formais un couple avec un jeune homme originaire du Nord de l’Europe, blond comme une savane sahélienne après l’hivernage, quand le soleil reprend ses droits et jaunit tout (MHM 28-29).

Dior est une personne qui se trouve dans « l’interstice » : une Sénégalaise, avec une éducation occidentale, basée à Paris. Ce type d’identité confond beaucoup de gens, et surtout des hommes, qui interagissent avec elle et qui ont des préjugés sur l’identité et le comportement attendu d’une femme africaine. Bhabha (2007, 30) explore la question de la formation des sujets ou de la formation de l’identité dans l’interstice :

Comment des sujets sont-ils formés dans « l’interstice » ou dans l’excès de la somme des « parties » de différence (en général conçues comme race/classe/genre, etc.) ? Comment les stratégies de représentation ou de prise de pouvoir en viennent-elles à se formuler dans les revendications concurrentes de communautés au sein desquelles, en dépit d’histoires partagées de privation et de discrimination, les échanges de valeurs, de significations et de priorités ne

s’opèrent pas toujours dans la collaboration et le dialogue, mais peuvent être profondément antagonistes, conflictuels, et même incommensurables ?

Dior est confrontée par toutes ces sortes de différence de race, de classe et de genre dans un milieu patriarcal dominé par des hommes blancs. Mais elle n’est pas intimidée par les circonstances dans lesquelles elle se trouve et elle poursuit toujours sa quête de dominer les hommes à des différents niveaux de la vie.

Elle se comporte contrairement aux attentes de la société et celles du féminisme occidental ou traditionnel.

Dior parle ouvertement contre ce type de féminisme. C’est une sorte de ce que Lénel et Martin (2012, 125) appellent le « féminisme dominant issu de tradition historique », une espèce de féminisme selon lequel « tout se passe comme si la femme blanche, française “de souche”, catholique (aux États-Unis son équivalent serait la Wasp) savait comment les femmes, de culture ou d'origine différente (musulmane par exemple), devraient se comporter » (ibid. 126). Dior lamente ce type d’idéologie en faisant allusion à sa propre identité qu’elle semble chercher continuellement à découvrir. Dior elle-même est une femme qui a des allusions relatives à son identité. Elle déclare par exemple que :

La Pâque juive m’intéressait par contre et j’y faisais attention quand on en parlait. J’étais même capable de faire des recherches là-dessus. C’était mon côté juif. Je me sentais juive, rien n’y faisait, j’étais considérée comme autre chose.

La vie est ainsi. On vous prend toujours pour ce que vous n’êtes pas. Et si vous n’êtes pas solide, vous finissez par vous prendre pour ce que les autres veulent, pour continuer à faire partie du groupe (MHM 30).

Mais Dior est un personnage qui lance le défi à la question même du féminisme. Elle voit le féminisme comme un mouvement qui selon Hernandez Castillo (2012, 163) « [utilise] les corps des femmes comme épicentre de la ‘tradition’ identitaire ». Elle ne veut pas être identifiée seulement comme une femme. Elle veut être identifiée comme un individu, puisqu’elle interagit avec les hommes, non pas comme hommes, mais en tant qu’individus (MHM 23). Cela ne la restreint pas de sympathiser avec la condition de la femme. Mais elle sympathise avec des femmes en tant que ces femmes sont des individus et non pas une masse composée de parties identiques. Bronwyn et Croft (2002, 117) observent que le féminisme a tendance à généraliser et universaliser les expériences des femmes sans reconnaître qu'il existe de nombreuses couches d'expériences de femmes et que certaines femmes sont beaucoup plus exposées à la marginalisation que d'autres. En outre, il existe des femmes qui marginalisent d’autres femmes. Dior déclare que « J’étais en mission dans cette ville et dans ce pays où je n’habitais pas. J’aimais y venir de temps en temps mais pas y vivre. Ce serait impossible. Dans cette ville je n’étais confrontée qu’avec moi-même en un sens car j’y étais une femme et une femme étrangère. Alors que j’avais besoin de confrontation avec les autres d’abord pour pouvoir me confronter moi-même » (MHM 34-35).