• Tidak ada hasil yang ditemukan

Étant d’origine européenne, mais ayant grandi dans un milieu africain, Maya vit une vie hybride. Bhabha (2007, 19) décrit l’hybridité comme « une différence ‘au sein de’, un sujet habitant la frange d’une réalité

‘entre-deux’ ». De leur part, Appiah et al. (2007, 7) décrivent l’hybridité en tant que le brassage des cultures, des relations entre étrangers et d'un contentieux dialogue interculturel. Maya vit dans le confort et elle est bien intégrée dans la société africaine. Originaire de la Normandie, Maya avait été adoptée par un médecin

africain du nom de Docteur Papa, un homme prospère qui travaillait pour un organisme caritatif à Asmara, capitale fédérale de l’Érythrée. Elle est assez aisée pour se permettre des « escapades au bord de la mer Rouge ou dans le ventre du Sahara » (AEUA 22). Maya réalise ses rêves parce que, s’adressant à elle directement, le narrateur dit que « les histoires reprennent leur course pour toi toute seule. Elles t’emmènent loin, aussi loin dans les étoiles que le spationaute Ezra Mapanza, l’homme qui a marché le premier sur la Lune » (AEUA 25). Elle aime écouter les chansons du « grand parolier, le célébrissime Robert Marley » pendant qu’elle constate la misère d’autres immigrés moins favorisés qu’elle, par exemple les « jeunes filles désirables, à la peau couleur de coco […]. Celles qu’on offre en mariage à douze ou treize ans dans les bidonvilles de la vieille Europe et de tout l’hémisphère Nord, de Vladivostok jusqu’à San Francisco » (AEUA 32 & 65). Inconsciemment, Maya s’identifie aux Noirs et elle voulait l’être. Cela peut être comparé à la situation dont se réfère Fanon (2003, 48) où il y a « tentative de fuir son individualité, de néantiser son être- là ».

Maya représente les immigrés qui se trouvent dans une condition d’hybridité. Ce sont des gens qui, malgré leur condition d’immigré et d’étranger, essaient de se façonner une vie à l’africaine. N’oubliant pas ses origines, Maya se permet toujours de déguster le fameux « Neguscafé avant d’affronter le dur métier de vivre

» (AEUA 79). Bien qu’elle soit à l’aise dans cette société, Maya reconnait toujours que ses origines et ses racines sont ailleurs. Elle et ses semblables sont situés dans une situation que Bhabha appelle le « tiers- espace » ou « l’entre-deux ». Bhabha (2007, 360) observe que : « La culture migrante de “l’entre-deux”, la position minoritaire, dramatise l’activité de la non-traductibilité de la culture ; ce faisant, elle déplace la question de l’appropriation de la culture au-delà du rêve assimilationniste, ou du cauchemar raciste d’une

“totale transmission du thème” et vers une rencontre avec le processus ambivalent de clivage et d’hybridité qui marque l’identification à la différence de culture ».

Malgré la vie aisée qu’elle trouve en Afrique, Maya, qui depuis son enfance se considérait Africaine, découvre

« l’imparable, l’inoubliable » et qu’elle est différente, qu’elle « n’étai[t] pas comme les autres ». Elle constate qu’elle a « une peau couleur de lait. Une pâleur d’albinos » (AEUA 130). Le narrateur dit : « Cette évidence, tu te l’étais cachée longtemps à toi-même. […] Un nouvel alphabet s’est fait jour devant tes yeux cet après- midi-là où tu as découvert ta différence. Tu seras désormais brûlée par le mystère des origines, la lente montée de ton corps équivoque, l’approche presque tactile de la mort. Tu te sentis aussitôt étrangère à toi- même » (AEUA 130-131). Maya est dans une condition de refus de son identité. Étant bien intégrée dans la société africaine, elle n’a pas de problèmes ou de soucis comme ceux rencontrés par des autres immigrés

comme Yacouba, qui sont toujours des « Autres » dans cette société, mais elle ne peut plus nier la réalité.

Étant blanche parmi tous les Noirs, Maya est confinée dans ce que Fanon (2003, 40) appelle « une insularité intolérable ».

C’est à travers ses relations avec le photographe et sculpteur Adama Traoré que Maya trouve un pilier et une personne de confiance qui la soutient, en plus de Docteur Papa. Il est dit que « les Traoré furent […]

une famille de patriciens, de colonisateurs par intermittence et par bravade au contraire des Mwangi, des Sisulu, des Seck, des Belinga et autres Ratsimonina qui pressèrent le jus de l’Europe et de l’Amérique du Nord dès 1596 » (AEUA 135). En bref, Adama vient d’une famille responsable de la colonisation et de l’exploitation des pays pauvres occidentaux. Mais, « pour Adama Traoré, l’autre se décrète, s’éprouve à partir de soi » (AEUA 138). Et Adama est différent et accommodant pour Maya. Les deux ont des intérêts similaires et partagent des idéologies semblables. Ceci facilite leurs relations et la compréhension entre eux.

Comme le montre Fanon (2003, 75) « L’infériorisation est le corrélatif indigène de la supériorisation européenne. Ayons le courage de le dire : c’est le raciste qui crée l’infériorisé. Par cette conclusion, nous rejoignons Sartre : “ Le Juif est un homme que les autres hommes tiennent pour Juif : voilà la vérité simple d’où il faut partir… C’est l’antisémite qui fait le Juif” ». Adama voit dans Maya une personne égale à lui et la traitait ainsi. Pour le reste des Euraméricains ce sont des gens inférieurs qui doivent faire face à « la supériorisation » des Africains. Dans ce cas, c’est l’Africain qui fait le pauvre et indésirable Euraméricain. Ce n’est pas surprenant que ce soit Adama Traoré qui a accompagné Maya lors de son voyage en Europe à la recherche de sa mère perdue, mais aussi à la recherche de ses racines. Pas surprenant parce que la relation entre Maya et Adama est une relation de personnes égales qui ne se discriminent pas entre eux malgré la différence de race et de racines.

La chose intéressante est que Maya, qui survit ce cruel environnement de domination, est non seulement une étrangère, mais aussi une femme. Elle doit donc se battre ou s’imposer contre deux types de force dominatrice. Tout d’abord, elle doit s’imposer contre des hommes dominants de sa position jugée inférieure par des systèmes masculins qui sont à la fois patriarcaux et hégémoniques. De l’autre côté, étant étrangère, elle occupe une position marginalisée face à l’hégémonie de la puissance des États-Unis d’Afrique. Maya est donc subalterne à deux reprises étant une femme étrangère parmi des hommes puissants qui exploitent ceux qu’ils considèrent comme les « Autres », donc des subalternes. Elle s’assimile bien dans la société, la culture, et dans ce système hégémonique. D’autres, comme Yacouba n’ont pas pu survivre cette hégémonie.

Pourtant, cela ne veut pas dire que les gens comme Yacouba sont des gens faibles ou qu’ils sont inférieurs à la personne de Maya. Il s’agit d’un système déjà en place qui fait que les subalternes restent à jamais dans leur condition épouvantable. Yacouba et d’autres Euraméricains qui échouent dans l’effort de changer leur sort se trouvent dans une position conforme aux observations de Fanon (2002, 202) où « l’histoire [leur]

impose un terrain précis, que l’histoire [leur] indique une voie précise et qu’il [leur] faut manifester une culture [blanche] ». C’est-à-dire que ce sont des gens dont le statut ne s’améliore pas et les gens qui doivent se comporter selon les attentes des Africains, en Blancs non-civilisés.

Mais, Maya, intellectuelle, peut être accusée de complicité avec les Africains qui oppriment les pauvres Euraméricains. Elle est confortable, grâce à son statut, de s’entretenir avec les Africains qui l’acceptent parmi eux sans poser des questions, en même temps que d’autres Euraméricains sont discriminés et rejetés dans la fédération africaine. En même temps, Maya n’est pas intéressée et ne se préoccupe pas du sort des masses d’Euraméricains. Ce qui compte pour elle, c’est son propre développement individuel dans la société africaine. Elle est une sorte de « supplément » apprécié dont parle Derrida (1967, 208). En Afrique, Maya n’interagit jamais avec les immigrés euraméricains car elle pense qu’elle est différente d’eux. On dit qu’elle a une « faim d’altérité » (AEUA 162). Or, après son retour de l’Europe, ayant vu la misère là-bas, Maya avait des regrets de ne pas avoir sympathisé assez avec le sort des réfugiés euraméricains : « A présent, tu as recouvré la paix. Tu peux vivre à nouveau. Rêver, créer à nouveau. Apporter un confort aux plus démunis des Caucasiens, fleurir la tombe du brave Yacouba. C’est maintenant que nourris des regrets à son endroit.

Tu te dis que tu aurais dû lui parler, le faire parler, lui tendre la main en somme » (AEUA 186). Maya constate

« l’étrange identité-dans-la-différence ou l’altérité de l’Identité » comme pourrait décrire la situation Bhabha (2007, 105). Elle ne pouvait plus s’échapper à ses origines européennes malgré son assimilation de l’identité africaine.

Préalablement, Maya croyait que son interaction avec des Africains, qui s’estimaient supérieurs à toutes autres races, la rendrait supérieure aux autres gens de sa race. Fanon (2002, 60-61) observe que « l’intellectuel colonisé a investi son agressivité dans sa volonté à peine voilée de s’assimiler au monde colonial. Il a mis son agressivité au service de ses intérêts propres, de ses intérêts d’individu. Ainsi prend facilement naissance une sorte de classe d’esclaves libérés individuellement, d’esclaves affranchis ». Maya se trouve dans ce type de gouffre où elle doit s’occuper tout d’abord de ses intérêts individuels. Même quand elle arrive en Europe, elle ne ressent pas l’appartenance au lieu et au peuple. Elle se sent différente et

quelqu’un qui n’est pas de ce lieu. Elle se façonne une altérité propre à elle. Dans le roman la question est posée à Maya :

Pourquoi, Maya, cette faim d’altérité, cette disponibilité constante, cette sensibilité si contraire à l’assurance hautaine de nos intellectuels africains qui ne nourrissent que force sarcasme et rancœur contre leur patrie ? […] Cette quintessence toute à toi, on ne la trouve pas au centre de l’empire africain mais à sa périphérie, colportée par des personnalités sans amarres comme toi, Dounya Daher, Kossi Annan et quelques autres encore (AEUA 162-163).

Il est clair que Maya a d’une manière ou d’une autre, bénéficié de cette hybridité et de son altérité. Son hybridité l’a assurée l’intégration dans la société africaine. Ayant été élevée en Afrique, Maya se considérait Africaine, malgré la différence de la couleur de sa peau. Bien qu’elle fût blanche, elle a assimilé la culture africaine et elle est acceptée par certains Africains par exemple Adama Traoré, comme l’une d’entre eux.

Ainsi elle ne souffre pas de la discrimination autant que des autres immigrés tel que Yacouba. Néanmoins, il y a des sections de la société qui ne l’accepte pas complétement. C’est là, où intervient la notion de l’altérité dans la vie de Maya. Comme déjà observé, en Afrique, elle est discriminée par certains à cause de sa race.

Mais l’altérité de Maya est compliquée parce que partout où elle se trouve, elle est touchée par cette condition d’être « l’Autre » dans la société. Son altérité dans la société africaine lui amene des conséquences négatives. De l’autre côté, lors de sa visite en France, Maya profite de cette altérité afin de se distinguer des Français qui sont considérés inférieurs. Étant de l’Afrique, grâce à sa migration, elle a également adopté une allure de supériorité face aux Français et même face à sa mère. L’altérité de Maya en France est donc une altérité recherchée et non pas imposée, d’où elle et dit d’avoir « une faim d’altérité » (AEUA 162).